"Des hommes et des dieux" : avait-on jamais filmé cela ?

Beauté, sobriété, sensibilité, qualité du scénario et des interprètes (Lonsdale, inouï de liberté) :

... Ce qu'annonçaient les journaux était donc exact. La dimension qu'ils n'ont pas vue, c'est que Des hommes et des dieux est une « introduction » à la mystique catholique. Le film montre le destin des moines de Tibhirine, mais il donne leurs raisons intimes. Il montre des croyants crucifiés entre leur réflexe (l'instinct de conservation face au danger de mort) et leur conscience (l'appel à suivre le Christ où qu'Il aille). Il montre que par la foi au Christ, l'existence tire sa valeur d'autre chose que de l'instinct.

Le moment le plus bouleversant est ce dernier dîner des moines, crucifiés entre la joie paradoxale et l'angoisse de la mort qui approche. Quelque chose de surnaturel se joue en silence, uniquement sur les visages. Il y a d'abord les regards de gaieté enfantine, quand frère Luc (Lonsdale) dépose en silence sur la table deux bouteilles de vin de fête – on devine quelle fête. Ensuite, on voit le retour de l'angoisse : les visages qui se figent, les larmes aux yeux. Enfin, lentement, une lumière intérieure sur leurs figures : une éclosion de sérénité et de confiance, au delà des capacités de pauvres êtres humains. La foi qui s'incarne, le cheminement du divin dans le charnel  : avait-on jamais filmé cela ?

Leur foi n'est pas une idée : c'est une confiance en Quelqu'un. Faire confiance malgré un danger de mort, demande une vertu héroïque. Cette vertu est donnée par grâce. Voilà objectivement ce que montre le film.

Il montre aussi pourquoi le frère Christian aime les musulmans du village jusqu'à les accompagner à la prière, un jour de fête familiale (et entendre une sourate s'achevant sur une formule contre « les peuples infidèles »). Christian regarde ces musulmans avec le regard de Dieu, un Dieu « qui ne fait pas acception de personne ». Ce n'est pas le contraire de la mission : le seul moyen de faire connaître l'évangile est de le vivre.

Ce film est sorti au moment où un pasteur américain véreux faisait parler de lui grâce aux médias, en trompettant qu'il allait brûler des Coran. Beaucoup d'organisations protestantes ont condamné cette provocation. L'Eglise catholique aussi, à haut niveau (voir notre note d'hier). La position de Rome peut être connue de chacun. Mais les caricaturistes de presse ne prennent pas la peine de s'informer : Yahoo-Actu a publié avant-hier un dessin montrant un évêque mitré et un prêtre en barrette brûlant un tas de Coran ! Face à cette désinformation obtuse, conseillons à tous d'aller voir Des hommes et des dieux. Xavier Beauvois n'est pas croyant ? Alors la foi catholique est bien ce qu'en montre le film, puisqu'un auteur même incroyant la voit ainsi...

-