23/01/2007
"La première religion de l'abbé Pierre, c'est la colère..."
...affirme Libération ce matin. Et c'est encore un symptôme de la campagne "laïcisons l'abbé" :
Il y a trente ans, les journaux auraient dit qu'un grand chrétien venait de mourir. Ce matin, écoutez les revues de presse : elles ne mentionnent même plus le fait que l'abbé Pierre était un prêtre. Hier encore FR2 s'en souvenait (un peu), pour dire que l'abbé divergeait d'avec son Eglise sur telle ou telle question. Aujourd'hui, rien. Plus un mot. Ou seulement cette phrase de Thénard dans Libé : "La première religion de l'abbé, c'était la colère" ! Façon de prétendre que le christianisme comptait pour des prunes, dans l'âme de cet homme qui s'était fait moine mendiant à l'âge de dix-huit ans.
Le record est détenu à l'heure actuelle par ce raisonnement d'un éditorialiste : il faut continuer les combats de l'abbé Pierre, par exemple en élargissant le dépistage prénatal (en clair : l'IVG) pour que les femmes les plus pauvres y aient largement accès. Je n'entre pas ici dans une discussion d'éthique ; je me contente de signaler que l'abbé Pierre n'était pas pour l'avortement, même si sa compassion était acquise aux femmes. A force de le laïciser post mortem, on commence à lui faire dire le contraire de ce qu'il pensait.
P.P.
09:15 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : abbé Pierre, Eglise, religion, catholicisme, christianisme, médias
Commentaires
ABIKER, ET "HIVER 54"
> Je comprends votre propos, Patrice (si je peux me permettre), et le partage en partie. Mais je trouve que vous devriez davantage, aussi, relever les raisons d'espérer. A titre d'exemple, l'article de David Abiker sur le Big Bang Blog...
Oui, les média dominants ont tendance à le laïciser, et je vais d'ailleurs, je pense, dire également un mot à ce sujet. Mais il y a, là, juste une petite pépite d'une personne qui a compris...
Et puis, qui a revu hier "Hiver 54" peut-il vraiment ignorer qu'il était prêtre ?
Koz
[ De PP à Koz :
- C'est justement en comparant à "Hiver 54" les revues de presse de ce matin, que l'on est frappé de l'évolution des mentalités. Je ne demande pas mieux que de glaner dans les médias des réactions constructives, et j'ai signalé par exemple le bon travail de i-Télévision ! Mais il faut se mettre en face du réel. Le post de David Abiker est effectivement excellent (http://www.bigbangblog.net/article.php3?id_article=515, d'autres messages le signalent ici), mais c'est la blogosphère, ce ne sont pas les grandes chaînes ! De la part des médias lourds - ceux de la société de marché -, faut-il attendre autre chose que de l'incompréhension envers le spirituel (en général) ? Abiker a l'air de penser que non, comme moi-même et beaucoup d'autres...
Ce n'est aucunement une raison de déprimer : bien à l'inverse, c'est un appel à créer partout nos propres réseaux d'information et d'expression ! Lucidité n'est pas pessimisme. C'est même le contraire : un élan créatif.]
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Écrit par : koz | 23/01/2007
L'ABBE PIERRE ET St VINCENT DE PAUL
> On pourrait comparer l'abbé Pierre et saint Vincent de Paul. L'un comme l'autre ont eu un fort engagement au service des plus démunis; l'un et l'autre ont vécu au cours de leur vie de prêtre des conversions personnelles pour que leur vie soit conforme à leur état sacerdotal; l'un comme l'autre ont été fortement impliqués dans la politique avec des fortunes diverses (ex: saint Vincent de Paul pendant la Fronde contre Mazarin, l'abbé Pierre député MRP à l'Assembée nationale).
Mais il y a une forte différence: saint Vincent de Paul a eu le souci de la formation et de la sainteté des prêtres et il a eu aussi le souci de dégager l'Eglise des pressions de la société aristocratique de son temps (son rôle dans la nomination des évêques dans le cadre du conseil de conscience a été positif). L'abbé Pierre au contraire a été défaillant dans ces deux domaines et a plutôt abondé dans le sens des pressions de la société de notre temps (questions morales, vie des prêtres).
BH
[De PP à BH - Bonne ouverture pour un débat. Qu'en pensez-vous, tous ?]
