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03/08/2010

Marée noire : la vraie situation...

oil_hands.jpg...n'est pas ce qu'affirme BP.

Leçons à tirer pour l'instant :


BP a-t-il enfin (au bout de trois mois) réussi à colmater la fuite de pétrole qui a causé la pire marée noire de l'histoire américaine ? Le puits « devrait être bouché » aujourd'hui : la méthode qui avait échoué en mai « devrait fonctionner » cette fois car l'entonnoir en place « récupère maintenant le pétrole », ce qui « devrait neutraliser la pression ».

Auquel cas les médias français vont faire volte-face (on en voit déjà les signes)... En décembre, après Copenhague, ils s'étaient ralliés aux négationnistes climatiques. En août, après l'arrivée à la tête de BP d'un Américain jovial (Dudley) à la place de l'Anglais gaffeur (Hayward), ils se rallieront en masse aux communiqués officiels de la multinationale. Ils nous diront que le pétrole a disparu comme par magie, et que la planète digère très bien les marées noires. C'est la logique médiatique : après avoir hurlé dans un sens, hurler en sens contraire. Dans les deux cas ça fait vendre.

Mais cet été, après six mois de désinformation genre Allègre, les médias commencent à reconnaître – à mi-voix – que les climatologues n'avaient pas démérité et que l'échauffement (avec son facteur anthropique) reste une réalité.

Et dans six mois, les médias reconnaîtront les dommages que les centaines de millions de litres de pétrole répandus dans le golfe du Mexique ont causé à la biosphère.

Car le pétrole n'a pas disparu, contrairement à ce que claironnent mes confrères. Il est tombé au fond du golfe, sous l'action du redoutable « dispersant » chimique répandu massivement par BP (qui refuse de donner les chiffres). Or ce « dispersant » est dangereux pour les espèces vivantes et les écosystèmes, au point que l'EPA (agence fédérale pour l'environnement) demandait qu'on l'utilisât rarement....

Aujourd'hui englué au fond de la mer sous une pression très élevée, le pétrole – « dispersé » (!) en boulettes toxiques et poisseuses – aura des effets sur les eaux profondes, matrice de la vie océanique.

Ces nuisances mettront des années à se manifester : notamment sur les massifs coralliens, habitat de nombreuses espèces. Vingt ans après la catastrophe de l'Exxon Valdez sur les côtes d'Alaska, les poissons « ne se reproduisent toujours pas normalement », révèle l'océanographe américain James Cowan (Louisiana State University). Or la catastrophe de BP a déversé dans les eaux vngt fois plus de pétrole que celle de l'Exxon Valdez.

Si BP a usé massivement du dispersant chimique, c'était dans l'espoir d'empêcher la plus grande partie du pétrole d'atteindre les côtes. Elles ont pourtant été souillées sur des centaines de kilomètres. Personne ne peut mesurer le dégât infligé aux marais de Louisiane : si les racines végétales meurent, ce qui reste des marais s'effondrera dans le delta et tout l'écosystème périra. Ainsi que le microcosme humain des cajuns.

La pseudo « disparition » du pétrole dans le golfe ne fait donc que masquer une grande partie du désastre environnemental, et compliquer son évaluation.

Détail : aux scientifiques travaillant sur cette évaluation, BP propose un contrat qui leur interdit de publier les résultats de leurs recherches ou de communiquer leurs informations pendant « au moins trois ans ».


Restent les leçons politico-économiques et culturelles à tirer de cette affaire. Naomi Klein l'a fait dès le 24 juin dans The Nation, sous le titre A hole in the world (''un trou dans le monde'') :

- Le désastre BP met à nu, dit-elle, « le peu de contrôle que nous exerçons sur les redoutables forces naturelles interconnectées avec lesquelles nous jouons de façon si insouciante... Cette crise environnementale touche à de nombreux problèmes : la corruption, la dérégulation, l'addiction aux combustibles fossiles. Mais au-delà, elle met en cause la dangereuse attitude de notre société qui prétend à une compréhension de la nature et à un pouvoir sur elle qui nous autoriseraient à la manipuler et à la remodeler radicalement. »

