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08/01/2010

Bernanos face aux aveuglements de la société moderne

Georges_Bernanos55.jpgDédié à ceux qui jugent suspect

de ne pas réagir comme eux :


 

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Sur les futures guerres, dont on voit aujourd'hui les prodromes :


<< ...On ne peut raisonnablement, pour de telles fins délirantes, qu'utiliser le fanatisme religieux qui survit à la foi, la furie religieuse consubstantielle à la part la plus obscure, la plus vénéneuse de l'âme humaine. Qui l'utilisera ? Quels monstres ? Hélas ! Il n'y a peut-être pas de monstres. Ceux qui rêvent d'exploiter ces perversions comme ils feraient d'un quelconque slogan sont des malheureux incapables d'en mesurer l'effroyable, le démoniaque pouvoir. Ils ne croient d'ailleurs pas au diable. Ils mettraient le feu aux hommes pour un coup de Bourse, sans s'être un instant préoccupés des moyens de l'éteindre, ils ne savent absolument rien de l'homme qu'ils définissent entre eux une machine à perdre ou à gagner des sous, une machine à sous. - Et les autres ? Les autres sont désespérés, désespérés à leur insu, de cette espèce turpide toujours comique du désespoir qui s'appelle l'ahurissement – le désespoir à la portée des imbéciles. >>


Et sur la bien-pensance paradeuse :


<< M. Henri Massis assure que nous défendons l'essentiel de la civilisation occidentale. C'est une formule bien vague […] On dit aussi les libertés indispensables. L'accord est-il fait entre nous sur ces libertés ? Pour un chrétien, je n'en connais qu'une : celle de pratiquer sa foi. Aucune société humaine, à en juger par les luttes séculaires de l'Eglise et du pouvoir civil, n'a laisssé aux catholiques l'usage absolu de cette liberté si précise. C'est donc une question de plus ou de moins. Comment la posez-vous ? A mon sens, pour pratiquer librement sa foi, selon l'esprit de l'Evangile – excusez-moi – il n'est pas seulement nécessaire de me permettre de la pratiquer, il faut encore ne pas m'y contraindre. On ne saurait aimer Dieu sous la menace. Les gens d'Eglise l'ont parfois oublié. Est-ce que je me fais bien comprendre ? […] Voilà tantôt deux mille ans que fut prononcée contre les Pharisiens la parole de l'Evangile la plus dure, d'une dureté qui étonne le coeur, et cette race ne semble pas près de s'éteindre ? Lequel d'entre nous peut se vanter de ne pas avoir dans les veines une seule goutte du sang de ces vipères ? Si vous n'avez pas su en défendre vos paroisses – ni même vos couvents et vos monastères – nous pouvons bien craindre qu'ils ne fassent la loi dans vos armées. Pour eux comme pour vous, il vaut mieux qu'il n'en soit rien. La liberté du Christ est intacte en nous, et sauf aussi notre honneur. […] Nous ne laisserons pas l'épée de la France chrétienne entre de telles mains. Nous leur ferons face, fût-ce aux côtés des filles perdues, des Samaritains, des publicains, des larrons et des adultères, comme nous en a jadis donné l'exemple le Maître que nous servons. >>


<< C'est un crime distingué, le plus distingué des crimes, un crime rare commis par des prêtres opulents, approuvé par la grande bourgeoisie et les intellectuels de ce temps-là, qu'on appelait scribes. Vous pouvez rigoler, chers frères, ce ne sont pas les communistes ni les sacrilèges qui ont mis le Seigneur en croix. D'ailleurs, permettez que je rigole aussi. Vous tenez naturellement l'Evangile pour inspiré, vous faites un sort à chaque paragraphe de ce livre divin, et ça ne vous frappe pas [...] que le Bon Dieu ait réservé ses malédictions les plus dures à de personnages très bien vus, exacts aux offices, observateurs rigoureux des jeûnes, et beaucoup plus instruits de leur religion – sans reproche – que la plupart des paroissiens d'aujourd'hui ? Cette énormité n'attire pas vos regards ? Elle retient les nôtres, que voulez-vous que je vous dise. Il ne suffit pas de me répondre que Dieu s'est remis entre vos mains. Les mains auxquelles le Christ s'est remis jadis n'étaient pas des mains amies... >>

