09/01/2010
Georges Bernanos devant la droite (2)
Relire Bernanos est instructif.
Notamment s'il s'agit
des Grands cimetières sous la lune [1] :
Outre la profondeur de sa vision de l'histoire, Bernanos y déploie sa lucidité envers la droite française, déjà ridicule en 1938 avant de devenir (pour partie) criminelle à partir de 1940. Les arrière-neveux de cette droite en 2010 mentionnent rituellement « Bernanos » parmi leur petit panthéon ; c'est qu'ils ne l'ont pas lu. Ils ne lisent d'ailleurs pas grand'chose, même s'ils se prennent pour des disputationneurs ; un de leurs dadas par exemple est de nier toute responsabilité humaine dans le domaine environnemental, quitte à donner tort à l'Eglise (qui souligne cette responsabilité) : pour y parvenir, ils vitupèrent l'écologie comme étant « une annnexe du malthusianisme et de l'eugénisme », chose inexacte mais qu'ils ont entendu dire [2]. Or le malthusianisme et l'eugénisme sont nés, non à gauche, mais à droite, et dans le camp de l'Argent : l'un en 1800 et l'autre en 1900...
D'où l'hilarité du lecteur des Grands cimetières, 2ème partie, quand il découvre l'eugénisme et le malthusianisme d'une autre star du panthéon littéraire de la droite-qui-ne-lit-pas : Paul Morand [3] ! Le futur vichyssois écrit en 1938 : «J'imagine très bien les autarchies de demain, prescrivant le célibat dans certaines régions déshéritées, poussant au contraire aux naissances, d'après un vaste plan embryogénique, dans des contrées à mettre spécialement en valeur... Après avoir réglé la question des naissances, l'Etat futur s'occupera sans doute de la qualité... » [4]. Malthusien eugéniste, ce Morand (pas écolo pour un rond) devant qui tout homme de droite fléchit le genou !
Et puisque nous feuilletons Les grands cimetières, continuons.
Les grand cimetières, 2ème partie :
Sur la guignolade de la droite libérale « conservatrice » :
<< ...M. Patenôtre, que je sache, n'est pas non plus un humoriste, son récent témoignage peut donc être entendu par un auditoire aussi sérieux que celui auquel j'ai l'honneur de m'adresser :
« Imaginons une collectivité riche comme les Etats-Unis, ou même comme la Grande-Bretagne ou la France, où l'on fasse table rase de tous les préjugés et qu'on y décide, un beau jour, d'un accord unanime, de produire au maximum sans se soucier des demandes de la clientèle. Aussitôt les usines perfectionnent leur outillage et tournent, avec roulement d'équipe, nuit et jour ; pareillement dans les campagnes, la production des céréales, la culture maraîchère, l'élevage amplifient leur rendement. Qu'arrive-t-il ? Le volume de cette production industrielle et agricole atteint au bout de X... années une telle dimension qu'on peut raisonnablement déclarer qu'une juste répartition serait susceptible d'octroyer à chacun et à tous un large confort et un grand bien-être. Pourquoi faut-il donc que la routine de nos méthodes, la camisole de nos préjugés s'opposent à la marche du progrès et arrêtent ce mieux-être au cri de : "Tu ne passeras pas !" Qu'y a-t-il donc de vicié dans notre système économique qui l'emprisonne dans un cercle infernal, où la production est comprimée par l'insuffisance d'une consommation solvable, tandis que cette consommation est rendue à son tour insuffisamment solvable, notamment par une production mal épanouie ? »
Je ne sais si vous appréciez autant que moi la naïveté de cet aveu. Tant d'efforts dépensés pour aboutir à une société prétendue matérialiste qui ne peut plus ni produire, ni vendre ! Avouez que dans ces conditions les hommes d'ordre, d'un tel ordre, peuvent s'habiller en rouge, en jaune ou en vert, les dictateurs grincer des dents et montrer le blanc de l'oeil, les gosses que leurs parents ont traîné au théâtre commencent à se regarder entre eux, ils ont retrouvé Guignol, et la salle va s'effondrer sous un éclat de rire. Chrétiens qui m'écoutez, voilà le péril. Il est dangereux de succéder à une société qui s'est effondrée sous un éclat de rire, parce que les morceaux mêmes en seront inutilisables. Vous devez reconstruire. Vous devrez tout reconstruire devant des enfants. Redevenez donc enfants. Ils ont trouvé le joint de l'armure, vous ne désarmerez leur ironie qu'à force de simplicité, de franchise, d'audace. Vous ne les désarmerez qu'à force d'héroïsme... >>
Les grands cimetières, 3ème partie
Sur « national » (« identité » n'était pas encore pondu) :
<< ...Je ne suis pas, je n'ai jamais été, je ne serai jamais national, même si le gouvernement de la République m'accorde un jour les obsèques de ce nom. Je ne suis pas national parce que j'aime savoir exactement ce que je suis, et le mot de national, à lui seul, est absolument incapable de me l'apprendre. J'ignore même son inventeur. Depuis quand les gens de droite s'appellent-ils nationaux ? C'est leur affaire, mais ils me permettront de leur dire qu'ils devancent ainsi le jugement de l'histoire. Il n'y a déjà pas tant de mots dans le vocabulaire auxquels un homme puisse confier ce qu'il a de précieux [...] – « Alors vous lui préférez sans doute le mot international ?... » Nullement. Je n'ai rien à confier de précieux au mot international, il a été formé au dernier siècle, je trouve parfaitement légitime qu'il serve aux socialistes [...] Celui d'universel suffit à mes besoins, celui de catholique n'est pas mal non plus. Ca ne vous fait pas honte, non, d'exploiter contre d'autres Français, même égarés, un nom qui appartient à chacun de nous, que je ne recevrai pas de vos mains ? […] >>