- « Le ''dossier initial d'exploration'' que BP avait soumis au gouvernement avant le forage de Deepwater Horizon se lit comme une tragédie grecque sur l'arrogance humaine. Même en cas de marée noire, dit-il, les dégâts environnementaux seront minimes. Présentant la nature comme un partenaire (voire un sous-traitant) prévisible et consentant, le rapport affirme qu'en cas de pollution ''les courants et la dégradation microbienne élimineraient le pétrole de la colonne d'eau et dilueraient ses composants à des taux insignifiants''. »

- « BP a si peu tenu compte de la houle et des coups de vent qu'il n'a pas songé qu'une nappe de pétrole puisse dériver sur 70 kilomètres. À la mi-juin, un débris provenant de Deepwater Horizon a été trouvé sur une plage de Floride, à 300 kilomètres du lieu de l'explosion. Mais une négligence aussi scandaleuse n'aurait pas été tolérée si BP n'avait influencé une classe politique avide de croire que la nature est totalement maîtrisée. Forer sans réflexion préalable a été la politique du parti républicain à partir de mai 2008 [1]. »

- « La Terre n'a jamais été une machine. Suivre le cheminement du pétrole dans l'écosystème constitue une excellente introduction à l'écologie globale. Chaque jour, nous prenons conscience qu'un problème terrible survenant dans une région du monde se répercute ailleurs, selon des chemins que la plupart d'entre nous n'auraient jamais imaginés. »



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[1] « Alors que le prix de l'essence atteignait un pic, le leader conservateur Newt Gingrich lança le slogan : ''drill here, drill now, pay less'' (''Forons ici, forons tout de suite, économisons''). Immensément populaire, la campagne pour les forages bazarda la prudence, la mesure et les études préalables. Pour Gingrich, forer partout était le moyen de faire baisser le prix des carburants à la pompe, de créer des emplois et de botter le cul des Arabes : face à ce triple idéal, se préoccuper d'environnement était un truc de pédés... Obama est tombé dans le panneau : trois semaines avant l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon, il a annoncé qu'il autoriserait les forages off-shore dans des zones protégées du littoral américain. »

 

 

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Commentaires

INCOHERENTS

> Les mêmes écolophobes, qui applaudissaient Gingrich de vouloir "botter le cul des Arabes",
ont applaudi l'Arabie saoudite dans son action contre le sommet de Copenhague (via le faux "climategate"). Comme quoi les phobies rendent incohérent.
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Écrit par : Simon Postel / | 03/08/2010

ECOLOGIE CHRETIENNE

> Au risque d'étonner nombre de semi-écolos (semi parce qu'à moitié formatés par la christophobie matérialiste mercantile, surtout ceux qui se croient les plus "deep"), je vois dans les réflexions de Naomi Klein une résonance directe avec le livre de la Genèse 2, 15 : l'homme fut modelé par Dieu "à partir de la glaise du sol" - non pas tombé du ciel - "pour cultiver et garder" le reste de la création ("le jardin d'Eden"), non pour le consommer cupidement et aveuglément.
Jouer "de façon insouciante" avec les forces de la nature créée, dont nous ne comprenons qu'une petite partie, c'est la folie de l'homme pécheur qui croit devenir tout-puissant, maître du bien et du mal (Genèse 2, 17).
Je ne vois pas comment on peut se dire chrétien sans penser cela.Ce serait faire un compromis mortel avec l'idéologie matérialiste mercantile, cause de la christophobie actuelle.
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Écrit par : selah / | 03/08/2010

DANS LE DIPLO

> à compléter avec un excellent article du 'Monde diplomatique' du mois dernier, qui explique comment, parce que, préoccupés, de manière légitime, au terme d'une vie de labeur, par leurs fonds de pension (privatisation des retraites oblige) étroitement liés aux intérêts pétroliers (actions BP d'autant plus rentables qu'on rogne sur toutes les dépenses qu'exigerait une certaine éthique de la sécurité...), les classes populaires et moyennes britanniques, soutenues par le gouvernement, vont fatalement chercher à limiter l'impact de l'action intentée par le gouvernement américain pour faire payer les pollueurs (une chute en bourse du cours des actions de BP serait catastrophique pour eux) : ou comment les affinités, connivences, solidarités logiques et traditionnelles qui voudraient théoriquement que les modestes travailleurs britanniques soutiennent les pêcheurs du Golfe du Mexique ruinés, sinistrés par le désastre, sont dévoyées par le jeu des intérêts économiques.
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Écrit par : blanche / | 05/08/2010

Les commentaires sont fermés.