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18/05/2010

Inde : répression contre la population de l'Orissa - L'Eglise catholique aux côtés des insurgés

Intéressante dépêche d'Eglises d'Asie, à lire avec attention car elle implique des surprises :


<< En Orissa, des affrontements entre la police indienne et des opposants à l'implantation d'un complexe sidérurgique ont fait une centaine de blessés, rapporte Eglises d'Asie, l'agence des Missions étrangères de Paris (MEP), ce 18 mai 2010.

Samedi 15 mai, plus d'une centaine de manifestants ont été blessés et une quinzaine d'entre eux arrêtés par la police, lorsque celle-ci a forcé les barrages avec lesquels ils bloquaient depuis des mois l'accès au site d'implantation du géant de la sidérurgie sud-coréenne Pohang Iron and Steel Company (Posco).

L'action des forces de police a été vivement condamnée par de nombreux leaders politiques, qu'ils soient membres du Parti communiste de l'Inde (CPI), du Parti du Congrès ou encore du Bharatiya Janata Party (BJP). L'Eglise catholique a également dénoncé les violences policières par la voix de plusieurs de ses représentants, dont l'évêque catholique de Rourkela, Mgr John Barwa, qui s'était déjà clairement engagé aux côtés des manifestants. « Nous sommes opposés à tout ce qui va contre les intérêts des communautés locales, avait-il notamment exprimé le 9 mars dernier. L'Eglise ne peut accepter un projet qui envisage de chasser les gens de leurs terres » (1).

En 2005, la firme sud-coréenne, qui est le 4ème plus gros sidérurgiste mondial, avait signé un contrat avec l'Etat de l'Orissa pour y installer un gigantesque complexe industriel intégré, comprenant l'extraction du minerai de fer, des usines sidérurgiques et la construction d'un port. Ce projet colossal d'un montant de 12 milliards d'euros et qui avait pour ambition de faire de l'Orissa « la Ruhr de l'Asie » s'est cependant heurté dès le départ à l'opposition farouche des habitants de la région, en majorité des aborigènes, des dalit et des chrétiens qui vivent des ressources de la forêt, de la pisciculture et de l'agriculture.

L'Orissa détient plus de 27 % des gisements de minerai de fer de l'Inde, laquelle voit aujourd'hui ses besoins en acier grossir rapidement. Avec des ressources en eau abondantes (proximité de la mer, territoire bordé par deux cours d'eau), le district de Jagatsinghpur, choisi par Posco, était un site idéal pour l'implantation d'un complexe sidérurgique.

Afin d'obtenir les 1 600 hectares de terrain nécessaires à la réalisation du projet, la firme sud-coréenne a vainement tenté de convaincre les habitants du district de Jagatsinghpur, à grand renfort de campagnes d'information, de réunions et de prospectus. Sur le site Internet de Posco-India, où le projet sidérurgique, virtuel depuis cinq ans, s'affiche en vidéos, graphiques et vues d'artiste, des enfants indiens souriants se rendent dans les écoles créés par la firme et bénéficient des soins médicaux prodigués par des équipes sud-coréennes. Dans l'argumentaire proposé par Posco, l'accent est mis sur le développement économique de l'Orissa, la création d'emplois, le respect de l'environnement ainsi que des cultures autochtones.

Les opposants au projet en ont une toute autre vision : dénonçant un désastre écologique à venir, la pollution du milieu naturel ainsi que le non-respect des droits des communautés minoritaires, les habitants de la région ont multiplié les manifestations et les mouvements de protestation, refusant une expropriation qui les priverait de tout moyen de subsistance, mise à part une indemnisation insuffisante en raison de la qualification de la région en Zones économiques spéciales (SEZ) (2).

Encadrés par la guérilla communiste, très présente dans la région, les villageois se sont organisés rapidement en groupes de résistance. Le conflit s'est durci en janvier dernier lorsque les habitants des villages concernés ont décidé de bloquer la route menant à Balithutha, point d'accès principal au futur site de la firme, afin d'empêcher l'entrée des responsables du groupe sud-coréen et des autorités de l'Etat. Plusieurs centaines d'entre eux se sont relayés pendant près de quatre mois dans un sit-in pacifique mais déterminé.

Le 15 mai dernier, après avoir donné l'ordre aux manifestants de libérer le passage menant au futur site de Posco, la police a tiré sur la foule avec des balles en caoutchouc et fait usage de gaz lacrymogène. Selon les forces de l'ordre, les manifestants les auraient provoqués, lancé des pierres et de petites bombes artisanales (3). Selon les manifestants et quelques témoins - comme Suryashankar Das, réalisateur de plusieurs documentaires sur la question -, hommes et femmes sans distinction auraient été frappés par la police et grièvement blessés par les balles et les coups de matraque, sans qu'il y ait eu de provocation de leur part. La structure temporaire qui servait d'abri aux opposants aurait également été incendiée par les forces de l'ordre, qui ont déclaré, le 17 mai, avoir repris le site et contrôler la situation (4).