<< ...Des millions de pauvres gens, qui doutent de la France et n'ont jamais connu son histoire qu'à travers des manuels scolaires où la haine partisane gicle à chaque page, que l'ignorance rend parfaitement incapables d'apprécier la valeur d'une culture à laquelle ils ne communient qu'à leur insu, qui ne liront jamais Corneille ou Rabelais, entendent chaque jour les puissants haut-parleurs de vos journaux répéter à tous les carrefours : « ici, la France ! Qui veut voir la France n'a qu'à regarder le Front national. » [5] Je dis que, consciente ou non, une telle équivoque est un crime contre la patrie. Rien ne vous donne le droit d'imposer à mon pays cet insolent ultimatum : « le communisme ou nous ! » Cinquante ans d'expérience ont assez démontré que vous ne parlerez jamais au peuple un langage digne de lui, de son passé. De l'ancien parti clérical heureusement détruit, vous avez retenu le vocabulaire, les méthodes, et jusqu'à son accent d'insupportable condescendance, d'onction rancie, d'enthousiasme oratoire, qui répugne le plus à notre esprit. Vous n'avez aucun sens du ridicule. >>
Sur l'anticommunisme tenant lieu de vision :
<< ...Ils ressemblent à ces femmes incomprises qui accepteraient tout, même les coups de trique, pourvu qu'entre deux raclées on leur affirme qu'elles ont raison – raison – raison. Je parle là d'un phénomène psychologique très facile à vérifier. Je vous défie de risquer la plus discrète, la plus timide approbation d'un article quelconque du programme ouvrier sans voir ces femmelins se recroqueviller sous vos yeux ainsi que la fleur nommée sensitive. Alors ! Vous êtes communiste ! s'écrient-ils de la même voix que les héroïnes de Courteline répliquent : Alors, je suis une imbécile ?... Comment de jeunes Français prêtent-ils encore l'oreille aux propos de ces anxieux, de ces angoissés ? […] A vous entendre, le monde ouvrier a seul ses exploiteurs politiciens, sa presse stipendiée. Comme c'est drôle ! Le régime capitaliste vit de publicité. N'importe ! L'Union des intérêts économiques, ou telle entreprise de même espèce, rougirait d'exercer la moindre pression sur le directeur de L'Echo des Bons Riches. Vous pouvez imaginer le dialogue : « Messieurs, dirait le directeur, j'ai résolu de soutenir un certain nombre de réformes sociales auxquelles votre égoïsme s'oppose. - Très bien, monsieur le directeur, nous nous refusons d'inquiéter votre haute conscience. Bien plus : désireux d'encourager la vertu, nous doublons notre subvention. » >>
__________
[1] Dernière réédition : 2008, Le Castor astral, préface de Michel del Castillo.
[2] Exacte ou non, peu leur importe : leur seul mobile est de tirer sur les écolos. (Parce qu'il n'y en a pas dans leurs familles, et qu'oncle Hubert qui s'y connaît en dit le plus grand mal.)
[3] Préface de Bernard Frank à La grande peur des bien-pensants (Le Livre de Poche, 1998) : « Morand en 40, il était à Londres, il aurait suffi d'un rien, qu'il ne soit pas marié avec cette foutue princesse, qu'il ait eu un peu d'imagination et il aurait été le grand homme des Français Libres. Ministre des Affaires étrangères. Académicien à la Libération au lieu de piétiner plus de vingt ans avant de l'être. Et je comprends que de Gaulle l'ait fait piétiner au moins dix ans. Quand on a eu la chance comme Morand d'être à Londres en 1940, juste au bon moment, et qu'on préfère alors s'enfuir à Vichy retrouver son maréchal et son poulailler de jeunes et vieux fachos et tout ça, pour protéger l'argent du ménage, ça mérite une leçon. Ah ! On s'est cru malin, on a choisi la Roumanie et la Suisse, l'argent d'abord, sa peau ensuite, on a le sens de ses intérêts et de sa carrière [...] Morand qui était à Londres n'avait pas tenu le coup, s'était donc enfui à Vichy comme s'il avait eu le diable à ses trousses. La princesse Soutzo avait dit plus tard, beaucoup plus tard, quand tout était fini : « Mais qu'aurions-nous fait à Londres, Paul et moi, nous n'y connaissions personne, il n'y avait personne à y connaître. » S'était enfui par convention. Par snobisme. Par intérêt. Un émigré de l'intérieur. Vu de Londres sous les bombes, le Maréchal lui était apparu soudain comme un Louis XVIII miraculeux et Vichy comme Gand. Vichy de toutes les façons lui allait comme un gant […] Et le gouvernement de Vichy par chance, c'était le Maréchal Pétain de l'Académie française. La France était cocue. On ne pouvait pas imaginer plus grande défaite et plus beau maréchal. L'un valait l'autre. Et puis il y avait Paris qui n'était pas loin. Où l'on avait son hôtel particulier avenue Charles-Floquet, ses relations, où il y avait tout le monde, et même des Allemands. Hélène était curieuse de Allemands. Etrangers pour étrangers, Hélène préférait les Allemands aux Juifs... »
[4] Paul Morand, Malthus ou du contingentement, La Revue de Paris, 1er janvier 1938. Nos ultras ne l'ont pas plus lu qu'ils n'ont lu Bernanos. Mais leur papy disait : "Morand, quelle plume ! Et je l'ai souvent croisé à la piscine de l'Auto."
