La pseudo-affaire de l'oraison pour les juifs : intervention du rabbin Neusner

auteur du remarquable livre                                  Un rabbin parle avec Jésus (Cerf) :

Revenons sur la controverse soulevée la semaine dernière à propos de la « prière pour la conversion des juifs ». Comme d’usage, les médias ont faussé les proportions de cette affaire. Il s’agit en effet de l’une des oraisons du Vendredi Saint, mais seulement dans le missel de 1962 (utilisé par une très petite minorité) et non dans le missel ordinaire, suivi par l’écrasante majorité. D’autre part, il ne s’agit pas d’un contenu qui serait offensant : la prière demande seulement à Dieu « d’illuminer les cœurs ».

Du reste la polémique s’est étendue aussi à l’oraison ordinaire, qui prie pour que les juifs « reconnaissent Jésus-Christ comme sauveur de tous les hommes ».

Faut-il s’indigner que des chrétiens demandent cela à Dieu ? Ce n’est pas l’avis du rabbin Jacob Neusner, auteur du remarquable livre Un rabbin parle avec Jésus (Cerf 2008). Dans la Tagespost du 23 février, il situe les prières du Vendredi Saint dans leur perspective : « Israël prie pour les nations, donc les autres Eglises monothéistes, y compris l'Eglise catholique, ont le droit d'en faire autant, et personne ne devrait se sentir offensé. Toute autre politique vis-à-vis des nations leur nierait le droit d'accéder au Dieu unique qu'Israël connaît dans la Torah… La prière catholique exprime ce même esprit généreux qui caractérise le judaïsme dans son acte d'adoration. Le Royaume de Dieu ouvre ses portes à toute l'humanité et quand, au moment de l'adoration, les juifs demandent l'avènement rapide du royaume de Dieu, ils manifestent cette même liberté d'esprit qui caractérise le texte du pape pour la prière pour les juifs… Le "il est de notre devoir" aussi bien que le "prions pour les juifs" réalisent la logique du monothéisme et son espérance eschatologique. »

Dans ces conditions, on peut trouver excessifs les commentaires entendus depuis huit jours. Selon la presse, des organisations juives seraient « inquiètes » !  De quoi pourraient-elles l’être ?  Aucune des deux prières ne parle de prosélytisme : et cette attitude n’est, de toute manière, pas celle de l’Eglise catholique.

Le fond du problème est dans le « relativisme agressif »* professé par les médias et la classe politique européenne. Selon cette posture, qui devient quasi-obligatoire, prier Dieu pour qu’il « illumine » autrui serait une sorte de délit. Chacun devrait rester enfermé dans ses propres « valeurs », afin de « rester lui-même », comme on dit à Nouvelle Star.

C’est le degré zéro de la communication morale entre les êtres. Le drame est que ce zéro est en passe de devenir la loi.

 

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(*)  formule du Pr Introvigne dans un entretien récent à Zenit.