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29/11/2007

Louvain, l'Europe et la tarasque du "créationnisme"

Le faux problème engendre un faux débat :


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Lu sur le site de l’université de Louvain :

<<  Dix professeurs de l'UCL, aux côtés d'autres universités, dénoncent les dangers du créationnisme pour l'enseignement des sciences. Leur carte blanche a été publiée ce week-end dans Le Soir (du 24 novembre). Ces professeurs ont réagi suite à un vote de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe visant à adopter une résolution contre l'enseignement du créationnisme en tant que discipline scientifique. Pas moins d'un tiers des parlementaires ont voté contre cette résolution. Vote incompréhensible jugent les signataires de la carte blanche : «Le créationnisme n'est pas une matière scientifique et ne doit donc pas être enseigné dans les cours de sciences». Ils rappellent aussi les origines des mouvements créationnistes et dénoncent les relais politiques que trouvent trop souvent ces idées auprès de plusieurs pays européens. Cela a été le cas notamment sous le gouvernement italien de Berlusconi, mais aussi en Serbie, en Russie, en Pologne. >>

 

Commentaire – Le « créationnisme » n’existe pas, si ce mot prétend désigner à la fois :

a) l’ânerie fondamentaliste texane qui veut que le monde ait été créé en sept fois vingt-quatre heures ;

b) la foi juive et chrétienne selon laquelle l’univers est perpétuellement créé par Dieu.

Cette foi est compatible avec une théorie de l’évolution sans réductionnisme ultra-darwinien. L’Eglise catholique a dit et répété que le « créationnisme » des fondamentalistes était incompatible avec la pensée chrétienne.  Mais on sent que, pour les eurodéputés, l’ennemi est l’Eglise catholique et non les fondamentalistes texans : d’où l’amalgame… Omniprésent dans les médias et leur annexe (la classe politique), cet amalgame est constamment suggéré mais jamais nettement énoncé, pour ne pas donner aux catholiques l’occasion de faire connaître leur attitude : en ne faisant que suggérer, on propage l’idée que tous ceux qui lisent la Bible sont à mettre dans le même sac.

D’autre part, les « professeurs de l’université de Louvain » ne sont pas nets non plus. Ils font une fausse querelle aux eurodéputés, mais ils poussent dans le même sens qu’eux en disant que le « créationnisme » aurait des « relais politiques » en Europe. Cibles ?  Les Slaves*...  A y regarder de plus près, on constate que les « relais politiques » en Russie, Pologne et même Serbie n’existent pas ; c’est un fantasme d’eurodéputés de l’Ouest. Mais tout est bon pour inciter l’opinion à mépriser l’Est.

On remarque aussi que la seule véritable  – quoique modeste – offensive « créationniste » en Europe a été le fait de lobbies islamistes ; mais que les professeurs (censément catholiques) de Louvain se gardent d’y faire allusion. Je ne l’explique pas. Je le constate.

 

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(*)  Berlusconi ayant été renversé depuis longtemps. D’ailleurs, imaginer que le Cavaliere soit créationniste est une idée bouffonne : il est pro-US, mais il y a tout de même des limites.

 

 

 

Commentaires

GROTESQUE

Cet projet de loi est grotesque ... Dommage que nos anti-créationnistes n'aient pas le sens de l'humour. Et comme le ridicule ne tue pas, voilà maintenant que des enseignants d'une université catholique entrent dans la danse!
Mais la menace brandie par eux est complètement phantasmatique. Le phénomène est depuis longtemps circonscrit au sud des Etats-Unis, et lorsque nos inquisiteurs cherchent des exemple ils les prennent systématiquement -comme par hasard- en Amérique.
Empressons-nous d'ajouter que le père Jacques Arnould, qui est devenu un habitué des médias depuis qu'il s'est découvert un apostolat dans la dénonciation du "créationnisme", explique lui-même que le fixisme est en train de disparaître. Pour lui la véritable menace est l'intelligent design (qui accepte la théorie de l'évolution).
Dans ce cas, où est le problème ? Pourquoi un tel cirque si ce n'est pour des raisons purement idéologiques, ayant peu à voir avec la science?

