22/10/2007
Il y a des enseignants qui n’ont pas peur de parler de la Résistance à leurs élèves
Ceux de Besançon, par exemple, qui leur ont lu la dernière lettre d'Henri Fertet, lycéen de 16 ans :
Au lycée Victor-Hugo de Besançon, les professeurs ont choisi de lire à leurs élèves aujourd’hui la dernière lettre d'un très jeune résistant de cette ville : Henri Fertet, 16 ans, fusillé le 15 septembre 1943. Il avait pris part à l'attaque de deux sentinelles au fort de Montfaucon et à deux attentats. Sa lettre à ses parents avait été lue à la BBC par Maurice Schumann à la demande du général de Gaulle. Elle se trouve aujourd'hui exposée au musée de la Résistance à Besançon. Il faut en peser le sens...
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<< Chers Parents,
Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n'en doute pas, vous voudrez encore le garder, ne serait-ce que par amour pour moi.
Vous ne pouvez savoir ce que moralement j'ai souffert dans ma cellule, ce que j'ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir peser sur moi votre tendre sollicitude que de loin. Pendant ces 87 jours de cellule, votre amour m'a manqué plus que vos colis, et souvent je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait.
Vous ne pouvez vous douter de ce que je vous aime aujourd'hui car, avant, je vous aimais plutôt par routine, mais maintenant je comprends tout ce que vous avez fait pour moi et je crois être arrivé à l'amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être après la guerre, un camarade vous parlera-t-il de moi, de cet amour que je lui ai communiqué. J'espère qu'il ne faillira pas à cette mission sacrée.
Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement nos plus proches parents et amis ; dites-leur ma confiance en la France éternelle. Embrassez très fort mes grands parents, mes oncles tantes et cousins, Henriette. Donnez une bonne poignée de main chez M. Duvernet ; dites un petit mot à chacun. Dites à M. le Curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu'il m'a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne. Je salue aussi en tombant, mes camarades de lycée. A ce propos, Hennemann me doit un paquet de cigarettes, Jacquin mon livre sur les hommes préhistoriques. Rendez "Le Comte de Monte-Cristo " à Emourgeon, 3 chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice André, de la Maltournée, 40 grammes de tabac que je lui dois.
Je lègue ma petite bibliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon petit papa, mes collections à ma chère petite maman, mais qu'elle se méfie de la hache préhistorique et du fourreau d'épée gaulois.
Je meurs pour ma Patrie. Je veux une France libre et des Français heureux. Non pas une France orgueilleuse, première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête. Que les Français soient heureux, voila l'essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.
Pour moi, ne vous faites pas de soucis. je garde mon courage et ma belle humeur jusqu'au bout, et je chanterai " Sambre et Meuse " parce que c'est toi, ma chère petite maman, qui me l'as apprise.
Avec Pierre, soyez sévères et tendres. Vérifiez son travail et forcez-le à travailler. N'admettez pas de négligence. Il doit se montrer digne de moi. Sur trois enfants, il en reste un. Il doit réussir.
Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée ; mais c'est parce que j'ai un petit crayon. Je n'ai pas peur de la mort ; j'ai la conscience tellement tranquille.
Papa, je t'en supplie, prie. Songe que, si je meurs, c'est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi que celle-là ? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons tous les quatre, bientôt au Ciel.
" Qu'est-ce que cent ans ? "
Maman, rappelle-toi :
" Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs
qui, après leur mort, auront des successeurs. "
Adieu, la mort m'appelle. Je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C'est dur quand même de mourir.
Mille baisers
Vive la France
Un condamné à mort de 16 ans
H. Fertet
Excusez les fautes d'orthographe, pas le temps de relire >>
16:35 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : Henri Fertet, Guy Môquet, Résistance, Besançon
Commentaires
> Superbe !
Écrit par : Ludovic | 22/10/2007
"JE L'AI LUE"
> C'est la lettre que j'ai lue à mes terminales ce matin et que nous avons affichée dans le hall de l'établissement ! je dois dire que j'étais assez émue et que je n'ai pas pu finir de la lire. Les élèves étaient dans un silence assourdissant ! Il faut dire que j'enseigne dans un établissement catholique, que nous avons quelques scouts et guides et des enfants de militaires ! il n'yest pas déshonorant de parler de l'amour du pays .
J'avais quand même fait une mise au point sur le contexte historique et expliqué pourquoi je ne lirai pas la lettre "officielle". Ensuite nous avons discuté de l'engagement. Je pense que c'était la meilleure manière de faire.
Écrit par : Marie Prévost | 22/10/2007
"J'EN PARLE"
> Très beau texte que je ne connaissais pas mais vous exagérez, cher Patrice. Ce n'est pas parce que je ne lis pas Guy Moquet que je ne parle pas de la résistance à mes élèves. De même que j'aborde l'épuration ou la collaboration. Refuser l'obsession "commémorielle" ne veut pas dire que l'on ne transmet pas notre héritage patriotique ni les valeurs qui y sont attachées. Personnellement, la résitance, dans ma famille, on en connait un bout.
