"Barnaby", le darwinisme social et l'air du temps

Episode instructif de la série Inspecteur Barnaby, hier soir sur FR3 :

< Sir Michael (James Fox) : "les gènes des Fielding".

 

Le cynisme est son charme : dans le cadre du comté fictif de Midsomer, une Angleterre néo-rurale de luxe, la série Barnaby cultive les tics nationaux jusqu'à la monstruosité. Hier, c'était l'histoire d'un pianiste chic et virtuose [1] pratiquant l'eugénisme par l'inceste systématique (avec sa fille puis sa petite-fille) : scénario dédié à la mémoire de sir Francis Galton (1822-1911), inventeur de l'anticyclone et du sac de couchage, mais surtout pré-généticien et cousin de Charles Darwin, dont il modifia la théorie de la sélection naturelle pour en faire la chose la moins naturelle : l'eugénisme [2]. Galton est en effet le héros caché de l'épisode d'hier soir. Son oeuvre est connue des deux personnages principaux : sir Michael Fielding, le célèbre pianiste, et Tom Barnaby, le limier local. Sir Michael tient à sauvegarder « les gènes Fielding » face à une Angleterre « dont la population frôle désormais le crétinisme » ; il pense, comme sir Francis, que seuls les meilleurs spécimens ont le droit de se reproduire... Fantasme de droite. Mais de l'autre côté, l'inspecteur Barnaby sympathise lui aussi avec Galton, précurseur – entre autres choses – de la police scientifique. Mrs Barnaby lui reproche d'ailleurs cette sympathie : « en dehors de toi, les grands admirateurs de Galton ont été les nazis », lui dit-elle froidement.

Qu'un policier travailliste partage une admiration avec Himmler, voilà un signe des temps... Signe, non certes d'une himmlérisation des esprits, mais de la confusion mentale qui marque l'époque.

Cette confusion s'exprime aussi dans les pages scientifiques de la presse parisienne dès qu'il s'agit de génétique et de « santé reproductive ». Nos médias n'iraient pas soutenir une entreprise d'inceste (même sous l'angle des nouveaux modèles familiaux), et approuveraient encore moins l'idée d'un eugénisme transmetteur de « dons présents depuis toujours chez les Fielding ». Mais un eugénisme tacite, pour le confort et le caprice, n'a rien qui les choque. L'idée de sélectionner l'enfant parfait (zéro défauts techniques) fait partie des valeurs d'aujourd'hui. Elle ne révolte que le biologiste anticapitaliste Jacques Testart, et les amis d'une écologie humaine encore absente des salles de rédaction ; amis parmi lesquels on compte les chrétiens croyants.

 

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[1] Interprété par James Fox, l'acteur qui parle l'anglais-de-la-reine en y ajoutant un nombre stupéfiant de voyelles.

[2] J'en profite pour redire que l'eugénisme est le contraire de l'écologie.

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