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Les grands cimetières sous la lune

2ème partie

1938 

 

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<< Qu'est-ce qu'un christianisme qui n'apprend pas à souffrir et à mourir ? >>

 

Le Chemin de la Croix-des-Âmes

novembre 1940


 

08:28 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : christianisme

Commentaires

EXTERIEUR ET INTERIEUR

> L'Evangile et l'Eglise sont toujours l'objet d'une double menace: l'attaque frontale extérieure et la neutralisation insidieuse de l'intérieur. Mais ce double combat est à l'intérieur de chacun de nous: l'avortement est l'un des thèmes des attaques frontales extérieures (les combats militants pour "libéraliser" l'avortement et en nier le drame éthique), mais il peut tout aussi bien être du côté de la neutralisation intérieure (quand, par conformisme social ou familial, on étouffe les affaires et on "fait passer" les enfants, ni vu, ni connu).
Il est frappant de voir combien les mêmes combats de la foi peuvent tout aussi bien être des lieux du combat extérieur ou du combat intime. Des personnages comme Georges Bernanos ou encore Léon Bloy ont bien perçu cette réalité (il suffit de lire "quatre années de captivité à Cochon-sur-Marne" de Léon Bloy pour voir la description qu'il fait du milieu "bien pensant" catholique de Lagny sur Marne qui parfois ne vaut pas mieux que le milieu "bien pensant" franc-maçon laïcard du même secteur). Cependant Léon Bloy n'est pas toujours convaincant dans ses imprécations qui, à force de le lire, apparaissent plus souvent comme des comportements caractériels que comme de vraies interpellations prophétiques, à la différence du prophète Jérémie qui se plaignait dans l'Ancien Testament de devoir parler à contre-temps et de faire ainsi violence à son tempérament naturel.

Écrit par : B.H., | 08/01/2010

MAGNIFIQUE

> Quel texte ! Magnifique...et terriblement d'actualité. Ca se passe de commentaire.

Écrit par : Damien Etienne Thiriet, | 08/01/2010

PROPHETES

> Bernanos est de la race des prophètes.
Merci pour tous ces textes que vous offrez à notre lecture, à nous qui n'avons que peu de temps pour continuer à nous cultiver et nous instruire.

Écrit par : Barbara, | 08/01/2010

à BH

> Bloy caractériel ? On peut aussi traiter Bernanos "d'aberrant et lugubre pochard" comme fit Rebatet, l'homme le plus lâche de France.

Écrit par : Lucas, | 08/01/2010

BLOY ET BERNANOS

> Que Léon Bloy se soit laissé aller à la facilité des imprécations, ne signifie pas que les bourgeois catholiques ne les méritaient pas. Et Bloy est un écrivain prodigieux.
Georges Bernanos lui est carrément un génie littéraire. Or tout le monde sait qu'en écrivant "Les grands cimetières" il réglait ses comptes moins avec l'Espagne franquiste qu'avec la droite française (d'où par exemple l'allusion à Massis) : mais ça ne veut pas dire que la droite française ne le méritait pas ! Le livre fut écrit en 1937, trois ans avant que la plus grande partie de cette droite française ne s'effondre dans le vichysme. (oh pardon : "ne réponde présent au Vainqueur de Verdun", comme on dit encore en 2010 sur certains sites).