[5] « Front national » : en 1938, conglomérat électoral anti-Front populaire. L'un des ténors de ce rassemblement était Louis Darquier (dit de Pellepoix), qui allait illustrer quatre ans plus tard une autre face du conservatisme.
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11:58 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : christianisme
Commentaires
SI PEU QUE RIEN
> Bernanos je connaissais, mais l'éreintement de Morand par Frank, quelle rigolade !
L'autre rigolade frankienne fut quand il inventa le mot "hussards" pour désigner ce non-groupe doté d'une non-pensée, avec le factice Nimier comme non-leader. Tout dans la posture et rien dans la cervelle, à l'heure où il aurait fallu bâtir un solide courant "réaliste chrétien" face à l'idéologie dominante marxiste. Mais non, ces jeunes messieurs ne voulaient que prendre une pose de vaincus de 1944 (sans risques) : SPQR, Si Peu Que Rien. C'est d'ailleurs de cette génération vague et confuse qu'est venu précisément le confusionnisme catho-facho : faire comme si la fermeture ulcérée de l'extrême droite était compatible avec l'ouverture constructive du christianisme. De cette pseudo-compatibilité est né un milieu fondé sur un pur mensonge. Il se prolonge encore. Dans la débâcle postmoderne des idées, il fait semblant de représenter quelque chose. Déplorons que quelques membres du clergé cautionnent ce confusionnisme, perpétuant là aussi une habitude dénoncée par Bernanos dans "les Grands cimetières sous la lune".
Écrit par : Alain Lemire, | 09/01/2010
"LES AMIS POSTHUMES DE BERNANOS"
> Du RP Bruckberger, qui n'était pas paré de toutes les vertus mais certes d'un grand talent : "Les amis posthumes de Bernanos ont bien de la chance en effet que Bernanos soit mort".
Très inconfortable en vérité d'être l'ami posthume de Bernanos : ce prophète a dénoncé tant de travers qu'il se trouve toujours un de ses textes pour nous en cuire sévèrement ! Paradoxe qui fait de ce pamphlétaire iconoclaste, irremplaçable et irrécupérable (au sens propre) à la fois l'ami d'un grand nombre et l'ennemi de tous car il est pour l'éternité l'ami tendre de nos vertus et grandeurs et l'ennemi implacable de nos vices et lâchetés. Et voici que tout ceci bataille en nous sans trêve ni repos...
Écrit par : Guillaume de Prémare, | 09/01/2010
à Guillaume de Prémare
> "ce prophète a dénoncé tant de travers qu'il se trouve toujours un de ses textes pour nous en cuire sévèrement". Mmmouais. Il y a tout de même chez lui une sacrée cohérence, et ses rafales visent et touchent toujours les mêmes cibles. Et ces cibles sont généralement à droite. Il le dit lui même haut et fort. C'est l'évidence.
Écrit par : Alain Lemire, | 09/01/2010
BRUCK ET BERNANOS
> Bruckberger, que j'ai pratiqué pendant dix ans (années 1980) et que j'aimais beaucoup, n'était pas le mieux placé pour parler de Bernanos. Certes il était l'auteur du "Dialogue des Carmélites" au cinéma. Mais il se posait en successeur de Bernanos, ce qui le mettait à couteaux tirés avec tous ceux qu'il appelait "les amis posthumes", autrement dit tout le monde sauf lui... Quant aux enfants de Bernanos, ils en voulaient mortellement à Bruck.
J'ai une lettre plus que violente à son sujet, signée de Jean-Loup, dans mes archives !
Par ailleurs Bruck était trop "droite conservatrice" (en particulier dans ses apologies du capitalisme libéral) pour être réellement dans la ligne de pensée de Bernanos. D'où sa façon de relativiser cette ligne de pensée en tant que telle...
Écrit par : PP, | 09/01/2010
RIEN N'EST EVIDENT
> Je crois sincèrement, Alain, que vous commettez la même erreur que la plupart des "amis posthumes de Bernanos" : le réduire à vos propres horizons alors qu'il est irréductible car ses horizons sont très lointains. C'est un homme de droite ayant mené parmi ses plus violentes polémiques contre la droite ; un catholique pourfendeur de catholiques ; un anti-démocrate allergique au totalitarisme ; un disciple d'Edouard Drumont (qui n'était certes pas philosémite) dressé contre l'antisémitisme htilérien etc. Et tout en écrivant cela rapidement, voilà que je me rends compte que je viens de réduire Bernanos. Comme quoi rien n'est "évident".
Écrit par : Guillaume de Prémare, | 09/01/2010
@ PP
> On mesure en effet la valeur d'un héritage à la violence des disputes entre les héritiers ! Quant à Bruckberger (on ne perd jamais son temps ni son plaisir à le lire), d'accord avec vous pour dire que l'auteur de "Le capitalisme, mais c'est la vie !" n'était pas dans la ligne de son maître sur ce plan là. Mais tout le problème est de trouver quelqu'un en tous points dans ligne du maître. En existe-t-il ? De son talent en tout cas j'en doute...
