05/08/2007
L'économie solidaire : qu'est-ce que c'est ?
Plusieurs lecteurs posent la question :
L’association France Active finance actuellement plus de 80 % des entreprises agréées solidaires dans notre pays. En 2006, elle a réuni pendant neuf mois des chefs d’entreprise, des universitaires, des militants associatifs et des syndicalistes, pour mettre au point un manifeste de l’économie solidaire, que voici :
« MANIFESTE DE L’ECONOMIE SOLIDAIRE
Le profit ne peut être la finalité unique de l’activité économique.
Dominée par le capitalisme financier, l’économie, dopée par les nouvelles technologies, les progrès fulgurants du commerce mondial, la surmultiplication des échanges financiers, tend à se libérer de toute contrainte sociale au nom de la compétitivité. Elle produit des richesses impressionnantes mais très inéquitablement réparties. Elle crée des emplois mais génère aussi précarité, insécurité et parfois exclusion des personnes. Elle ignore des besoins individuels et collectifs pressants s’ils ne lui semblent pas assez rentables. Elle fait dépendre l’avenir des hommes, leur emploi, leur revenu, leur rôle dans la cité, de décisions prises souvent sous la pression d’impératifs financiers.
Peut-on redonner du sens à notre engagement personnel et à notre vie collective ? Peut-on recréer un triangle vertueux entre l’emploi, la cohésion sociale et la démocratie participative ? Peut-on permettre aux plus fragiles de vivre dignement de leur travail sans dépendre des prestations d’assurance ? Nous en sommes convaincus. Nous pensons que l’économie solidaire constitue une résistance puissante à l’individualisme marchand qui mine la société et une capacité d’influence sur l’économie de marché.
L’économie solidaire existe, nous la pratiquons tous les jours et nous aspirons à son développement rapide, ce qui suppose qu’elle soit portée par un élan collectif et que des dispositions concrètes encouragent sa réussite. Tels sont les buts de ce manifeste.
Qu’est-ce que l’économie solidaire ? C’est un mouvement qui regroupe des milliers d’initiatives locales pour produire, consommer, employer, épargner et décider autrement. Les entreprises solidaires se battent sur le marché comme les autres et doivent donc être performantes. Mais en plus, elles emploient des personnes exclues ou qui risquent de l’être ; elles fournissent des services individuels à des personnes aux revenus modestes, elles assurent des services collectifs pour mieux vivre ensemble, elles mettent en œuvre des formes de gouvernance démocratique. Produisant à la fois de la valeur ajoutée marchande et de la valeur sociale elles sont soutenues par des ressources mixtes, conjuguant le paiement par les clients, les aides nationales et locales et des engagements personnels bénévoles.
Certaines activités de l’économie solidaire sont bien connues : entreprises adaptées aux personnes handicapées, logement des exclus, éducation populaire, aide aux personnes, accès aux loisirs pour les plus démunis, recyclage, protection de l’environnement. Mais depuis trois décennies, face à la montée des exclusions, des domaines nouveaux ont été explorés. L’insertion par l’activité économique, qui remet au travail des chômeurs de longue durée, emploie désormais entre 250 000 et 300 000 personnes. Le commerce équitable vient soutenir les petits producteurs du tiers-monde. Des femmes immigrées se lancent ensemble dans la production de services. Des régies de quartiers se créent dans des cités où la rentabilité n’est pas assurée, etc.
L’économie solidaire est présente partout où l’on promeut la recherche du bien commun, l’emploi des plus défavorisés. C’est une économie de proximité en pleine expansion, dont les emplois ne peuvent être délocalisés. Elle est fille de deux longues traditions, celle du mouvement ouvrier et celle de l’économie sociale (mutuelles, coopératives, associations) avec lesquelles elle partage une commune aspiration à une société d’hommes libres et égaux en droits. Elles se conjuguent et se soutiennent mutuellement. Ainsi, les banques, les assurances mutualistes, les caisses de retraite, etc. sont des acteurs importants du financement de l’économie solidaire qui prend souvent le statut juridique de l’économie sociale.
