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27/02/2010

L'Alliance de Dieu met l'homme en marche vers un but

...elle ne l'enferme pas dans une "identité" à "protéger". Deuxième dimanche du Carême, Genèse 15/5-18 :


 

Dans ce passage de la Genèse, l'Eternel – qui a « fait sortir » Abraham de sa patrie chaldéenne – lui promet une « descendance » aussi nombreuse que les étoiles. La foi est une confiance : quitter le terroir de nos habitudes, pour une promesse. Et justement, Abraham « eut foi dans le Seigneur, et le Seigneur estima qu'il était juste » (Genèse 5,6). Le juste n'est pas celui qui fait sa propre volonté individuelle ou collective (Gott mit uns) en prétendant que c'est la volonté de Dieu ; au contraire : le juste est celui qui obéit à l'injonction « quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père » (Genèse 15,1). Abraham obéit à cet ordre de « quitter » ses racines, et l'Eternel lui promet un rôle inouï : « par toi seront bénis tous les clans de la terre ». La Genèse dit qu'Abraham a eu « foi » (confiance), et que – pour cette seule raison – il est un « juste » aux yeux de Dieu.

La foi n'est pas le culte des racines ni des points de départ : ça, c'est le paganisme. Elle est une marche en avant, dans la confiance, vers un avenir forcément déconcertant parce que les vues de l'Eternel transcendent les nôtres. La foi est une course vers un but, dit Paul (Philippiens 3, 13) : « oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l'avant, je cours vers le but. »

Pensons-y en écoutant les conférences de Carême de Notre-Dame de Paris sur Vatican II. Il est question aujourd'hui de lire le concile selon une herméneutique de « continuité » et non de « rupture » ; mais cette idée appelle deux précisions : a) ceux qui ont trahi le concile en opérant certains saccages en son nom, ne l'avaient pas lu du tout, ou ne tenaient pas compte de ce qu'ils avaient lu ; b) dans le christianisme, la « continuité » implique des « ruptures » continuelles. Non avec le vecteur de l'Eglise, mais avec nos propres déviances. Rompre constamment avec le vieil homme et ses paganismes instinctifs (venus du paléocortex), fait partie de la continuité commencée avec Abraham : « quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père... » Voilà située la relation du chrétien aux groupes sociaux, à leurs traditions et à leurs structures : elles et eux n'ont de valeur chrétienne que si on les vit « comme n'en vivant pas », selon le précepte de Paul, c'est-à-dire comme des étapes, des moyens, non des buts. Voilà une vision qui relativise radicalement les valeurs de la société (et fonde la doctrine sociale de l'Eglise comme ferment de contestation de ces « valeurs » quand elles sont fausses) ; cette vision chrétienne est donc ce que Maurras, jadis, dénonçait comme étant « le venin du Magnificat » [1]. Entre l'idolâtrie conservatrice [2] et l'Evangile, il faut choisir : professer le catholicisme non seulement avec « la bouche » mais avec « le coeur » (Romains 10,8).

Reconnaître la Parole comme « toute proche » (Deutéronome 30,14), c'est accepter de la laisser carboniser nos opinions, telle la torche enflammée passant entre les quartiers d'animaux du sacrifice (Genèse 15,17)...

« Quitte la maison de ton père ! »

 

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[1] Dans Le Chemin de Paradis (1894) : l'Eglise catholique aurait neutralisé le venin (révolutionnaire : "deposuit potentes de sede...") du Magnificat, dit Maurras. Quoi qu'aient plaidé ensuite ses épigones, chez lui cette idée est fondamentale. On ne peut la gommer en invoquant la conversion in articulo mortis (en 1952) de son auteur :  pendant cinquante ans il aura imprégné de marcionisme la vision du catholicisme d'une partie de la droite française. Un catholique croyant, au contraire, approuve que l'événement Jésus-Christ (annoncé par le Magnificat de Marie) soit une révolution : la seule vraie révolution, a dit Benoît XVI aux JMJ de Cologne en 2005. Bernanos en prit conscience après s'être libéré de Maurras ("à Dieu, Maurras, à la douce pitié de Dieu..."), ce qui amena chez lui le virement de bord politique dont nous parlions en janvier à propos des Grands cimetières sous la lune :

http://plunkett.hautetfort.com/archive/2010/01/08/bernano...

http://plunkett.hautetfort.com/archive/2010/01/09/bernanos-fustigeant-la-droite-les-grands-cimetieres-sous-la.html#more

 

[2 Le progressisme aussi était un paganisme. Comme la technolâtrie actuelle et le Mammon de tous les temps, en particulier du nôtre. 