GP
[ De PP à GP - Du moment que vous permettez qu'on le lise en le prenant au sérieux, sans considérer ses polémiques comme des allégories voulant dire autre chose que ce qu'elles disent... ]
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Écrit par : Guillaume de Prémare, | 09/01/2010
LE TRANCHANT DE LA PAROLE DE DIEU
> Cet échange de vue s'il est passionnant, en rapelle un autre très actuel aussi, celui autour du général De Gaulle utilisé par les uns et les autres pour justifier leur position qu'elle soit de gauche ou de droite. Je regrette ce manichéisme et cette analyse qui me paraît bien au "centre" ce qui permet de vilipender à droite et à gauche. M F Bayrou a utilisé cette technique de souffler le chaud et le froid, chacun peut voir aujourd'hui son insuccès avant son enterrement.
La quête de la Vérité en référence aux racines chrétiennes de l'Europe et aux valeurs morales qui en découlent est la seule voie, peu m'importe donc le classement à droite ou à gauche, le temps du rassemblement des chercheurs de Dieu en vérité a sonné, merci de ne pas succomber aux manipulations de l'esprit de division.
Mathieu
[ De PP à M. :
- Merci de votre appréciation.
- Nous nous efforçons en effet de ne pas succomber aux manipulations du seul "esprit de division" : celui qui voudrait nous diviser d'avec l'Evangile pour nous enliser dans un unanimisme de façade, qui interdirait de dire les choses comme elles sont (et de faire la lumière sur ce qui prospère dans l'ombre). "Chercher Dieu en vérité", comme vous dites, est une tâche exigeante. Elle exige de se séparer des entreprises qui manipulent le religieux au profit des partis.
- La Parole de Dieu divise le vrai et le faux, la vérité et le mensonge, la foi et le pharisaïsme, l'évangélisation et le conservatisme : "plus tranchante que toute épée à deux tranchants, pénétrante jusqu'à séparer âme et esprit, jointures et moëlles, elle juge les sentiments et les pensées du coeur. Aucune créature n'est cachée devant Lui : tout est nu et découvert aux yeux de Celui à qui nous devons rendre compte..." (Hébreux 4, 11-13).
- Rendre compte : de ce qui nous sépare de l'Evangile. Nos opinions et nos réflexes de clans politiques, par exemple, si nous n'avons pas eu la grâce d'en être libérés.
- Le glaive de la Parole de Dieu n'est pas laissé à nos caprices. Nous le recevons de l'Eglise. C'est l'enseignement de l'Eglise qui est le seul guide. Et justement, c'est à lui que nous devons sacrifier nos allégeances, opinions et réflexes ; entre autre le réflexe consistant à crier à la division dès qu'on met en cause les opinions de notre milieu. ]
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Écrit par : Mathieu, | 09/01/2010
Mgr ROMERO
> Sans aucun doute ! Ces mots ne souffrent aucune equivoque et je souscris a la plus grande partie, particulierement quand il brocarde cette manie de voir des rouges partout quand il s'agit simplement d'assumer jusqu'au bout son catholicisme. L'air est connu : les ennemis intimes de mgr romero en ont fait un rouge qu'il n'était pas... De même que ses amis posthumes qui ont bien de la chance en effet que mgr romero soit mort.
Écrit par : Guillaume de Premare, | 10/01/2010
LA DROITE, VRAIMENT ?
> Un iconoclaste tout simplement comme tous les grands écrivains de Droite! Comme chateaubriand, Barrès et tant d'autres, inclasables car ils se réfèrent à une droite métaphysique qui n'est en rien celle des possédants ce que j'appelerai la droite éternelle, qui n'est jamais bêtement conservatrice sur un plan social mais qui sait être intelligemment réactionnaire au vrai sens du terme!
Oublie-t-on que c'est Barrès qui fera du judaisme une famille spirituelle de la France? Que Bernanos ne cessera de condamner le racisme hitlérien et que dire du peu de sympaphie d'un Chateaubriand pour les affairistes!Inclassables vous dis-je!
jean-claude
[ De PP à JC - Mais qu'est-ce que la "droite" ? ce mot n'a aucun sens. Le Bernanos de la maturité le considérait comme une quasi-injure... ]
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Écrit par : jean-claude, | 10/01/2010
FOURRE-TOUT
> La droite est un fourre-tout. Ce mot permet de rassembler des gens qui n'ont rien en commun, libéraux comme anti-libéraux. Et puisque Bernanos a été dans sa jeunesse un militant de l'Action française, rappelons que Charles Maurras était un fervent admirateur de Proudhon. L'opposition simpliste gauche-droite n'est pas tellement évidente. De même, il a existé une complicité plus ou moins tacite entre Drumont (qui a lui aussi compté pour Bernanos) et les socialistes.
Le clivage véritablement pertinent doit rester l'Evangile. C'est à cause de l'Evangile que Bernanos s'est retourné contre sa famille politique d'origine. Et non parce qu'il serait devenu subitement "de gauche."
Blaise
[ De PP à B. - Bernanos mentionne un "cercle Proudhon" au sein de la première AF ; ce petit laboratoire d'idées était le fait, non de Maurras, mais de jeunes gens dont la plupart furent tués en 14-18, et qui, à la veille de la guerre, décelaient déjà des lacunes graves dans la fameuse - et surévaluée - "synthèse maurrassienne". L'une des principales était son indifférence aux questions économiques : ce qui facilita le phagocytage de l'AF par les milieux "conservateurs libéraux" à partir des années 1920 ; déclin dont Bernanos explique à plusieurs reprises les mobiles et les circonstances. ]
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Écrit par : Blaise, | 10/01/2010
DROITE ?