Nous voulons braquer les projecteurs sur ce vaste « tiers secteur » ; il n’a pas la visibilité du CAC 40 mais il occupe un nombre considérable de salariés que ne recrutent ni le secteur public ni le secteur privé. Nous aspirons à son développement rapide, ce qui suppose un élan collectif et des dispositions concrètes pour encourager sa réussite. Notre objectif ? Doubler son champ en cinq ans pour renforcer l’emploi, la cohésion sociale et la démocratie participative.
Pour ce faire, voici dix propositions concrètes :
Citoyens, vivez solidaires
Investissez-vous dans toutes les initiatives soucieuses de l’homme et de l’environnement. Faites appel au commerce équitable qui rémunère les producteurs à leur juste prix. Participez aux groupements de consommateurs et de producteurs et privilégiez ainsi les circuits courts du producteur au consommateur. Adressez-vous aux entreprises de services, de production, de recyclage (vêtements, électroménager, etc.) qui emploient de nombreuses personnes en risque d’exclusion ou des handicapés. Réconciliez l’acte de consommation avec le désir de solidarité. Donnez un sens solidaire à votre épargne. Donnez de votre temps à ceux qui en ont besoin.
Salariés, épargnez solidaire
Depuis 2001, vous pouvez confier une partie de votre rémunération à des fonds salariaux solidaires créés dans les grandes entreprises ou dans des groupements d’entreprises. Leur montant global a déjà doublé entre 2004 et 2005. Une fraction de ces fonds – 5 à 10% - est investie dans des entreprises solidaires, pourcentage sur lequel l’épargnant retrouve son capital initial mais renonce à ses intérêts. Cette capacité d’investissement solidaire pourrait atteindre 200 millions d’euros d’ici à cinq ans. Il est possible d’aller bien au-delà. A deux conditions : assurer sa promotion et améliorer la réglementation.
Étudiants, actifs, syndicalistes, militants associatifs, devenez entrepreneurs solidaires
Préparons les candidats à ces métiers difficiles en leur proposant des formations de qualité, en les accompagnant dans leur projet. Ce sont là des défis décisifs : point d’entreprises sans entrepreneurs qualifiés.
Collectivités publiques, achetez solidaire
La loi permet de faire exécuter une partie des marchés publics de l’État, des collectivités locales, des bailleurs sociaux par des entreprises solidaires. Mais ces clauses sociales sont souvent ignorées par manque de volonté politique mais aussi de compréhension mutuelle. Mettez en place des facilitateurs qui concilient les contraintes techniques des donneurs d’ordre et les capacités opérationnelles des entreprises solidaires du bâtiment, des travaux publics, de l’entretien des espaces verts, du nettoyage, de la surveillance, de la restauration…
Régions, contribuez au développement de l’économie solidaire
Fortes de votre double compétence en développement économique et en formation, appuyez les opérateurs qui orientent et accompagnent les porteurs de projets à travers les maquis administratif et financier. Facilitez le débat démocratique autour de leurs projets. Organisez l’allocation des aides régionales au démarrage du projet et les soutiens durables à leur mise en œuvre. Assurez une évaluation périodique des résultats obtenus. Veillez à consacrer 15% de votre budget d’action économique à l’économie sociale et solidaire en passant contrat de projet avec l’Etat et en travaillant étroitement avec les départements et les communes.
Départements, appuyez-vous sur l’économie solidaire pour employer les personnes en grande difficulté
Au-delà de l’impératif moral de leur redonner une place dans la société, tout démontre que le soutien à l’économie solidaire est un investissement rentable pour les finances publiques. En retrouvant un travail, ces personnes deviennent des producteurs de richesses et donc d’impôts et de cotisations sociales.
Financiers, prenez des risques sur l’économie solidaire
La Caisse des Dépôts en a la tradition et les banques mutualistes le font de longue date, parce que c’est conforme à leur vocation sociale et qu’elles y gagnent des clients stables. Les réseaux de finance solidaire, comme France Active, savent placer l’épargne solidaire dans des projets dont la viabilité a été expertisée et confortée. Le capital-risque solidaire n’en est qu’à ses débuts. Toutes les banques peuvent prouver qu’elles sont socialement responsables : l’inscription de leurs actions en ce sens dans leur rapport annuel influencerait leur notation.
