Nigeria : "les violences sont ethniques et non religieuses", souligne l'Eglise catholique

Les évêques nigérians et le Vatican contredisent l'exploitation médiatique de ce drame :

 

<< 500 villageois de la région de Jos, membres de l'ethnie berom, ont été massacrés par des miliciens fulani-haoussa : une des trois principales familles ethniques du pays, qui se trouve par ailleurs être de de religion musulmane. Mais cette tuerie s'explique par des motifs ethniques et non religieux, affirme l'évêque de Jos lui-même, Mgr Ignatius Kaigama : pour lui, c'est une « terrible vengeance tribale ». Co-président du conseil nigérian pour le dialogue interreligieux, Mgr Kaigama a insisté à Radio-Vatican sur ce point : « il n'y a pas de motivation religieuse, même si les assaillants sont musulmans et les victimes chrétiennes ». L'évêque a ajouté : « Nous avons une crise terrible, ici, à la périphérie de Jos... Il y a des années, c'était la plus belle ville du Nigeria et les gens étaient heureux. Hélas, avec cette crise, les choses ont changé. Mais peu à peu, s'il plaît à Dieu, la paix reviendra ».

Mgr John Olorunfemi Onaiyekan, archevêque d'Abuja, a déjà expliqué le 8 mars qu'il s'agit d'un conflit entre « pasteurs » et « agriculteurs » : des revendications « sociales, économiques, tribales et culturelles » expliquent la dégradation de la situation.  L'archevêque mentionne l'engagement de l'Eglise dans une médiation pour trouver « une solution aux problèmes concrets : politiques et ethniques ».  

Le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, le P. Federico Lombardi, confirme que les violences au Nigeria ne sont pas une question religieuse mais « sociale ».  >>

Cette mise au point de l'Eglise met en lumière un angle que nos médias veulent ignorer : le rôle du facteur ethnique en Afrique. Ce rôle est systématiquement nié par les africanologues politically-correct : ils soutiennent – contre l'anthropologie – que les différences ethniques seraient une « invention coloniale », et ils accusent d'« essentialisme » toute prise en compte de l'ethnie dans les analyses d'événements. Cette attitude de dénégation permet d'incriminer plutôt les religions : le christianisme, vu comme une culture postcoloniale ; et (à un moindre degré) l'islam. En décrivant calmement la situation sur le terrain, les évêques nigérians et le Vatican rappellent à la réalité. Ce faisant, ils contredisent l'explication trop facile des tueries par une agressivité dont l'islam serait nécessairement porteur : explication qui ne permettrait pas de comprendre pourquoi plusieurs centaines de Nigérians  musulmans ont été massacrés par des chrétiens en janvier 2010, dans la même région de Jos.

Ces nuances (et la circonspection de l'Eglise catholique) sont à rappeler : il faut être réalistes et équitables, pour éviter que notre solidarité avec la planète chrétienne ne se teinte de phobies et ne se prête, ici et maintenant, à des récupérations partisanes.