> Qu'est ce que la Droite? Une certaine façon d'être dont celle de refuser les déterminismes, les multiples contingences, être de Droite au sens de ces écrivains c'est être un homme libre et se méfier des collectifs, c'est savoir dire non même contre son camp ce qu'ont fait les trois écrivains cités! Fondamentalement c'est un etat d'esprit avec une attitude toujours humble face au plus grand que soi c'est à dire Dieu.
De mon point de vue le libéralisme n'est de droite que dans certains de ces aspects mais est fondamentalement de gauche car il garde l'idée que les sociétés évoluent vers un progrès indéfini, or la Droite dans ses fondements est intrinséquement anti-moderniste, elle ne considère pas la modernité comme une fin en soi. être de droite C'est aussi accepter le caractère tragique de la vie et comprendre comme de Maistre ou Baudelaire que la chute n'est jamais loin et qu'il y en chacun d'entre nous une part maudite due au péché originel qui ne nous transformera jamais en bélants du progressisme.
JC
[ De PP à JC- Votre définition d'une droite idéale vous honore ; mais ce n'est pas celle des gens de droite concrets, et elle ne correspond pas à ce qu'est la droite réalisée. Permettez-moi de vous dire qu'une symétrique définition de la gauche pourrait être imaginée en appliquant la même méthode : "commencer par écarter tous les faits", comme disait Rousseau. ]
Cetyte réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : jean-claude, | 10/01/2010
DROITS ET DEVOIRS
> Il me semble que, la vie en société accordant à chaque citoyen des droits mais lui imposant aussi des devoirs, la droite a longtemps été le camp de ceux qui insistaient surtout sur les devoirs du citoyen, la gauche, le camp de ceux qui se préoccupaient surtout de défendre les droits du citoyen.
Pour que la société soit juste, il faut un équilibre entre ces deux mouvances. Or actuellement, ce n'est plus le cas. Les différents camps politiques ne parlent plus que des droits afin de flatter l'électeur dans le but de se faire élire. Il est vrai que la pente de l'homme le porte plus volontiers vers les droits que vers les devoirs. C'est tellement plus facile.
De temps en temps, une voix se fait entendre pour dire timidement et avec beaucoup de précautions oratoires que, quand même, le citoyen a aussi des devoirs, que de trop donner sans contrepartie abaisse l'homme et autres choses du même style. Et ces voix viennent indifféremment de toutes les formations politiques. Ce qui veut dire que les appellations droite et gauche n'ont plus de signification aujourd'hui, sauf à savoir de quel côté de l'hémicycle on va trouver les députés.
Barbara
[ De PP à B. - Sans doute, Barbara, mais l'idéologie des "droits" à l'époque moderne (fin du XXe siècle) a changé de nature : elle est devenue l'habillage de la vision marchande de la vie, seule vision admise depuis les années1990. Les "droits" ne cessent de se multiplier parce que toutes les "pulsions" doivent être satisfaites : c'est le ressort du marketing. Or ce système économique, le libéralisme, est celui que défend la droite aujourd'hui. Tenons compte des réalités actuelles. ]
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Écrit par : Barbara, | 11/01/2010
LES OPINIONS
> De PP : "C'est l'enseignement de l'Eglise qui est le seul guide. Et justement, c'est à lui que nous devons sacrifier nos allégeances, opinions et réflexes ; entre autre le réflexe consistant à crier à la division dès qu'on met en cause les opinions de notre milieu."
Voici en effet, cher PP, la force d'âme à laquelle nous sommes appelés sur toutes ces questions ! Il s' agit ni plus ni moins en effet, vous avez raison, que de tout sacrifier à l'évangile. Reste que ce travail de la conscience demande une incomparable finesse. Toute la difficulté vient du fait que les options temporelles nous sont à la fois permises et nécessaires. Là où les choses se compliquent, c'est qu'il peut y avoir plusieurs réponses légitimes à une même question temporelle. Nous n'avons donc pas fini d'être divisés. Et comme c'est un fait anthropologique que la personne humaine est fondamentalement un être social et par conséquent un être de culture, y compris sur le plan politique, que faire des cultures politiques de chacun ? S'en libérer, est-ce les abolir ou est-ce les ordonner, c'est-à-dire discerner ce qui est premier et second, ce qui est absolu et relatif, ce qui est de l'ordre du fondement et du contingent ? Il est heureux que nous parlions de ces questions, car la tendance de notre époque ressemble à ceci : "Ce qu'enseigne l'Eglise est relatif ; mes opinions sont absolues". Une sorte de renversement de l'ordre des choses qui rendent les divisions invivables (une sorte de tyrannie de l'opinion personnelle). Tandis que si l'ordre était rétabli ("ce qui est relatif, ce sont mes opinions"), les divisions demeureraient mais elles seraient peut-être beaucoup plus vivables. On pourrait alors appeler "divergences" ou "différences" ce qui est aujourd'hui "divisions".
La conséquence du péché originel, c'est d'introduire un désordre dans ce qui est naturellement bon, à commencer par l'usage de la liberté humaine (choisie et permise par Dieu). Ensuite, la grâce rétablit l'ordre mais n'abolit pas la nature (qui vient de Dieu). Hypothèse : il n'est pas exclu qu'Adam et Eve aient eu, avant la chute, des divergences d'opinions sur la manière de cultiver le jardin qui leur était donné. Dieu demanderait-il à Adam et Eve d'abandonner leurs divergences ou plutôt de les ordonner et d'en faire un usage conforme à leur nature ? L'idée, dans cette hypothèse, c'est que la divergence ne vient pas du péché mais que c'est la division qui vient du péché, comme désordre dans l'usage de ce qui est voulu et permis par Dieu, c'est-à-dire la liberté humaine.
