Qui veut "laïciser" l'abbé Pierre ?

De bizarres oraisons funèbres ont commencé à se faire entendre à la télévision :

 

Une fois de plus, c'est i-télévision qui fait le meilleur travail journalistique : reportages dans les centres Emmaüs, explication de l'esprit de la communauté, flash-backs de l'abbé Pierre racontant sa vocation... Le téléspectateur qui voit ces séquences ne peut pas ignorer qu'Henri Grouès était un prêtre et qu'il avait la foi, même si certaines de ses opinions s'éloignaient un peu de l'axe de l'Eglise.

 

D'autres chaînes, en revanche, font assaut de conformisme. Le record étant atteint par FR2 (comme souvent). Au journal de 13 heures, une seule chose semblait réveiller la présentatrice : l'idée que l'abbé Pierre était "pour le mariage des prêtres et l'ordination des femmes". Ce que confirmait l'invité  Frédéric Lenoir, co-auteur du dernier livre de l'abbé Pierre (voir sur ce blog ma note du 27.10.05, catégorie Médias).

 

Or cet ultime livre avait déçu la presse en 2005 : lancé comme contenant de croustillantes révélations sexuelles et de sulfureuses critiques du "dogmatisme" romain, il ne contenait rien de tout ça. Seulement deux aveux, humbles et nullement glorieux ni revendicatifs. L'abbé regrettait avoir fait naguère quelques accrocs à la chasteté, et disait  "ne pas comprendre" pourquoi l'Eglise n'avait pas de femmes prêtres...  On pouvait s'étonner qu'un religieux ne connaisse pas la raison de l'absence de prêtresses dans le christianisme*, mais ce petit livre ne pouvait passer pour un brûlot. 

 

Ce qui n'a pas empêché Lenoir de dire que l'abbé remettait l'avenir de son oeuvre "aux non catholiques", puisqu'il y aurait "de moins en moins de religieux"...  Le directeur du Monde des religions  ignore-t-il l'existence des croyants laïcs ? On peut lui en présenter**.  Des catholiques se dévouent aux pauvres dans le monde entier, et pour autant n'éprouvent pas le besoin de zapper le Credo.

 

En tout cas, voilà la situation : le départ de l'abbé Pierre est orchestré par des déclinologues. Ils annoncent l'agonie du catholicisme  - et insinuent que le fondateur d'Emmaüs lui-même n'y croyait plus vraiment. "J'ai foi en l'homme...", lui fait seulement dire un extrait de film, coupé juste avant que l'abbé ne finisse sa phrase. L'objectif est de le laïciser à titre posthume, et de nous persuader que ce qu'il a fait de bon, il le faisait "bien que" membre de l'Eglise catholique. Pour montrer qu'il n'a pas perdu la main, Mgr Gaillot est venu contresigner cette campagne : "L'Eglise ne doit pas récupérer l'abbé Pierre", n'a-t-il pas hésité à dire ce matin. Avec Jacques, on n'est jamais déçu.

P.P.

 

(*)  Les pasteur(e)s protestant(e)s ne sont pas des prêtres.

(**)  Comme le dit Paul Thibaud, ancien directeur de la revue Esprit : "Il y a bien d'autres chrétiens qui viennent en aide aux plus démunis, mais le fait d'être prêtre faisait de lui [l'abbé Pïerre] un symbole."