Écrit par : Blaise | 29/11/2007

DIE TÖTEN REITEN SCHNELL

> Je ne savais pas que les religieux comme le P. Arnould étaient payer à chasser Dieu de l'univers ! Si l'intelligent design accepte la théorie de l'évolution, en quoi le P. Arnould est-il gêné ? Est-ce sur le plan scientifique ? Non, puisqu'ils acceptent l'évolution. Est-ce sur le plan théologique ? Alors on aimerait que le Révérend Père nous dise en quoi sa théologie perso est gênée par l'idée que l'univers soit créé. Encore chrétien, mon Père ? Ou déjà postchrétien ? Die Töten reiten schnell.

Écrit par : Mathias Crook | 29/11/2007

PICQ + ARNOULD

> Je voudrais donner un exemple de l'ambiguïté du discours, cultivée par les détracteurs du si mal nommé "créationnisme". Invité à une émission de France Culture, qui avait pour thème la soi-disant menace que le "créationnisme" ferait peser sur la science, le paléo-anthropologue Pascal Picq s'était permis une attaque en règle de la conception de finalité. Au nom de quoi passait-il de la critique du fixisme (seul apparemment au programme de l'émission) à celle de la finalité (position tout à fait légitime)? Mystère. C'est vrai qu'entre-temps la conversation s'était tout naturellement focalisée sur l'Intelligent Design. Il semblerait donc que dans l'esprit de Picq, ne serait-ce qu'envisager la possiblité de la création est anti-scientifique. Et pourtant, à aucun moment, il ne s'en est pris ouvertement à ceux qui y croyaient. C'est pourquoi l'harmonie était parfaite avec son collègue Jacques Arnould, qui expliquait que la théorie de l'évolution n'était pas en contradiction avec la foi chrétienne. Voilà jusqu'où on peut cultiver l'ambiguïté dans les mots et instaurer la confusion.

Écrit par : Blaise | 29/11/2007

Vous épinglez un cas d'école


> C'est un exemple d' un syndrome que l'on constate depuis des décennies dans l' Eglise, dans tous les domaines...éducation, théologie, philosophie, médias chrétiens, etc. etc. et que nous côtoyons encore sur le terrain régulièrement dans les derniers cercles chrétiens...sous-phénomènes d' un phénomène plus large: celui qui consiste à un certain niveau de tension à céder et à privilégier son ennemi, à tendre la tête au bourreau, à approuver ses juges iniques, etc.

Primat à l'esprit du monde sur l'engagement évangélique, primat à la modernité, à la société sur l'enseignement de l' Eglise, primat de l'actuel sur le traditionnel (chronolâtrisme disait Michel Villey), penser comme le journal "Le Monde", etc, etc...

Ce syndrôme est allé très loin dans l' Eglise du temps de la domination politique et intellectuelle du communisme, du marxisme, du progressisme, souvenez-vous, très très loin. On n'avait même plus une once de compassion ou de souci pour nos frères du goulag ou des lao gaï.
Ce que vous épinglez aujourd'hui est de même nature.

L'explication est à trouver dans les failles humaines, le subconscient, les failles du caractère, les failles de la stucture morale et notamment la faiblesse de la vertu de force (il y a beaucoup de lâcheté, de l'envie d'être tranquille, d' être "bien" dans ce monde d'aujourd'hui, dans ce parti pris), failles de la formation intellectuelle, en passant par le rôle énorme de la peur, du rejet vital du conflit, etc...

Il faut donner un nom à ce syndrome du chrétien complexé, ça l'aidera à être connu et combattu par ses victimes des deux bords......

Écrit par : vicenzo | 29/11/2007

LOUVAIN

> Si, le texte signé par les professeurs d'université (pas seulement de l'U.C.L., mais aussi U.L.B., V.U.B., U.G...) fait allusion à Harun Yahya. On peut trouver le texte de leur « carte blanche » ici : http://frankyaelbrecht.blogspot.com/2007/11/luc-van-den-brande-cd-stemde-tegen.html

Quant au problème des relais politiques, voici l'extrait qui s'y rapporte : « Il est plus inquiétant encore de constater qu’ils trouvent un relais politique efficace au sein de plusieurs pays européens, dont les autorités adoptent officiellement des idées créationnistes et attaquent la biologie de l’évolution. Cela a été le cas notamment sous le gouvernement italien de Berlusconi, mais aussi en Serbie, en Russie, en Pologne. La théorie de l’Intelligent Design a trouvé un écho favorable auprès de la précédente ministre néerlandaise des Sciences. »