Écrit par : R. Tonic, | 08/01/2010

LE CHEMIN DE LA CROIX DES AMES

> Dans ce puissant recueil d'articles gaullistes écrits pendant la guerre, Bernanos en décembre 1940 invoque la “fraternité originelle des chrétiens” à rompre avec le vichysme prostitué à l'occupant. Il s'indigne de voir une partie de la droite catholique "regarder se détruire, dans les faits, dans les esprits, dans les consciences, une des conceptions les plus précieuses de l’histoire. Peut-être même n’ont-ils pas perdu tout espoir d’utiliser, par une manoeuvre habile, le paganisme renaissant, et par exemple de le laisser tranquillement exterminer les juifs et les francs-maçons. (...) Si la religion de la race devait l’emporter un jour, elle anéantirait du même coup toute la grâce et la beauté du monde, elle en détruirait aussi tout le divin (...) Cette guerre est la guerre de la race. c’est pourquoi elle est une guerre d’extermination (...) La nouvelle race élue, la race allemande, extermine les juifs ou les fait exterminer par les nations réduites au rôle de servantes, appelées à collaborer à la préservation du sang sacré, du sang des maîtres”.

Février 1943 : Bernanos prend Vichy à partie pour défendre Georges Mandel (tué par la Milice dix-sept mois plus tard) : "Si vos maîtres ne nous rendent pas Mandel vivant, vous aurez à payer ce sang juif d'une manière qui étonnera l'histoire - entendez-vous bien, chiens que vous êtes - chaque goutte de ce sang juif versé en haine de notre ancienne victoire nous est plus précieuse que toute la pourpre d'un manteau de cardinal fasciste. Est-ce que vous comprenez bien ce que je veux dire, amiraux, maréchaux, excellences, éminences et révérences ?"

Écrit par : Marchenoir, | 08/01/2010

SORTI

> "La visite de M. Philippe Pétain à M. le Maréchal Hitler est qualifiée d'événement historique par la presse totalitaire. Cette opinion me paraît très prétentieuse. M. Philippe Pétain est sorti de l'histoire de France le jour de la capitulation, et il n'y rentrera plus désormais."
(Georges Bernanos, 'Le Chemin de la Croix-des-Âmes', Essais et écrits de combat, Pléiade, t. II, p. 261.)

Écrit par : Henry Chapel, | 08/01/2010

PARTI

> "Qu'est-ce qu'un christianisme qui n'apprend pas à souffrir et à mourir ?" Un christianisme défilant drapeaux en tête voyez comme nous sommes sûrs de nous, et clamant qu'on lui fait tort quand on martyrise un baptisé. Bref : un parti. Et pas attirant. Jésus-Christ arrogant et plaintif, pouvez-vous imaginer ça ? Moi non.

Écrit par : Job, | 08/01/2010

CHACAL

> C'est dans son pamphlet nazi "Les Décombres", au chapitre le plus haineux qui s'intitule "La religion chrétienne", que le chacal Rebatet traite Bernanos d' "aberrant et lugubre pochard". Il l'attaque de la même manière au chapitre 2 (à propos de la guerre civile espagnole), dans le passage où Rebatet, amoureux de toute guerre pourvu qu'il n'ait pas à la faire lui-même, écrit : "Aucun cas ne semblait être d'une plus dramatique clarté pour des chrétiens que celui de l'Espagne. Pourtant nous avions vu des catholiques illustres et même intolérants comme Mauriac et Bernanos devenir les détracteurs les plus acharnés et les plus fielleux de Franco. Ces défenseurs bénits des fusilleurs de Christs et des dynamiteurs de moines étaient habiles à travestir leurs humeurs et leurs perversités intellectuelles en algèbres casuistiques. (...) On peut invoquer la demi-folie de Bernanos [...] avec ses livres embrouillés par les fumées de l'alcool", etc. Typique de l'extrême droite : l'insulte comme argument.

Écrit par : 12 - 1 = 11, | 09/01/2010

PUANTE

> La main soi disant tendue du christophobe Rebatet aux chrétiens, c'est l'image de la puante ambiguité de ce camp idéologique. Où les chrétiens ne doivent en aucun cas aller s'égarer, quel qu'en soit le prétexte.

Écrit par : Jérôme, | 09/01/2010

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