Écrit par : Guillaume de Prémare, | 11/01/2010
à Guillaume de Prémare
> Oui. Bien sûr. Dans l'abstrait. Mais il y a opinions légitimes et opinions illégitimes, d'un point de vue chrétien ! Prenons un cas concret. Tel clan fait mine (en paroles et ça n'engage à rien) de condamner l'avortement, certes, mais par ailleurs bafoue d'autres positions importantes de l'Eglise en matière de dignité humaine, distribue de la soupe au cochon pour que les musulmans pauvres ne puissent pas la manger, et applaudit aux ratonnades italiennes (que le pape condamne) ; les chrétiens vont-ils faire risette à ce groupuscule et défiler en sa compagnie ? Oui ? Non ? Si oui, c'est catastrophique pour l'évangélisation. Sacrifiera-t-on l'évangélisation au plaisir de défiler avec cent cinquante personnes de plus ? Voilà un cas. Toutes les opinions ne sont pas légitimes. Le discernement est nécessaire. Il n'y a pas de raison de se montrer coulants envers certains quand on se montre intraitables envers d'autres. Si on tombe dans ce travers, cela veut dire que l'on n'a pas toute la loyauté nécessaire vis-à-vis de l'Evangile, et que l'on n'est pas prêt à renoncer à certaines opinions bien qu'elles soient contraires à la pensée de l'Eglise ! alors on essaie de faire un mélange de tout ça en cachant ce qui fait trop tache et en prétendant que le groupuscule "emprunte à la doctrine sociale de l'Eglise", alors qu'il emprunte surtout au néopaganisme.
Écrit par : Bernard Gui, | 11/01/2010
> C'est le jeune homme "riche" de l'Evangile : laisse tout et suis-moi, lui dit Jésus. Et le jeune homme s'en va parce qu'il ne veut pas tout laisser. Ici aujourd'hui il ne s'agit pas de biens matériels mais d'opinions. Et il y a une différence : le (jeune ?) homme d'aujourd'hui ne "s'en va" pas, il fait semblant de suivre, et ça ça ne va pas du tout. Au moins l'autre était franc.
Écrit par : Mathias Krook, | 11/01/2010
> Tout à fait Bernard. Quand je dis "qu'il peut y avoir plusieurs réponses légitimes à une même question temporelle", j'entends comme vous qu'il y a des opinions illégitimes. Vous en citez à bon droit quelques unes. Une opinion légitime pour un catholique, c'est une opinion compatible avec l'Evangile et l'enseignement de l'Eglise. Toute opinion ne constitue pas un bon usage de la liberté. C'est bien dans ce cadre que je défends la liberté chrétienne à laquelle je tiens beaucoup parce que l'Eglise y tient beaucoup. Ce n'est pas abstrait, c'est très concret. Dans le cadre de ce qui est légitime, certaines questions peuvent inclure des réponses diverses qui font appel au discernement des fidèles (donc à leur conscience), à leur opinion (donc à leurs préférences) et in fine à leur responsabilité propre dans la cité. On ne peut pas compter sur l'Eglise pour déterminer à notre place ce qui est le plus approprié dans un tel cas, ce n'est pas son rôle. C'est ainsi que, pour employer un peu abusivement les grands mots, je mets en garde contre un "totalitarisme à visage chrétien" qui voudrait, à partir d'une définition précise de principes (faite par l'Eglise, par exemple la DSE) définir absolument une unique politique qui y répondrait ou encore pire une seule forme d'institutions politiques légitimes.
C'est un peu l'affrontement auquel nous assistons parfois chez les catholiques soucieux de l'enseignement de l'Eglise (ce qui n'est pas le cas dans les graves abus que vous dénoncez) : chacun veut se référer au tronc commun (jusqu'ici tout va bien), puis on s'affronte sur les conclusions en affirmant haut et fort : c'est moi qui suis dans la ligne (du parti ?) ! D'où des "excommunications réciproques" sur le mode "plus catho que moi tu meurs".
Quant à la hiérarchie de l'Eglise, elle fait bien de laisser la liberté des fidèles s'exprimer. A chaque fois qu'elle cède à la tentation de bénir tel ou tel groupe particulier de fidèles sur le plan politique, elle outrepasse ses prérogatives : voir l'imprudence de certains évêques français avec Vichy, celle des évêques italiens avec la démocratie chrétienne et très récemment celle des évêques irlandais dans le référendum sur l'Europe (je ne dis pas que les catholiques irlandais ne devaient pas voter oui, je n'en sais rien je ne suis pas irlandais, mais qu'il aurait été préférable de ne pas orienter leur choix ; mais les évêques irlandais semblent avoir du mal à se départir de vieilles habitudes de tout régir chez leurs fidèles).
Il y a, assurément, une certaine forme de cléricalisme à bannir.
Écrit par : Guillaume de Prémare, | 11/01/2010
@ Guillaume de Prémare
> Je ne vous suis pas quand vous parlez du risque que certains pourraient courir d'un "totalitarisme à visage chrétien" qui voudrait, à partir d'une définition précise de principes (faite par l'Eglise, par exemple la DSE), définir absolument une unique politique qui y répondrait ou encore pire une seule forme d'institutions politiques légitimes".