Le texte n'est pas si mauvais que cela même si, pour être équilibré, il devrait exclure explicitement de sa critique la foi en la Création au sens du premier article du Credo (même s'il est clair que ce n'est pas cela qui est visé), et il devrait critiquer l'instrumentalisation idéologique antireligieuse du darwinisme et de l'évolutionnisme en général. En outre, l'allusion à la morale fondamentaliste montre clairement dans quel camp les auteurs se situent. Pour eux, protéger la vie des innocents, c'est du fondamentaliste. Autant le dire, je suis fier d'être fondamentaliste.

À Blaise et Mathias Crook, il faut dire que le Dessein intelligent pose effectivement des problèmes à la philosophie et à la théologie catholiques, même si des catholiques y participent. Il faut cependant dire que, contrairement aux créationnistes stricts, et spécialement les 'young earth', il y a des gens brillants dans ce milieu. Simplement, ce qu'ils font ressemblent un peu trop à la promotion d'un 'God of the gaps' (Dieu bouche-trou qui n'est là que pour expliquer ce que la science ne peut encore expliquer), position intrinsèquement fragile et surtout erronée, en régression par rapport à la rigueur avec laquelle saint Thomas d'Aquin distinguait physique, philosophie et théologie. Ce que fait l'I.D., c'est de conférer une valeur scientifique explicative à une cause surnaturelle. Il pointe avec brio les insuffisances de la théorie évolutionniste actuelle, mais est moins crédible lorsqu'il se contente d'attribuer la « complexité intrinsèque » à l'action de Dieu. Il y a une autonomie des causes naturelles, que Dieu a voulu, et qui induit une autonomie méthodologie des disciplines scientifiques.

Cependant il est dommage, puisque l'I.D. pose des vraies questions scientifiques, méthodologiques, épistémologiques, philosophiques et théologiques, que les évolutionnistes n'y répondent pas sur ce plan, et répondent de façon politique, qui plus est en diabolisant l'adversaire.

Écrit par : Jérôme | 29/11/2007

BENOIT XVI

> Un extrait des propos de Benoît XVI lors d'une rencontre avec le clergé pendant ses dernières vacances:

Je vois actuellement en Allemagne, mais aussi aux Etats-Unis, un débat assez vif entre ce qu'on appelle le créationnisme et l'évolutionnisme, présentés comme s'ils étaient des alternatives qui s'excluent: celui qui croit dans le Créateur ne pourrait pas penser à l'évolution et celui qui en revanche affirme l'évolution devrait exclure Dieu. Cette opposition est une absurdité parce que, d'un côté, il existe de nombreuses preuves scientifiques en faveur d'une évolution qui apparaît comme une réalité que nous devons voir et qui enrichit notre connaissance de la vie et de l'être comme tel. Mais la doctrine de l'évolution ne répond pas à toutes les questions et surtout, elle ne répond pas à la grande question philosophique: d'où vient toute chose? et comment le tout s'engage-t-il sur un chemin qui arrive finalement à l'homme? Il me semble très important et c'est également cela que je voulais dire à Ratisbonne dans ma Conférence, que la raison s'ouvre davantage, qu'elle considère bien sûr ces éléments, mais qu'elle voit également qu'ils ne sont pas suffisants pour expliquer toute la réalité.

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2007/july/documents/hf_ben-xvi_spe_20070724_clero-cadore_fr.html

Écrit par : Dominique | 29/11/2007

à Mathias Crook

> Je crois que la position du Père Jacques Arnould est d'abord un parti pris méthodologique : pour lui l'Intelligent Design, en proposant l'idée qu'un dessein intelligent dirigerait le devenir de l'univers, cesse de relever de la science. Je pense que selon lui il y a d'un côté des causes immanentes et auto-suffisantes, dont l'explication regarde le scientifique; de l'autre la cause métaphysique qu'est Dieu et qui est du seul domaine des théologiens. Autrement dit, il ne fait que reprendre Gallilée qui déclarait déjà que la foi chrétienne n'enseigne pas comment va le monde mais comment on va au ciel. Cette formule, malgré son apparente évidence, est toutefois contestable par sa symétrie exagérée.

