L'effondrement des Bleus est une allégorie

L'humain se dissout dans le matérialisme mercantile :

 

<< S'il y a bien dans ce vaudeville un coupable (Nicolas Anelka), des fautifs (tous ces joueurs "grévistes", il y a aussi un responsable : le sélectionneur de l'équipe de France. Il n'a pas assumé l'échec de l'Euro 2008 et s'est accroché à son poste. Il a confondu le terrain avec un plateau de télé-réalité. Il a affiché, depuis des années, à longueur d'interviews, une morgue indécente. Morgue qu'il a manifestement réussi à transmettre à ses joueurs. Enfin, Raymond Domenech a accepté d'être le jouet d'intérêts financiers, de la fédération, de la télévision, des agents des joueurs et autres sponsors surpuissants. S'il faut une morale à cette pantalonnade, c'est de ce côté-là qu'il faut chercher (...) Cynisme de l'argent roi, qui rend fou, qui autorise tous les excès, isole, corrompt. Les communicants nous vendent l'illusion de joueurs porteurs de valeurs collectives. On les grime en éducateurs pour gamins en mal de repères. Ils sont en réalité les traders bling-bling d'un sport qui a hier perdu en France beaucoup de crédit. >>

 

Peu à ajouter à cet édito de Paul Quinio dans Libération de ce matin. Le sport-spectacle est l'un des rayons de la société du même nom. Celle-ci est l'aboutissement du capitalisme tardif : système qui tente d'échapper à l'impasse matérielle (l'épuisement des ressources de la planète) par la fuite dans le virtuel (le casino financier). Le casino détruit l'économie réelle ; le mercato détruit le foot. Mêmes causes, mêmes effets.

De crise systémique en crise systémique, le capitalisme tardif court à sa perte. En attendant, il dissout les dernières solidarités sociales et les derniers rêves collectifs : ainsi le sport, que la société marchande nous présentait comme un substitut libéral des patriotismes, mais qui s'effondre dans le délire individualiste caractéristique de l'époque. L'hédonisme obtus des Bleus fait "rigoler le monde", constate Franck Ribéry à TF1 : mais si la France est le pays le plus touché par cet effondrement, il n'est pas le seul en Europe. Quand je critiquais [1] l'air buté des Bleus (chacun dans son égocentrisme) pendant l'hymne national, ce n'était pas par chauvinisme, encore moins par affection envers des paroles absurdement sanguinaires ; mais parce que le refus de chanter un idéal partagé - quel qu'il soit - constitue un symptôme.

Emmurés dans notre vide intérieur, nous sommes poussés à "vivre et penser comme des porcs", titre d'un essai publié en 1999 par le mathématicien Gilles Châtelet avant de se suicider. Il écrivait : "Se contenter de faire proliférer les cas particuliers d'une espèce, serait-ce tout ce qu'il reste à espérer de l'humanité ?"

Si c'était le cas, il faudrait plutôt désespérer.

Mais résistons à l'envie de mourir qui prend les supporters de l'équipe de France. Il y a moyen de vivre et penser autrement... Commençons par porter le fer à la racine. L'ennemi du genre humain, c'est l'idéologie économique : le matérialisme mercantile, disait Jean-Paul II.

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[1]  à Radio Notre-Dame vendredi (lien ici à cette date).