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05/03/2011

La grotesque affaire Renault

Quand le capitalisme ne rend de comptes qu'à lui-même :


 

Patrick Pélata, numéro 2 de Renault, dit maintenant qu'on l'a « manipulé » et parle de démissionner. Ghosn, le numéro 1, veut échapper au ridicule : l'avocat de Renault maintient donc qu' « on n'a aucun renseignement qui concoure, d'une façon ou d'une autre, à dire que la thèse initiale, c'est-à-dire l'espionnage, n'existe pas. » Autant dire qu'il n'y a pas non plus de preuve qui la soutienne... Quant aux trois cadres supérieurs de Renault évincés pour « espionnage », ils peuvent escompter des dommages-intérêts à l'américaine, c'est-à-dire colossaux. Le monde s'esclaffe. Surtout la Chine : après ça, les Français hésiteront avant de résister à Pékin dans d'autres affaires... Renault a donc desservi la France sarkozyenne, qui n'en avait pas besoin.  Bravo.

Cette histoire porte un enseignement. L'accusation d'espionnage était venue d'une lettre de dénonciation anonyme, chose banale dans ces paradis que sont les entreprises ; au lieu d'appeler la DCRI (filière normale en cas d'espionnage industriel), Renault a suivi la règle de l'ère néolibérale où tout doit être privé, externalisé et délocalisé. Ce qui s'est traduit par une cascade guignolesque : l'enquête confiée une société « d'intelligence économique » (déjà il y aurait beaucoup à dire), qui la délègue à l'un de ses salariés (« un ancien para basé à Alger et reconverti dans la sécurité des entreprises », on voit le tableau) ; lequel ne sera pas lui-même l'enquêteur, mais, « sans avertir son entreprise, servira d'intermédiaire à Renault pour protéger l'identité des véritables enquêteurs privés » (Libération du 4 mars). Alors qui sont ces derniers ? Sont-ils même les... derniers ? N'y a-t-il pas encore d'autres rigolos derrière ? Qui a réellement fait cette fameuse « enquête », qui se dégonfle aujourd'hui de la façon la plus risible ? Ce n'est pas encore révélé. Peut-être ne le sait-on pas.

On dira : ce n'est pas plus ridicule que la vieille affaire des Irlandais de Vincennes, ou que l'affaire Hallier, montées par des manipulateurs auxquels Mitterrand s'était confié. Mais ces affaires avaient choqué les Français : l'Etat avait dérogé, disait-on, en se confiant à des gens qui avaient agi comme des flics privés. Ce n'était pas encore entré dans les moeurs.

En 2011 c'est fait. Tout se privatise, y compris la guerre : en Irak, en Afghanistan, on en est aux opérations sanglantes menées par des « sociétés de sécurité ». De leur côté, les grandes entreprises (roulant pour elles seules, non pour le pays dont elles sont censément originaires), ne rendent plus de comptes qu'à elles-mêmes : et ceci s'applique à tous les domaines, donc aussi aux opérations d' « intelligence » [1] et de « sécurité ». D'où le fait que Renault - quoique ayant l'Etat pour actionnaire principal - n'ait pas alerté la DCRI, à laquelle furent préférés des privés – forcément plus modernes puisque privés (l'Etat c'est le mal). « Les anciens espions, policiers ou gendarmes truffent désormais les directions des grandes entreprises » : dans la logique du capitalisme tardif, ils externalisent le boulot vers des gens qui eux aussi (comme tout le reste de cet univers économique) ont pour seule norme de maximiser les gains et minimiser les prestations. Peut-être la chaîne des « enquêteurs » de l'affaire Renault aboutit-elle à un plateau de répondeurs téléphoniques, dans une oasis des déserts d'Asie centrale... Mais les chèques de MM. Ghosn et Pélata n'ont pas été perdus pour tout le monde.

 

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[1]  Encore un mot colonisé : « intelligence » en français ne veut plus dire « intelligence », mais « espionnage », comme en américain. Apparemment avec le même succès. Passons, par ailleurs, sur ces "experts" qui ont souvent l'air de sortir de séries télé sans budget.

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Commentaires

EN GARDE A VUE, LES ENQUÊTEURS PRIVES

> Et voilà : depuis le 11 mars les deux enquêteurs du service de sécurité privé de Renault ("en charge des investigations internes") sont en garde à vue pour escroquerie en bande organisée. Est-ce eux qui ont monté de A à Z cette rocambolesque affaire de pseudo-espionnage ? Le procureur de la République de Paris et l'enquête préliminaire de la DCRI le diront. La DCRI se retrouve ainsi obligée d'enquêter sur... les enquêteurs privés, magnifique illustration d'où mène le "tout privé" !!!
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Écrit par : Ridicule / | 12/03/2011

BIZARRE

> Bizarre, rien sur cette histoire chez les blogs de droite. S'apercevrait-on que tout privatiser y compris la police n'est pas forcément "dans le sens de la DSE" ?
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Écrit par : Ned / | 12/03/2011

Les commentaires sont fermés.