Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/12/2010

Image de 2010 : la prière du mineur Esteban Rojas

Un-des-mineurs-Chilien.jpgNuit du 12 octobre,

mine de San José de Copiapo (Chili):


 

 

Cela se passe dans le décor martien du désert d’Atacama, planète grise et jaune où ne vit aucune herbe et où chaque montagne est un volcan. Le premier rescapé surgit de la terre. C’est le mineur Florencio Avalos. Trois mille personnes poussent une clameur immense. La foule rugit sa joie : « Chi-Chi-Chi, lele- le, mineros de Chile ! » Et tout le monde entonne l’hymne national… « On ferait pas ça chez nous », dit un cameraman français. Car il y a aussi des centaines d’équipes de télévision, venues du monde entier. Elles bivouaquent ici depuis deux mois, autour de la mine de cuivre, avec la foule chilienne qui a dressé une ville de tentes baptisée « camp de l’Espoir ».

Cette épopée commence le 22 août, dix-sept jours après l’effondrement des galeries de la mine, quand le Chili apprend que trente-trois mineurs survivent sous 622 mètres de roche. San José est la plus décatie des quatre mille mines du Chili : une fosse centenaire surexploitée et sous-entretenue (il n’y avait même pas d’échelles de secours). « L’histoire du désert d’Atacama est couronnée de tragédies de la mine » , explique l’écrivain Hernán Rivera Letelier : « accidents fatals, grèves interminables, marches de la faim, mineurs mitraillés au cours de massacres inconcevables… Un long passif d’injustices sociales et morales qui, malgré les fleuves de promesses politiques, sont demeurées inaltérables comme les momies du désert » .

Mais cette fois, c’est le miracle. Pachamama, la vieille déesse souterraine et féroce des Indiens Aymaras, n’a pas mangé les mineurs. Ceux-ci ont survécu. Ils ont même un moral d’acier ; leur sérénité étonne. Dès qu’un contact téléphonique est établi, leur première requête – après dix-huit jours d’angoisse – est pour qu’on leur fasse parvenir… du dentifrice. Ensuite, ils demandent des bibles, des crucifix, et des rosaires, que leur enverra Benoît XVI personnellement et qui leur seront descendus par le forage de secours. Ce moral surnaturel se verra par la vidéo, quand on aura pu leur faire parvenir une caméra. Alors les trente-trois deviennent des héros nationaux. Leurs noms deviennent légendaires. Il y a Mario Sepulveda, qui présente les vidéos (avec un humour sidérant). Luis Urzua, le « capitaine » du groupe. Mario Gomez, qui a dressé un oratoire dans ces catacombes et fait le relais téléphonique avec les psys en surface. Yonni Barrios, le mineur infirmier, qui n’a pas peur du noir mais qui redoute le jour de la délivrance, « parce que ma femme et ma maîtresse m’attendront là-haut toutes les deux ». Il y a Victor Segovia, qui tient son journal intime, et qui le serrera sur sa poitrine pendant la remontée (dantesque) dans l’étroite capsule-cylindre grillagée, le long du tube vertical haut comme deux fois la tour Eiffel…

Quand le mineur Esteban Rojas est extirpé à son tour de la capsule, il tombe à genoux et prie, les bras levés ; sa femme pose sur ses épaules un châle à l’effigie de la Vierge, et s’agenouille avec lui. « Il était temps que la terre, arrosée si longtemps par le sang des mineurs, réponde en laissant sortir de son ventre les fruits de la vie » , commente Rivera Letelier, lui-même ancien mineur : « Là-bas, on n’a pas travaillé pour chercher de l’or, du pétrole ou des diamants. On cherchait la vie et elle a jailli, trente-trois fois. Aux rires mouillés de larmes de la foule sont venues s’ajouter la joie et l’émotion du monde entier. »

 

(Extrait de ma chronique de novembre dans Le Spectacle du Monde).

 

09:27 Publié dans Planète chrétienne | Lien permanent | Tags : 2010