Ce n'est pas (n'ayez crainte) de cela qu'il s'agit.
Il s'agit, pour plusieurs je pense, sur ce blog (dont moi) de dire : notre référentiel de pensées pour tous les jours de la semaine (et pas seulement le dimanche à 10 heures (11 heures pour moi) à la messe), ce n'est pas de savoir ce que pense la droite et, en final tel ou tel patriarche autoproclamé ou chef de parti. C'est de dire que notre problème n'est pas de savoir ce que pense la droite ou la gauche car les termes de droite ou de gauche ne nous intéressent pas. Ce qui nous intéresse c'est d'essayer d'appliquer l'Evangile dans notre vie. Et nous ne prenons pas pour autant le pape pour dictateur totalitaire : nous décidons simplement que sur tous (je dis bien tous) les sujets, nous souhaitons savoir ce que pense l'Eglise car nous tenons grand compte de ce que l'Eglise a à nous dire. Je me permets de vous faire remarquer que ce n'est pas à cause de Rome que l'on parle de la "dictature de la pensée unique". En clair nous ne vivons pas au rythme de l'Assemblée Nationale avec ses petites polémiques. Nous essayons d'être ouverts sur le monde en y réfléchissant à la lumière de l'Evangile, de l'Eglise et de son magistère et cela nous permet d'éclairer puissamment nos consciences certainement beaucoup plus que ne pourraient le faire les chefs de parti avec leurs évangiles partisans à eux. Je pense que nous pourrions être d'accord là-dessus.
Écrit par : olivier le pivain, | 11/01/2010
réponse à G de Prémare.
> Merci pour votre précision d'analyse de cet excellent échange "sur l'esprit de division" car vous replacez l'évangile dans l'Eglise et son magistère ce qui est indispensable afin de ne pas cautionner toutes les initiatives (nombreuses)prises au nom de l'évangile sans respect de l'esprit de continuité et de la nécessaire obéissance au magistère. Contrairement à nos frères protestants, chacun ne peut donner à lui seul sa lecture de l'évangile, de plus nos consciences doivent également se nourrir de l'eucharistie, ce qui conduit toute notre vie et imprègne nos réactions aux évènements.
"Fides ex auditu" or aujourd'hui l'attitude est davantage "écoute, Seigneur, ton serviteur parle" au lieu de "parle, Seigneur, ton serviteur écoute".
Écrit par : Mathieu, | 11/01/2010
> mon dernier commentaire répond à olivier le pivain et non à guillaume de prémare.
Avec mes excuses pour cette erreur et encore merci ,pour la richesse des débats et l'honneté intellectuelle qui prévaut.
PP avez-vous apprécié le revirement incroyable de Marianne à propos de Pie XII , ou quand l'esprit de vérité s'empare de la conscience de l'homme.
Écrit par : Mathieu, | 11/01/2010
NECESSAIRE MISE AU POINT
> Vous ne me suivez pas, Olivier, parce que l’expression « totalitarisme à visage chrétien » est excessive et abusive quant on sait ce que sont les totalitarismes de XXème siècle. Je m’en suis aperçu en l’écrivant et je n’aurais donc pas du utiliser cette expression. C’est ainsi, le blog a quasiment la spontanéité du langage parlé, on écrit au fil du clavier et on envoie. Dans une conversation orale, vous m’auriez repris et j’aurais immédiatement admis l’objection. Toutes les objections reçues me permettent de mieux savoir moi-même ce que je veux dire quand je plaide pour la liberté chrétienne en essayant de me conformer à l’enseignement de l’Eglise, et notamment :
1. Distinguer ce qui est du domaine de l’obéissance de la foi (Credo dogmes, mœurs), ce qui relève de l’obligation grave pour la conscience chrétienne (par exemple la DSE) et ce qui entre dans le cadre de la libre opinion.
2. Constater un renversement préjudiciable (mais pas particulièrement sur ce blog qui n’est en rien visé) : relativisme dans ce qui est d’obligation et absolutisation de son opinion : d’où une tyrannie de l’opinion qui crée objectivement de graves divisions dans l’Eglise.
3. Promouvoir un retour à l’ordre des choses et remettre ce qui est relatif là où il doit être.
4. Veiller dans le même temps à réaffirmer la liberté chrétienne pour dédramatiser les oppositions entre catholiques. Si les uns et les autres admettons la légitimité de divergences sur ce qui entre dans la catégorie de l’opinion (opinion légitime s’entend !), nous ferons assurément œuvre de pacification.
En fait, pour être tout à fait sincère, j’ai insisté sur ces questions pour les confronter aux autres habitués de ce blog car je dois intervenir le 21 janvier prochain aux Journées saint François de Sales à Annecy (organisées par Bayard), notamment en compagnie du comité de la jupe, sur le sujet « Eglise et opinion ». Je réfléchis donc à ce que je vais dire et vos réactions m’aident à discerner ce qui est mal compris, ce qui choque et donc à affiner ma pensée. Je voudrais, à l’occasion de ce débat qui ne sera peut-être pas une partie de plaisir, réaffirmer l’ordre des choses (donc lutter contre le relativisme) tout en plaidant pour la liberté chrétienne (c'est vrai que j'y suis très attaché) sur ce qui le mérite. Si vous voulez prier pour moi afin que je ne dise pas trop de bêtises…
Enfin, si ce que j’ai écrit a pu laisser croire que je pensais que le pape était "totalitaire", alors mille mea culpa pour cette maladresse car ma pensée est exactement l’inverse : le pape mène un combat courageux contre le relativisme tout en respectant la liberté chrétienne. Cela ne fait pour moi aucun doute et cela ne fait aucun doute non plus que la « pensée unique » n’a strictement rien à voir avec Rome, mais alors rien du tout, ni de près ni de loin !