A l'annonce des affrontements de Balithutha, le Parti communiste de l'Inde (CPI) a immédiatement organisé des manifestations dans plusieurs villes de l'Orissa et annoncé un grand mouvement de protestation le 20 mai prochain à New Delhi. Abhaya Sahu (Sahoo), l'un des leaders de la résistance aborigène au projet, a déclaré de son côté à l'agence Ucanews (5) que la « brutale » répression par la police d'une manifestation du peuple sapait les fondements même de la démocratie indienne et aurait certainement pour conséquence de désespérer encore davantage la population des démunis.

Âgé de 52 ans, le chef de file du mouvement d'opposition au projet de Posco (Posco Pratirodha Sangram Samiti, PPSS) est l'un des hauts responsables du PCI de l'Orissa. Après avoir rappelé les fondements pacifiques de cette « lutte démocratique », il a ajouté : « [Nous] n'accepterons le rachat des terres à aucun prix. Nous sommes prêts à sacrifier nos vies. »

Ces dernières années, les mégaprojets d'implantation industrielle sur des terres agricoles font régulièrement la une des journaux. En septembre 2008, dans le district de Singur, au Bengale Occidental, de violentes manifestations ont contraint Tata Motors à transférer la construction de son usine d'assemblage de la voiture Nano au Gujarat, où, à nouveau, le groupe s'est heurté à des manifestations. En Orissa et au Jharkhand, ArcelorMittal tente depuis plusieurs années d'implanter des aciéries, mais, là aussi, l'opposition des aborigènes et des paysans à vendre leurs terres bloque les réalisations. Dans le Maharashtra, NPCIL, société indienne d'électricité nucléaire, ne parvient pas à acquérir un millier d'hectares de terrains pour y construire des réacteurs nucléaires Areva. Soucieux d'éviter les conflits politiques, les Etats régionaux comme l'Etat central tentent, souvent en vain, de concilier leur désir de favoriser l'investissement et la croissance économique avec leur volonté de tenir compte de l'opinion publique et de leur électorat. >>

 

(1)  AsiaNews, 9 mars 2010.

(2)  Les SEZ ou « zones économiques spéciales » ont été mises en place en 2006 par le Premier ministre Manmohan Singh afin de favoriser l'implantation des entreprises, par des rachats de terres à bas prix dans des régions qualifiées de « sinistrées ».

(3)  Press Trust of India, 17 mai 2010 ; The Hindu, 16 mai 2010.

(4)  The Telegraph, 17 mai 2010.

(5)  Ucanews, 17 mai 2010.

© Eglises d'Asie.

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18:56 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : inde

Commentaires

NOUVELLE EPOQUE

> "L'Eglise catholique a également dénoncé les violences policières par la voix de plusieurs de ses représentants, dont l'évêque catholique de Rourkela, Mgr John Barwa, qui s'était déjà clairement engagé aux côtés des manifestants. « Nous sommes opposés à tout ce qui va contre les intérêts des communautés locales, avait-il notamment exprimé le 9 mars dernier. L'Eglise ne peut accepter un projet qui envisage de chasser les gens de leurs terres". (Dépêche d'Eglises d'Asie).
C'est clair et net. La présence de communistes à la tête de la résistance populaire ne fait pas peur aux évêques indiens. C'est remarquable. Une époque est bien finie : celle où le mot de "communisme" rendait les catholiques affolés et aveugles, ce qui les jetait du côté de la CIA : la peste plutôt que le choléra.
C'est vrai que l'URSS a disparu et que la Chine restant une tyrannie n'a plus rien de marxiste ni de prolétarien : "le communisme" au vieux sens du mot n'existe plus. Ce qui reste (dans des cas locaux comme l'Orissa) ce sont des populismes à discours révolutionnaire (les naxalites indiens p. ex.), mais dépouillés de tout le "messianisme" léniniste qui se présentait comme une prophétie de l'avenir du monde. D'où l'attitude des évêques indiens. Ils savent qu'en s'engageant aux côtés des pauvres de l'Orissa, quitte à côtoyer des "communistes", ils ne risquent plus du tout ce que risquaient les "progressistes" d'autrefois, vicitmes de leur complexe d'infériorité intellectuelle envers le magistère du marxisme.
D'ailleurs qui persécute les chrétiens en Inde en 2010 ? Les fascistes néo-hindouistes du BJP, sections d'assaut de "l'identité nationale indienne" ! Une sorte de lepénisme aux couleurs de Kali. Les rouges n'y sont pour rien.
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Écrit par : mahboub ali / | 19/05/2010

BJP

> Le BJP c'est bien plus que le Front National ! si des membres du FN ont pu participer à des ratonnades, ils ne recevaient pas l'aval de ce parti : le FN n'en a jamais organisé de ratonades, ni de pogroms ni quoi que ce soit contre quelle que religion que ce soit. Le BJP organise en revanche de telles choses et ouvertement ! Le rejet du FN ne doit pas amener à dire n'importe quoi. Soit vous ne savez pas ce qu'est le BJP, soit vous ne savez pas ce qu'est le FN.
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Écrit par : zorglub / | 19/05/2010

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