10/06/2008
« Laïcité » et « religions » : des mots dont on fait un usage pervers (cf. Ségolène et les autres)
…mais le christianisme n’est pas là pour leur servir de hochet :
Médias : << L'ex-candidate socialiste à l'élection présidentielle Ségolène Royal a plaidé lundi à Rennes pour la mise en place d'une charte laïque dans les services publics, lors d'un débat organisé par l'hebdomadaire Marianne sur le thème "La laïcité à la française est-elle en danger ?". "Une charte laïque dans la fonction publique serait très utile afin de ne pas laisser les agents démunis, sans règles applicables partout de façon homogène", a estimé la présidente de la région Poitou-Charentes. Elle a notamment évoqué des situations "inadmissibles" dans les hôpitaux, où certains hommes refusent que leurs épouses soient soignées par des hommes, invoquant des motifs religieux, ou encore dans les piscines municipales où des horaires sont aménagés pour éviter la mixité."Quand il y a des horaires aménagés dans les piscines, ça ne doit jamais être pour des critères religieux", a-t-elle martelé en dénonçant les municipalités, "y compris socialistes, qui ont cédé". Mme Royal est également revenue sur les propos sur la religion tenus par Nicolas Sarkozy ces derniers mois et qui ont fait polémique : "Le chef de l'Etat réécrit à sa manière l'histoire de notre laïcité. Ce ne sont pas des écarts de langage: ces propos expriment une conception révisionniste de la laïcité qui n'est pas acceptable", a-t-elle estimé. >>
Commentaire - Les médecins, le personnel hospitalier – et Mme Royal par raccroc – ont raison de demander que l’on mette le bouchon aux phobies psychosexuelles d’une certaine catégorie d’usagers. Mais deux questions se posent :
- Peut-on attribuer à la foi religieuse, fût-elle islamique, l’origine de la discrimination envers les femmes ? Celle-ci n’est-elle pas plutôt « culturelle », et largement anté-islamique ? Ne fait-elle pas partie des scories dont certains intellectuels musulmans voudraient débarrasser l’islam ? (Je ne dis pas qu’ils y arriveront : mais leur argumentation veut dire quelque chose).
- La « laïcité » n’est donc pas en cause. Ce qui l’est, c’est le décalage culturel. Le problème posé est celui de la capacité d’intégration (donc de séduction) de la société française et des sociétés occidentales en général ; problème politique et sociétal, non problème religieux. Mme Royal et ses pareils feraient bien de s’interroger là-dessus, plutôt que de s’en prendre aux religions en général.
- Et pourquoi Mme Royal, et toute la classe politico-médiatique, incriminent-elles « les religions » ? (On n’a pas entendu dire que des familles de malades suscitaient des troubles dans les hôpitaux, ou ailleurs, au nom du christianisme ou du judaïsme).
- Si la pointe vise finalement Sarkozy, ses adversaires - Mme Royal et les autres - devraient savoir que l’Eglise catholique est très réservée à l’égard du discours du Latran. Des catholiques de toutes origines, et de toutes nuances, ont été choqués d’entendre un homme politique parler du catholicisme comme d’un moyen de faire tourner rond la société. La foi chrétienne n’est pas là pour ça. Elle est même là pour l’inverse, comme le clamaient déjà Péguy et Bernanos : l’évangile est le potentiel de contestation le plus radical. Surtout aujourd’hui…
10:25 Publié dans Religions | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : christianisme, islam
Commentaires
RESERVE
> Je ne sais pas à quoi vous faites allusion quand vous dites que l'Eglise catholique est très réservée à l'égard du discours du Latran ? Je n'ai rien vu de tel en dehors de "Golias" ou de quelques autres groupes marginaux...
Les critiques sont plutôt venues des milieux libres-penseurs et laïcistes qui en sont encore à une laïcité de rupture.
Il y a bien sûr la suspicion d'y lire une récupération et une conception utilitariste de la religion, mais cette suspicion vise plus la personne de celui qui a lu le discours que le discours lui-même (du Père Verdin, o.p. ?) auquel je souscris à 90% (aux réserves près qui concernent la comparaison douteuse entre la vocation du prêtre et celle de Président de la République et la comparaison non moins douteuse, quoiqu'en sens inverse, entre le rôle du curé et celui de l'instituteur).
Et pour ma part, je me félicite de cette conception "révisionniste" de la laïcité, laïcité ouverte et tolérante qui ne rejette pas les héritages du passé et qui va dans le sens du respect de l'autre et de la paix sociale.