Entreprises, coopérez avec l’économie solidaire
Les entreprises solidaires ne sont pas des concurrentes mais des partenaires qui peuvent donner du sens à votre engagement social et conforter votre ancrage territorial. Engagez avec elles toute forme de coopération par recours à leurs services et à leur personnel ou en passant des marchés de co-traitance et de sous-traitance. Encouragez et abondez la participation de vos salariés à l’épargne salariale solidaire. Tout ceci vaut particulièrement pour les entreprises de l’économie sociale qui peuvent nouer de fructueux partenariats avec l’économie solidaire.
Syndicats, impliquez-vous dans l’économie solidaire
Développez l’épargne salariale solidaire dans les entreprises. Sensibilisez les institutions représentatives des salariés (comités d’entreprise, etc.) aux initiatives de l’économie solidaire. Enfin, soyez novateurs pour que les salariés des entreprises solidaires aient les mêmes possibilités de représentation que ceux des entreprises classiques.
À l’État enfin de lancer un plan en faveur de l’économie solidaire, et de le respecter
Cette économie se développe par l’expérimentation, le bénévolat, et l’initiative locale. Mais, elle a aussi besoin de la solidarité nationale, ce qui la rend très vulnérable aux changements incessants des directives publiques. C’est pourquoi l’État doit définir un cadre juridique souple et stable, soutenir l’économie solidaire par des aides à la personne, par des co-financements des initiatives des Régions et des Départements, qui s’inscriraient très naturellement dans les contrats de projets pluriannuels en cours de négociation. Il doit aussi veiller à la pérennité et au développement de l’économie solidaire en se portant garant, à long terme, des financements qui lui sont destinés.
L’économie solidaire de proximité a l’ambition, non pas bien sûr de remplacer l’économie de marché, mais de s’attaquer aux problèmes des plus démunis et aux besoins individuels et collectifs délaissés par le marché et l’État. A travers cette solidarité active, nous voulons manifester notre résistance à la fatalité, et notre confiance dans le progrès social et la démocratie. Cette ambition vaut aussi pour l’Europe et pour le monde. L’Europe ne peut se construire sur les seules forces du marché. Elle aspire à plus de solidarité, avec des résultats jusqu’ici contrastés et fragiles. L’équilibre économique mondial est menacé s’il ne prend pas la voie de relations équitables et s’il ne se résout pas à ménager et à partager les ressources.
À nos concitoyens qui redoutent de perdre toute prise sur leur futur et sur l’avenir de leurs enfants, nous envoyons un message de confiance : l’économie solidaire est créatrice de nouveaux emplois et porteuse de grands espoirs. >> M
Pour en savoir plus : cliquez sur le lien Economie solidaire ou sur le lien Cocagne, dans la colonne de gauche de ce blog.
00:10 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Economie solidaire, économie sociale, insertion par l'activité économique
Commentaires
PAS DE DROITE, REELLEMENT
> Merci de ces précisions. Ajoutons que le modérateur de France Avenir est Edmond Maire. Que les catholiques sociaux aient plus en commun avec ces hommes-là qu'avec les neocons (ou les paléocons), voilà qui devrait informer celui de vos lecteurs qui voulait absolument que vous soyiez "de droite", l'autre jour ! Comme si le catholicisme social pouvait être de droite ou de gauche.
Écrit par : Girolamo | 06/08/2007
MONASTERES, AMAP
> Pensez aussi aux monastères (association monastic par exemple) qui offrent de nombreux produits de qualités et qui prieront pour vous en plus; ainsi qu'aux AMAP (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne) qui sont vitales pour maintenir des familles sur leurs terres, gardez vivantes nos campagnes et avoir une nourriture saine et ayant du GOÛT! (voir alliancepec.free.fr ou Wikipedia).
Et je ne comprend toujours pas ce classement droite-gauche ou progressiste-conservateur. C'est une telle réduction de la vie et de la pensée! On peut vivre, travailler, acheter ou investir sans constamment se dire:" ce magasin, de droite ou de gauche? Et ce cinéma? Si je visite Versailles, je suis un touriste de droite ou de gauche? Comme si la vie rentrait dans des cases idéologiques.
Écrit par : VF | 06/08/2007
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