  

Commentaires

LA MESURE DU CHANGEMENT

> Un tout petit bémol si vous le permettez, en prenant l'exemple de la liturgie. Benoît XVI comparait fort justement le travail du concile et la rédaction du rite rénové à la rénovation d'une fresque : on met à jour sa splendeur première, mais aussi, si on n'est pas prudent on lui fait courir le risque d'être perdue à jamais.
De l'enthousiasme donc pour répondre à l'appel de transformation intérieure, mais aussi un peu de prudence et d'humilité. Si nous n'avons pas à copier nos pères, surtout pas, car eux vivaient cet appel en leur temps et nous dans le nôtre, ils peuvent quand même nous inspirer, et nous pouvons chercher à comprendre le souffle qui les animait, eux. L'erreur majeure de certains courants de l'après-concile a été de penser qu'on pouvait tout mieux faire que les anciens, et donc qu'il fallait changer pour changer. Or la mesure du changement (de la réforme, je préfère ce mot à rupture), c'est l'appel de l'Esprit, pas la volonté d'être "in".
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Écrit par : Flam / | 28/02/2010

UNE CHRONIQUE D'ALINA REYES

> D'Alina Reyes (je crois avoir lu des interventions de cet écrivain sur le blog PP), une excellente chronique dans 'Le Monde' sur le Carême :
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/02/27/bonne-entree-en-careme_1312212_3232.html
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Écrit par : Cristina / | 28/02/2010

SUR PLUSIEURS GENERATIONS

> Certains catholiques, même quand ils ne partagent pas les haines de Maurras, gardent pourtant une indulgence assez étonnante à son égard.
J’ai eu par exemple sur le net un débat sur Maurras. Mon interlocuteur (pourtant davantage maritainien que maurrassien) insistait sur la vie mystique de l’homme, qui s’était –logiquement – conclue par la conversion.
Mystique ou pas, je suis plus sensible à la haine distillée par Maurras tout le long de sa carrière. Le venin peut conserver sa nocivité sur plusieurs générations dans les familles touchées – j’en sais quelque chose.
Racisme, haine du juif, du protestant et de l’allemand ; morale pervertie de la Nation, conçue comme une idole monstrueuse ; morale qui justifie tous les moyens employés au nom de l’intérêt national. Et un catholicisme à la Maistre pour assurer l’ordre (puisque la religion d’Auguste Comte n’a pas l’air capable de le remplacer).
C’est du paganisme, cela…


[ De PP à B. - Il y a trois ans, membre d'un jury de concours pour classes terminales, j'ai lu dans une dissertation cette phrase : "le grand philosophe chrétien Charles Maurras". Cette formule - sous la plume d'un lycéen - témoigne de la transmission sur "plusieurs générations" d'une image erronée. En effet, Maurras, tout au long de sa longue carrière de polémiste, fut le sympathisant d'une certaine idée du catholicisme ("l'Eglise de l'ordre") : mais en aucun cas un chrétien ! En témoigne ce mot de 1952, aux tout derniers jours de sa vie :
"Pour la première fois, j'entends Quelqu'un venir". Jusque là, Maurras avait rejeté, puis ignoré ce Quelqu'un. Son "appui" au catholicisme s'accompagnait d'une sorte d'incompatibilité personnelle avec le christianisme, malgré une ostensible bonne volonté vis-à-vis de l'Eglise institution. Bonne volonté dont une fraction du clergé se satisfaisait, mais qui indisposait la grande majorité - et finalement le pape lui-même : d'où l'affaire de 1926-1939. Problème du verre à moitié vide ou à moitié plein... A ceci près que la moitié vide était la zone essentielle en matière de catholicisme, l'amour envers le Christ : Maurras eut toute sa vie (presque jusque à la fin) une sorte de répugnance instinctive à l'égard du "Christ hébreu". D'où la rupture de Rome avec l'Action française, dont le "pro-catholicisme" reposait sur des bases utilitaires très discutables, et s'accompagnait d'une conception de la société qui n'était pas celle de la doctrine sociale catholique. (Quoi qu'en aient dit les religieux d'AF, du cardinal Billot au
P. Descoqs et à quelques autres).
On ne peut donc parler d'un Maurras "philosophe chrétien" sans absurdité (philosophe serait d'ailleurs beaucoup dire). Que cette notion persiste dans certaines familles catholiques montre un singulier flottement mental, d'où sortent, d'époque en époque, des attitudes contestables. ]

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Écrit par : Blaise / | 01/03/2010

DEUTERONOME

> Ces paroles du Deutéronome m'ont toujours frappé :
17.Tu ne porteras pas atteinte au droit de l’étranger et de l’orphelin, et tu ne prendras pas en gage le vêtement de la veuve. 18. Souviens-toi que tu as été en servitude au pays d'Egypte et que Yahvé ton Dieu t’en a racheté ; aussi je t'ordonne de mettre cette parole en pratique.
La veuve, l'orphelin, l'étranger, trois figures de la solitude et de la faiblesse, le Deutéronome apprend aux enfants d'Israël à respecter leurs droits, parce que tous ils ont vécu la même situation qu'eux en Egypte, avant que Dieu ne les libère. On voit ce qu'est l'élection : un pur don de Dieu, qu'on ne peut attribuer à des ancêtres illustres, à une race supérieure. Impossible par conséquent d'établir comme les autres nations païennes un mur infranchissable entre MON intérêt privé, MA famille, MON clan, MA nation, et les autres. Seul l'arrachement libérateur du peuple d'Iraël par Dieu en a fait ce qu'il est. Le don de la loi a d'ailleurs eu lieu au seuil de la terre promise : ainsi le don de la terre implique la foi d'Israël en Dieu. Et les quarante années de marche dans le désert étaient quarante années de purification, voulues par Dieu pour fortifier la foi de son peuple.
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Écrit par : Blaise / | 01/03/2010

@ Blaise

> C'est bien pourquoi certain rabbins orthodoxes récusent le sionisme parce que l'attente du Messie ne peut selon eux être confondu avec l'État d'Israël.
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Écrit par : Michel de Guibert / | 01/03/2010

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