Michel de Guibert
[ De PP à MG - Avez-vous lu quelque part que la vision sarkozyenne (du rôle social de la foi) remplissait l'Eglise d'allégresse ? Moi en tout cas, je n'ai rien vu de tel. Je crois qu'il ne faut pas s'en tenir aux apparences, et que l'hommage de NS au passé chrétien ne doit pas masquer l'intention profonde de son discours, c. à d. sa conception utilitaire du rôle de la religion. Je ne crois pas que celle-ci ait pour vocation de mettre de l'huile dans les gonds. "Mes préfets, mes évêques" ? Non. ]
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Écrit par : Michel de Guibert | 10/06/2008
DES QUESTIONS
> Effectivement, c'est devenu une manie chez les hommes politiques et les médias d'incriminer à tout bout de champ "les religions", dès qu'on se trouve confronté à un problème sociétal. Et du coup ils s'auto-persuadent que "la laïcité est en danger". Il y a de quoi, à force de voir du religieux partout... On ne peut pas ne pas penser à Don Quichotte qui combattait des moulins à vents.
Même les arbres de noël sont accusés d'être une atteinte intolérable à la laïcité!alors qu'ils proviennent d'un vieux culte païen.
Tout de suite, après l'annonce de l'annulation d'un mariage pour mensonge de la femme sur sa virginité, l'explication par l'islam a surgi comme une évidence. Pourquoi? il y a de quoi se poser des questions.
Écrit par : Blaise | 10/06/2008
NS
> Je viens enfin de comprendre, dans votre réponse à un commentaire de Michel de Guibert, que quand vous écrivez NS, cela signifie Nicolas Sarkozy... Jusque là je traduisais naïvement Notre Seigneur... Je dois dire que quelques-unes de vos réflexions m'avaient laissée perplexe...
Christine
[ De PP à C. - L'idée de ce quiproquo me donne froid dans le dos rétrospectivement. ]
Écrit par : Christine | 10/06/2008
MAURRAS ET SARKO
> Maurras n'a-t-il pas été condamné notamment en raison de sa vision utilitariste de la religion? On peut trouver un certain prolongement chez NS de cet aspect de sa pensée... Pourquoi l'Eglise y serait-elle favorable aujourd'hui?
Benoît C
[ De PP à BC - Mutatis mutandis, il y a en effet un parallèle entre les deux positions. A ceci près : Maurras a été condamné en 1926 parce que son emprise avait été jugée excessive sur les consciences catholiques françaises. Je ne crois pas que celle de Sarkozy soit comparable... ]
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Écrit par : Benoît C | 10/06/2008
> Mais la condamnation de 1926 a été levée en 1939 ?
VLRD
[ De PP à VLRD - Oui : parce que l'emprise en question s'était effondrée depuis 1926... L'objectif était atteint. ]
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Écrit par : VLRD | 10/06/2008
@ PP
Je n'ai pas vu non plus que l'Eglise manifestait de l'allégresse, mais je n'avais pas vu davantage de réprobation.
Mon propos visait le seul discours de Latran, pas les intentions vraies ou supposées de NP ("Notre Président" pout éviter à Christine de se méprendre !)
Si vos craintes d'une conception utilitaire du rôle de la religion se révélaient fondées dans les faits, il est bien clair que je serai en plein accord avec vous.
Mais j'ai plutôt l'impression d'un bon discours fait par qqn d'autre et que NP a lu sans nécessairement en penser un traitre mot.
La comparaison avec Maurras (du moins le premier Maurras) vaut de qu'elle vaut... Nicolas Sarkozy n'a jamais parlé du "venin du Magnificat" ; je vois plutôt chez lui de l'opportunisme...
Écrit par : Michel de Guibert | 10/06/2008
INITIALES
> "quand vous écrivez NS, cela signifie Nicolas Sarkozy"; Et quand il signe PP, ce sont ses initiales et non "Pontifex Primus". :-))
CQFD.
Sébastien
[ De PP à S. - Exactement. ]
Écrit par : Sébastien | 11/06/2008
SEIGNEUR
> "Et pourquoi Mme Royal, et toute la classe politico-médiatique, incriminent-elles « les religions » ? "
Je crois qu'il s'agit simplement là d'une illustration du langage politiquement correct :on incrimine les religions pour ne pas nommer explicitement l'islam et risquer de se faire qualifier d'islamophobe, faute impardonnable à notre époque .
En aparté j'ai touvé vos quiproquos sur les initiales NS d'une grande qualité humoristique ; mais après tout Christine n'a pas tout à fait tort , N.Sarkozy n'est il pas le seigneur de la France ?
Écrit par : horus | 11/06/2008
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