23/10/2007
Andrea Riccardi : le relativisme empêche le dialogue
Mises au point du fondateur de Sant'Egidio, à propos de son nouveau livre (Convivere) qui paraît en Italie :
« Il y a plusieurs civilisations différentes, plusieurs religions : la civilisation universelle, cela n’existe pas, et pas plus avec la mondialisation… D’ailleurs mon livre parle justement de ce processus de mondialisation face au réveil des identités du passé. Car face à la mondialisation nous sommes tous nus, alors nous voulons nous habiller et arborer nos couleurs… »
« Les identités existent bien, les civilisations existent, les cultures existent, les nations existent, les religions ne meurent pas... Comment est-il possible que la sécularisation n’ait pu l’emporter ? Le monde n’est pas une grande France, où il y a plus de modernité et moins de religion… »
« Le besoin de religiosité est grand, partout, même en Europe. Alors le problème n’est pas de détruire l’identité mais de vivre ensemble… »
« Je pense que la laïcité est un modèle de cohabitation qui intéresse une poignée de pays : la France, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, et quelques autres encore. C’est un modèle intéressant et important, mais je suis convaincu que créer une séparation entre laïcs et croyants n’est pas ce qu’il y a de plus intelligent à faire dans les pays européens, car je crois que nos pays ont besoin du 'ressourcement', comme disent les Français, d’aller aux origines, aux sources de leur propre discours religieux… »
La réponse se trouve dans la « civilisation du vivre ensemble », autrement dit dans la « capacité de faire vivre ensemble plusieurs mondes différents et de s’y fondre » : « Depuis de nombreuses années je parle du métissage, qui est né au Mexique au moment de cette première grande mondialisation que fut la conquête de l’Amérique. »
Cette cohabitation, a-t-il ajouté, repose sur le dialogue, « un dialogue qui ne veut surtout pas dire ‘perte d’identité’ ». « Un dialogue sans identité n’existe pas. Donc le dialogue demande une forte identité, et le fait de dialoguer n’est pas en soi une identité. Si vous et moi dialoguons, c’est parce que vous représentez quelque chose à mes yeux et moi je représente quelque chose pour vous ».
« La deuxième chose que je voudrais dire c’est que chacun a en lui plusieurs identités, a-t-il poursuivi. Je suis catholique et je me définis comme tel, mais je porte en moi l’héritage laïque ; mon être chrétien est imprégné, implicitement, de la tradition juive, de l’expérience du contact avec une culture laïque et socialiste, et ainsi de suite ».
Andrea Riccardi se dit fermement opposé au « relativisme », qui consiste à refuser toute vérité : « Le relativisme est celui d’un monde sans histoire, d’un monde qui n’a pas tiré les leçons de la tradition, de ses origines. C’est là d’après moi le point crucial ».
« L’aveuglement de la modernité européenne réside donc dans le fait qu’elle ne veut pas tirer les leçons de la tradition. Alors que nous devrions le faire...»
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(Traduction Zenit).
16:40 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Andrea Ricciardi, religions, christianisme
Commentaires
DE MOUNIER
> Sur le politique :
" La plus grande vertu politique est de ne pas perdre le sens des ensembles "
Sur le spirituel :
"Une personne est un être spirituel constitué comme tel par une manière de subsistance et d'indépendance dans son être ; elle entretient cette subsistance par une adhésion à une hiérarchie de valeurs librement adoptées, assimilées et vécues par un engagement responsable et une constante conversion ; elle unifie ainsi toute son activité dans la liberté et développe par surcroît, à coups d'actes créateurs, la singularité de sa vocation."
Sur le dialogue :
"Je ne m'accomplis comme personne que du jour où je me donne aux valeurs qui me tirent au-dessus de moi (...) L'apprentissage du nous (...) ne peut se passer de l'apprentissage du je (...) quand je commence à m'intéresser à la présence réelle des hommes, à reconnaître cette présence en face de moi, à apprendre la personne qu'elle me révèle, le toi qu'elle me propose, à ne plus voir en elle une troisième personne (...) mais un autre moi-même, alors j'ai posé le premier acte de la communauté sans laquelle aucune institution n'aura de solidité."
Écrit par : Emmanuel Mounier | 25/10/2007
texte riche...
Un point important, me semble-t-il, dont on a pas fini de vivre les notes concrètes, c'est sur les conséquences inattendues du relativisme:
oui, il finit par empêcher le dialogue..plus gravement il relativise tout, plus rien n'a vraiment d' importance (sauf les plaisirs que j'offre à mon ego)...la noblesse, le tragique disparaissent d'abord....puis toute chose même finit par perdre son poids ontologique, le vrai, les théories, la gratuité, le charme, l'engagement, les principes, la littérature,etc...tout ça s'efface...alors va-t'en dialoguer!
Ne semble subsister qu' une sorte de sens ou de valeurs formelles: l'égalitarisme, la lutte contre les "discriminations", l'esprit de la gauche...mais tout le substantiel, les "valeurs matérielles" perdent leur sens.
Écrit par : vicenzo | 25/10/2007
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