VF
[De PP à VF - Si tous les réticents à l'opération Môquet avaient les mêmes mobiles et les mêmes pratiques que vous, cher VF, je n'aurais pas eu à faire cette note !]
Cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : VF | 22/10/2007
UN PROFESSEUR
> Agréable surprise ce soir pour le vieux râleur que je suis : le professeur d'histoire de mon fils a expliqué pourquoi Guy Môquet ne pouvait pas être considéré comme un résistant, et a lu à la classe le dernière lettre d'Honoré d'Estienne d'Orves.
Je tire mon chapeau à cet homme qui a osé braver le politiquement correct ! Et qui a eu le courage de préciser que, dans une école catholique, il était bien de donner pour exemple un catholique mort pour sa patrie.
De quoi me réconforter, alors que ce matin de ma voiture j'ai téléphoné à RTL pour demander qu'on cesse de qualifier Guy Môquet de résistant, ce à quoi j'ai eu une réponse embarrassée...
Écrit par : Edouard | 22/10/2007
Le 15 septembre est actuellement la fête de Notre Dame des sept douleurs, le lendemain de la Sainte Croix. Cette lettre est à lire pour donner à notre génération d'après 68 un amour de la vie. Nous avons besoin d'un but, d'un objectif pour nous réaliser. Le Ciel, la vie éternelle est motivante...
Écrit par : Abbé Dominique Rimaz | 23/10/2007
ETONNANT
> Sublime lettre, que reproduit La Croix ce matin, mais où manquent étrangement tous les passages sur la "France éternelle".
Etonnant, non ?
(De PP à JG - Ces passages manquaient aussi dans la dépêche d'agence, qui ne reproduisait qu'un cinquième de la lettre !]
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Écrit par : JG | 23/10/2007
ADOLESCENCE
> Ces lettres sont magnifiques, ces jeunes ont voulu donner l'image d'une mort pleine de bravoure.
Je ne me réjouis cependant pas de cette initiative, parce qu'elle sonne faux à mes oreilles.
J'ai un sentiment de manipulation. C'est d'autant plus douloureux que l'on utilise le malheur des autres. En l'occurrence la tragédie d'une adolescence éprise d'absolu et abandonnée. Ils n'ont pas choisi leur destin comme un Etienne d'Orves.
On exhibe ces jeunes destins meurtris comme le vieux poilu qui a attendu soixante ans l'hommage intéressé du pouvoir qui veut se donner du lustre par procuration. Quelle valeur a une légion d'honneur quand ce pouvoir s'est plu à la distribuer rapidement au ban et l'après ban de tout ce qui se fait de superficiel de mesquin et parfois de corrompu ?
Avec Guy Môquet et ses autres compagnons d'infortune, c'est la France qu'on met sous oxygène.
Combien d'enseignants ont demandé à leurs élèves qui est prêt à mourir pour la France ? La Résistance n'a pas été un mouvement de foule.
Qwyzyx
[De PP à Q. - Môquet et Fertet savaient quels risques ils prenaient, l'un en distribuant des tracts pour la libération de son père, l'autre en prenant part à des attentats... Leurs lettres ne sont pas des textes de gens se sentant abandonnés.]
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Écrit par : Qwyzyx | 23/10/2007
UN LIVRE A LIRE
> Pour être tout à fait complet, il faut citer la signature "intégrale":
Expéditeur: Monsieur Henri Fertet,
Au ciel, près de Dieu.
Je signale à ceux qui sont émus par cette lettre qu'ils peuvent la lire intégralement, ainsi que beaucoup d'autres non moins sublimes, dans le recueil La vie à en mourir publié en poche au Seuil (coll. Points). Elles émanent de tout jeunes hommes, d'époux, de pères de famille, certains connus (Môquet, d'Estienne d'Orves), d'autres obscurs, Français, Russes, Polonais, fusillés en France. Les notices qui suivent chaque lettre permettent de connaître l'auteur et le contexte. C'est un livre magnifique dont il a été peu parlé, mais qui gagne à être connu.
Écrit par : philarete | 23/10/2007
DANS MON LYCEE
> Très beau. Moi dans mon lycée (Ledoux) certaines classes (tel que la mienne) n'ont même pas eu droit à la lecture de la lettre de Guy Moquet. Je trouve cela dommage car ce sont de trés beaux textes.
Écrit par : Benoît | 23/10/2007
@ Patrice
> Ils savaient ce qu'ils faisaient avec l'enthousiasme de la jeunesse. Quand je dis abandonné, ce n'est pas en considération d'une sensation subjective qu'ils auraient pu avoir mais de la situation objective dans laquelle la déréliction politique de la France les avait placés. Ces jeunes sont aussi des victimes de l'impéritie.
Écrit par : Qwyzyx | 24/10/2007
ENGAGEMENT
> Bravo ! pour avoir publié cette lettre émouvante. C'est en en lisant plusieurs et de différentes régions de France, que l'on peut le mieux mesurer l'engagement de ces jeunes gens pour leur pays. Guy Môquet n'est pas le soldat inconnu. Il est un sacrifié pour une cause étrangère à son pays ; le communisme d'alors.
Écrit par : Luquet Michel | 26/10/2007
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