De plus, le Père Jacques Arnould dénonce dans l'intelligent Design un "dieu designer" qui aurait plus à voir avec celui des déistes du siècle des Lumières qu'avec le Dieu biblique.

Écrit par : Blaise | 29/11/2007

PAS DE DEBAT

> Le fondamentalisme matérialiste essaie de faire accroire, à travers l'idéal bouc-émissaire qu'est le créationnisme, que toute remise en cause de la doxa néo-darwinienne serait un révisionnisme. On attend une loi Gayssot de circonstance.
On pourra ainsi faire passer à la trappe des théories neuves qui dérangent, comme celle de "l'intelligent design", ou celle d'Anne Dambricourt-Malassé.
Le débat dans la post-démocratie est clos.

Écrit par : JG | 29/11/2007

LE P. ARNOULD

> Ne simplifions pas à l'extrême la pensée du P. Jacques Arnould. On peut légitimement contester sa réhabilitation hâtive du hasard dans le processus d'évolution.
Mais on peut aussi recevoir sa légitime réserve vis-à-vis de toute démarche de type "concordiste".
Il n'est pas tout à fait exact de dire qu'il cherche à "chasser Dieu de l'univers" ; son propos est de le mettre à ce qu'il croit sa place, distinguant origine et commencement, et privilégiant l'alliance sur le déterminisme, en soulignant la place de la contingence dans la nature et dans l'histoire des êtres vivants, mais je vous accorde que sa pensée me paraît flirter avec certaines ambiguïtés à force de refuser tout finalisme dans l'évolution...

Écrit par : Michel de Guibert | 29/11/2007

> Hors-sujet mais pour info :

http://www.sosfindevie.org/eutha/Humbert-Messager.htm

Pour accéder à l’article du Parisien – Aujourd’hui en France : http://www.leparisien.fr/home/info/faitjour/article.htm?articleid=291390425

Écrit par : Christine | 29/11/2007

DEJÀ, St THOMAS D'AQUIN...

> Très bon ça, la distinction entre origine et commencement. Mais n'allons pas croire, comme le pensent certains, qu'il s'agirait d'une innovation récente des chrétiens pour se tirer du mauvais pas où la théorie de l'évolution les aurait mis. Car bien qu'il ait vécu dans un univers fixiste , saint Thomas d'Aquin séparait déjà l'origine du commencement. Il allait jusqu'à affirmer que d'un point de vue purement philosophique (non sur le plan de la foi évidemment) une création sans commencement était tout à fait envisageable.

Voici une définition d'une concision admirable que je tire de sa Somme contre les Gentils, part. II, ch. 18, art. 2 :

"[...] la création n'est pas un changement, mais elle est la dépendance même de l'être créé à l'égard du principe qui l'établit. Elle appartient donc au genre de la relation."

Dans ce cas, il est impossible d'accuser l'Eglise d'avoir fait un tour de passe-passe dans sa relecture des textes de la Genèse. Elle n'a fait que développer ce qui était déjà en germe.

Écrit par : Blaise | 29/11/2007

DEUX AILES

> Une sorte de créationnisme de désinformation de la science en quelque sorte ? Excellentes précision et information. On espère que cela va permettre une certaine évolution. Fides et Ratio de Jean Paul II et Benoît XVI nous y invitent aussi. Foi et raison, théologie et science ont la même origine et sont comme les deux ailes pour s'èlever vers la vérité.

Écrit par : Abbé Dominique Rimaz | 29/11/2007

> Nous pourrions aussi évoquer ici les théories du Père Teilhard de Chardin qui unifient théologie et évolution.

Écrit par : Frederic | 04/12/2007

HASARD OU PLAN DE DIEU ?

> Le cardinal Christoph Schönborn, dominicain, archevêque de Vienne, revient sur ces questions dans un livre à paraître ou qui vient de paraître (je ne l'ai pas encore lu, mais ce qu'il écrit est toujours de grande qualité), sous le titre :
"Hasard ou plan de Dieu ?" (Editions du Cerf)

Écrit par : Michel de Guibert | 07/12/2007

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