Discours de Benoît XVI pour le 65ème anniversaire de la libération d'Auschwitz

« Anéantissement planifié », « folie homicide », « haine raciale et religieuse aveugle » : la Shoah selon les termes du pape. Avec un rappel de l'unité de la famille humaine, à l'usage des consciences de 2010...

 

A l'occasion du Jour de la mémoire (27 janvier 1945, libération du camp d'extermination d'Auschwitz), le pape a conclu son audience de ce mercredi, en la salle Paul VI du Vatican, par un appel insistant, d'abord en italien :

 

 « Un tel événement et les témoignages des survivants révélèrent au monde l'horreur de crimes d'une cruauté inouïe, commis dans les camps d'extermination créés par l'Allemagne nazie […] On célèbre aujourd'hui la "Journée de la Mémoire" en souvenir de toutes les victimes de ces crimes, spécialement de l'anéantissement planifié des Juifs, en l'honneur de ceux qui, au risque de leur vie, ont protégé les persécutés, en s'opposant à la folie homicide. C'est avec l'âme bouleversée que nous pensons aux innombrables victimes de cette haine raciale et religieuse aveugle, qui ont subi la déportation, la captivité, la mort en ces lieux aberrants et inhumains [...] Que la mémoire de ces faits, en particulier le drame de la Shoah qui a frappé le peuple juif, suscite un respect toujours plus convaincu pour la dignité de chaque personne afin que les hommes se perçoivent comme une seule grande famille. Que le Dieu Tout-Puissant éclaire les cœurs et les esprits afin que de telles tragédies ne se répètent pas. »

En allemand, le pape a également mentionné la libération « par l'Armée Rouge », et le témoignage « bouleversant » des survivants qui a révélé « au monde » à quel « horrible crime » ont conduit la « mégalomanie méprisant l'homme » et la « haine raciale » de « l'idéologie nazie en Allemagne ».

Sa conclusion : « Tous les hommes de tous les pays et de tous les continents doivent se comprendre comme une unique grande famille. Que le Dieu Tout-Puissant éclaire les cœurs et les intelligences pour que des événements aussi terribles ne se répètent jamais. »

Source : Zenit (Anita S. Bourdin)

 

L'insistance sur la caractérisation des faits, et sur leur origine idéologique, est un double message : aux catholiques et aux juifs.

Aux catholiques, Benoît XVI rappelle la lecture que l'Eglise a fait du paganisme hitlérien depuis le premier instant. Il indique aussi certaines résonances actuelles de cette lecture : a) la conscience nécessaire de l'unité de la famille humaine, quelles que soient les fractures culturelles, économiques ou politiques ; b) le danger – toujours possible – de voir ressurgir l'inhumain, la monstruosité froide, sous la pression des crises de tout ordre. [*]

Aux juifs, ce message indique à quel point sont indignes les soupçons perpétuellement réactivés par les médias envers le « pape allemand  ancien des jeunesses hitlériennes ». Comme le suggérait le 10 juin 2009 l'historien et journaliste italien Giorgio Israel, ce grief véhicule en réalité « certaines attitudes hostiles à Benoît XVI » sur des sujets moraux d'aujourd'hui, sans aucun rapport avec l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. 

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[*]  Se rappeler l'appel tout récent (10/01/2010) de Benoît XVI contre les violences de Rosarno en Calabre : plusieurs jours de graves incidents entre travailleurs saisonniers africains au chômage et habitants de la ville. Contrairement à ce qui fut diffusé sur la Toile par des sites xénophobes, cette affaire avait été montée de toutes pièces par la mafia calabraise (la 'Ndrangheta), qui "gère" depuis vingt ans le flux des saisonniers africains. Surpris par la crise imprévue de la production des oranges (due pour partie à une chute des subventions de l'UE), les deux tiers des saisonniers de l'automne-hiver 2009-2010 (parqués par la mafia dans des usines désaffectées aux portes de la ville) se retrouvaient sans embauche ; affamés, ils commençaient à prendre contact avec la CGIL de Gioia Tauro, le hub portuaire de Calabre. Pour casser cette syndicalisation d'une main d'oeuvre semi-esclave, les mafieux de Rosarno ont eu recours à un procédé simple et radical : allumer une guerre ethnique. Il a suffi de quelques coups de feu tirés sur les chômeurs africains pour les rendre furieux et les amener à des violences en ville, auxquelles des habitants ont répondu par une vague de lynchages ; à la suite de quoi les carabiniers ont raflé les Africains et les ont évacués de la région. Ce qui était le but "économique" des mafieux et des propriétaires des orangeraies... Un cas typique de manipulation du racisme par des intérêts économiques. D'où le ton angoissé du pape pour évoquer cette affaire lors d'un Angélus place Saint-Pierre.

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