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19/09/2008

Pascal Picq approuve Benoît XVI – Marie-Christine Blandin parle de saint Thomas d’Aquin

C’était hier au Sénat, au colloque du CHEE&DD sur le développement durable :


 

  

 

Ce colloque était la clôture de la 13ème session du CHEE&DD [1], parrainée par le catholique Jean-Marie Pelt. Celui-ci a ouvert les travaux de la journée sur le thème : Développement durable et spiritualité.

 

Parmi les intervenants du matin : le paléoanthropologue Pascal Picq (Collège de France), qui se définit comme « matérialiste athée » et exclut toute finalité dans l’univers. Défendant Darwin, Pïcq s’en est pris au « créationnisme » (l’anti-évolutionnisme des fondamentalistes protestants américains) : donc à l’attitude de ceux qui prennent la Bible au pied de la lettre.

Et alors, surprise : l’athée Picq s’est lancé dans une apologie de la conférence des Bernardins.

Picq approuve Benoît XVI de rejeter à la fois le littéralisme et le relativisme [2]. D’autre part, il l’approuve de souligner que le texte (la Bible) est inséparable de ses circonstances humaines de production, et de son interprétation vivante.

Dans les deux cas, Picq constate une convergence de la pensée catholique et de la pensée scientifique à propos des conditions de la connaissance. La pensée catholique est donc rationnelle…

Bien  entendu,  Picq  ne  suit  pas  le  pape jusqu’à  dire  que  la  raison  et la foi sont alliées : il rejette cette perspective en raison de ses convictions personnelles, aux côtés desquelles il enrôle un peu vite la science.

Mais le simple fait qu’il prenne en considération la conférence de Bernardins (fortement et publiquement) montre que « les lignes bougent » - comme on disait en 2007.

 

L’après-midi, intéressante table ronde : l’ancienne ministre Corinne  Lepage (Cap 21), la conseillère d’Etat Bettina Laville (PS), et la sénatrice Marie-Christine Blandin (Verts). On parle du principe de responsabilité, des avatars du progrès, de la finitude humaine, d’une morale laïque compatible avec la foi personnelle, de l’engagement et de l’agir-ensemble… 

Marie-Christine Blandin, qui se définit elle aussi comme athée, raconte alors :

«  À une journée d’études du Monde diplomatique où j’avais été invitée à parler en tant qu’élue des Verts, j’ai mentionné, à propos du développement durable, la notion de "bien commun" selon ma propre acception du terme. Deux participants m’ont dit : "C’est intéressant que vous parliez de bien commun. Chez nous on en parle aussi, dans un sens un peu différent." – "Chez vous ?" – "Dans l’Eglise catholique." (il s’agissait de deux prêtres ouvriers). Ils ont expliqué : "l’idée de bien commun vient de saint Thomas d’Aquin..." [3] »

Et la sénatrice Blandin de donner à la salle la définition thomiste du bien commun. 

C’est un fait : la notion de bien commun n’est pas conciliable avec l’idéologie libérale [4], puisqu’elle pose l’existence de biens et de finalités qui ne se ramènent pas aux intérêts privés ni aux « lois » économiques. Pardon de le dire, mais il le faut, parce que c’est vrai : en 2008 on peut parler du bien commun avec Marie-Christine Blandin malgré son peu d’affinités avec la religion catholique. Mais on ne peut toujours pas en parler avec les ultralibéraux – qui ne se sont pas encore réveillés, bien que leur palais des mirages soit en train de s’effondrer dans le monde.

 

  

 

_________

[1] Collège des hautes études de l’environnement & du développement durable. (Ecole Centrale Paris, ESCP-EAP, AgroParisTech). Cet organisme veut « préparer les dirigeants aux enjeux du développement durable ».

[2]  Pïcq se dit opposé au relativisme en général.

[3]  Le bien commun selon saint Thomas est un bien moral à quoi doit tendre chaque groupe humain, à chaque moment de son histoire, pour atteindre la fin rationnelle qui lui assigne sa nature. Il procède directement de la loi naturelle. Vatican II (Gaudium et spes, 26) en déduit que le bien commun est « l’ensemble des conditions sociales qui  permettent,  tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon  plus totale et plus aisée. »

[4]  Certains libéraux s’efforcent de dire que les deux sont conciliables. Mais c’est au prix d’acrobaties, en opérant un tri sélectif parmi les thèses de saint Thomas. 

NDLR : quand on parle ici de libéralisme, il s’agit bien entendu de l'idéologie libérale et non de la simple liberté d’entreprendre, qui est de droit naturel (et n’a aucun besoin de l'idéologie réductionniste en question).

 

 

Commentaires

BIEN COMMUN

> Je préfère entendre parler du bien commun que de l'intérêt général...

Écrit par : Michel de Guibert | 19/09/2008

MALHEUREUX DUHAMEL

> Que Benoît XVI ait cartonné auprès des intellectuels, c'était prévisible. Le seul à ne pas avoir vu la chose est le malheureux Alain Duhamel, qui s'est ridiculisé dans Libé d'hier en criant à l'échec du pape. Mais cet aveuglement n'est pas étonnant de la part de Duhamel, qui voulait nous interdire (il y a dix ans) de distinguer entre économie financière et économie réelle ! Il a l'air malin aujourd'hui. Même plan à propos du pape.

Écrit par : Amicie T. | 19/09/2008

LUC FERRY

> Luc Ferry - dans son commentaire de l'actualité avec Jacques Julliard sur LCI - a dit ne pas comprendre les critiques de Benoît XVI contre le matérialisme ni ses préventions contre la connaissance (en omettant de préciser l'interprétation étroite dont il s'agissait). L'aliénation de la culture peut être un sujet d'étude intéressant.
Les Verts apparaissent comme le parti refuge des prochaines élections. L'alternative du développement durable et de la défense de l'environnement - proche du discours de l'Eglise - contre la déception d'une majorité des coups médiatiques et d'une opposition atomisées par les petites phrases et l'opacité des alliances - le monde des illusions et des apparences.

Écrit par : Annie | 19/09/2008

BIEN COMMUN

> Très juste. J'ai souvent expérimenté qu'avoir l'incongruité apparente de parler du bien commun dans une discussion politique ou sociale a priori soumise à la culture actuelle était bien accepté... par exemple expliquer à un collègue qu'on ne peut pas soutenir un syndicat, parce qu'il ne parle jamais du bien commun, et ne cherche pas à intégrer sa position dans cet ensemble, ou expliquer par la notion de bien commun dans une discussion en impasse libéralisme-socialisme, qu'on ne peut simplement se dire favorable à la loi du marché car il y a un bien commun ... je crois qu' il est payant d'avoir ce genre d'incongruité en société.....ensuite on peut revenir par une petie touche, développer un peu, ouvrir ainsi l'autre sur le fait qu' il existe une autre pensée, lui faire deviner qu' il pourrait y avoir une alternative ailleurs...j'y crois.

Écrit par : vicenzo | 22/09/2008

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