Amitiés à tous !
Écrit par : Guillaume de Prémare, | 12/01/2010
Nous ferions bien de garder une certaine distance à l’égard des appartenances à la « gauche » ou à la « droite ». Comme a su le faire Bernanos.
Dans son ouvrage "L’Unité de la philosophie politique" (Vrin, 2002), André de Muralt a dégagé deux structures de pensée antagonistes présentes dans les trois grands conflits ecclésio-politiques de la période médiévale et qui, d’après lui perdurent encore de nos jours comme ce qu’on peut appeler métaphoriquement la « droite » et la « gauche ».
[1] –. (a) La doctrine de la théocratie (Gilles de Rome), prétend que c’est le sacre conféré par le pape qui constitue le pouvoir impérial ; (b) la doctrine de l’autonomie de l’empire (Guillaume d’Occam) prétend que c’est l’élection par les grands électeurs qui est seule déterminante.
[2] –. (a) La doctrine de la primauté du siège romain soutient que c’est le Pape qui constitue le pouvoir canonique du concile des évêques, et, corrélativement, celle de la primauté de l’ordinaire du lieu ; (b) la doctrine de la primauté du concile (Duns Scot) prétend que la plénitude du pouvoir canonique revient au seul concile et, corrélativement, la primauté de la communauté fidèle prétend que c’est cette dernière qui constitue le pouvoir de l’ordinaire.
[3] –. (a) La doctrine du « sacerdoce royal » revendiqué par les Ottonides et les Stauffen prétend constituer les autres pouvoirs civils et exercer une autorité universelle ; (b) la doctrine de l’autonomie nationale, qui est une transposition au profit du roi de France de la doctrine occamienne de l’autonomie de l’Empire soutient que celui-ci est « Empereur de son royaume ».
Dans ces trois conflits, André de Muralt décèle une même structure « de droite » ou autoritaire (a), qui ramène tout à l’unité d’un centre de pouvoir :
« la forme politique prédomine sur le corps social, le tout de la première assumant les éléments du corps assujetti et les constituant comme parties proprement dites, indépendamment de tout consensus, de tout lien contractuel librement institué. La forme politique est ici le principe un et unique de l’ordre hiérarchique imposé aux membres de la communauté, et elle ne tient sa souveraineté légitime que d’elle-même ou du don divin. » (p. 12-13)
Cette tendance, par exemple illustrée par les diverses monarchies absolues de droit divin (avec Luther, Bossuet, Filmer comme théoriciens), considère que le corps social n’a pas d’existence autonome, qu’il n’est constitué que par la volonté toute-puissante du prince qui lui imprime son ordre.
Une autre structure, « de gauche », c’est-à-dire populaire ou démocratique (b), tient à son caractère égalitaire absolu :
« le corps social prédomine sur la forme politique, les parties étant elles-mêmes le tout de la communauté, indépendamment de tout principe extrinsèque d’ordre, bien, loi ou prince. Le corps social est ainsi de par sa multiplicité même principe formel de son unité autonome anarchique. » (p. 13)
Sous-jacente à cette structure de pensée, on retrouve Occam pour lequel « La communauté n’est pas une vraie personne, mais elle est plusieurs vraies personnes. La cité est plusieurs vraies réalités, non uniques ». Mais les types de constitution politique « de gauche » restent très divers, allant du modèle où le peuple s’aliène totalement de son pouvoir à celui où il l’exerce directement, en passant par une démocratie représentative.
En définitive, « gauche » et « droite » sont l’une et l’autre nominalistes. John Milbank est encore plus dur, en affirmant que « les deux positions sont également athées en fin de compte ».
Alors, si je ne suis pas très sûr que la caractérisation de ces deux grandes tendances par ce qu’on appelle la « droite » et la « gauche » corresponde exactement avec la réalité plurielle que recouvre ces mots, un tel procédé n’en a pas moins le mérite de la simplification.
Ce qui est à retenir, je crois, c’est que nos idées politiques ont une origine nominaliste, ce qui explique – André de Muralt le précise – que l’Eglise soit en perpétuel porte-à-faux vis-à-vis d’elles. Jean-Paul II est-il libéral conservateur ?, se demandaient les journalistes. Ni l’un ni l’autre, en fait : Le réalisme profond de l’Eglise reste incompris de beaucoup.
Cathos de gauche, cathos de droite, libéraux ou conservateurs, progressistes ou traditionalistes… Tous ces couples de mots antithétiques devraient éveiller la méfiance. Il y a fort à parier qu’accepter de se laisser enfermer dans l’un d’entre eux, c’est adhérer à une vision biaisée et partielle de l’Eglise et du monde.
Blaise
[ De PP à B. - D'accord. Mais ne confondons pas le pompier et l'incendiaire : constater qu'il existe des "déviances auto-étiquetées" et les désigner par leur étiquette, ce n'est pas encourager, mais critiquer, cette situation étiquetante... La seule chance d'empêcher les choses de persister, c'est de les dénoncer par leur nom. ]
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Écrit par : Blaise, | 13/01/2010
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