Écrit par : B.H. | 23/01/2007
ABIKER N'A PAS PEUR
> Bien noté, "PP", et c'est vrai, vous avez signalé le travail d'i-télévision. Il faudrait que je regarde davantage cette chaîne. Je me permets de déposer un petit caillou : http://www.koztoujours.fr/?p=78
Et de vous signaler ce propos, en commentaire, de David Abiker : "Oui, je pars de cet a priori, mon a priori va bien au-delà : je crois que le catholicisme est fondamentalement tourné vers le bien et que l’Abbé contrairement à tout ce qu’on va nous raconter est un bienfaiteur de catholique."
Voilà quelqu'un qui n'a pas peur de défendre... les convictions des autres.
Écrit par : koz | 23/01/2007
COLERE ET CHRISTIANISME
> La colère ne peut être la religion d'un prêtre, mais ne fait-elle pas partie du christianisme : colère contre toutes les injustices ?
G.
[De PP à G :
- Si bien sûr : mais c'est la colère de Dieu devant ce qui "cause la chute d'un seul de ces petits". Ce n'est pas la colère subjective de tel individu ou de tel clan. On a trop vite fait de confondre la foi chrétienne avec les "valeurs" de partis, de peuples (1), ou de chacun, et de donner l'onction de la "sainte colère" à des énervements discutables... Si un chrétien lutte pour les pauvres, ce n'est pas par goût de la colère, mais par amour des pauvres et du Christ (inséparables). Ayons toujours à l'esprit l'exemple de Mgr Romero.
(1) les "saintes choses roumaines", comme dit la chanson d'un parti extrémiste des Carpathes !]
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Écrit par : geneviève | 23/01/2007
LE PROBLEME DES MEDIAS
> Je viens de voir la une de "La Montagne" qui illustre bien cette religion (culture?)de la "révolte". C'est un dessin en noir et blanc occupant la moitié de la première page. Il montre Coluche qui accueille l'abbé. Celui-ci porte sa pélerine et son béret avec sur celui-ci, bien visible en rouge, une étoile à cinq branche. Allusion claire à la célèbre coiffure du "Che" (du moins je le vois comme cela).
A propos de la comparaison avec saint Vincent de paul, je me pose deux questions: est-ce que l'abbé Pierre n'a pas été manipulé dans ses déclarations sur l'Eglise ou sur les questions morales? (il était déjà âgé). L'abbé a beaucoup utilisé les médias (radio, tv etc..). N'est-ce pas dangereux de trop fréquenter ces médias ? N'y a-t-il pas un trop grand risque d'être corrompu ou simplement séduit par leur pouvoir et peu à peu par leur mentalité? Mére Térésa n'a que très peu utilisé ces moyens pour agir et son rayonnement et son efficacité n'en n'ont pas été moindres.
Écrit par : Vf | 23/01/2007
L’abbé Pierre... la colère... et la laicité
> Il est difficile de parler de l’Abbé Pierre, tellement son image a été brouillée…mais je vous avoue que la récupération laïque, pour ne pas dire laïcarde, qu’on essaie d’en faire aujourd’hui, ne me surprend pas.
Je suis assez d’accord avec B.H. et le parallèle avec Saint Vincent de Paul.
C’est d’autant plus pertinent que l’Abbé ne lésinait pas sur la ressemblance avec son modèle, avec la plus entière bonne foi et en toute simplicité.
Ils étaient « politiques », selon l’acception actuelle, l’un et l’autre.
Cherchant à influer le pouvoir, à l’infléchir au moins…
L’abbé Pierre est toujours resté, sous sa soutane, militant MRP, en dépit des évolutions et égarements divers de ce parti, qui s’est éloigné de plus en plus de ses origines et de son idéal jusqu’à disparaître totalement, mais l’abbé lui est resté fidèle …. Il a été député, a connu une vraie influence politique après la guerre,
Mais sa vocation de capucin, disciple de saint François, lui inspirait de plus nobles buts qu’une carrière politique, même avec une soutane, ce qui se voyait quelquefois à l’époque ( Cf. le chanoine Kir à Dijon).
La charité de l’Evangile le poussait plus au large, et il obéissait à cet impératif avec ferveur, et c’est là qu’il est grand, et que la figure de saint Vincent de Paul convient tout à fait… Février 1954… Emmaüs…. Les fondations…les longues périodes de vie monastique, de prière, dans une abbaye…..etc..
Mais il y avait aussi le bruit médiatique, et parfois le tapage….
Il est vrai que la médiacratie, toujours friande de compassionnel, d’émotionnel, trouvait là une icône rêvée : elle n’a pas lésiné pour l’entretenir, l’orner, l’adouber, au besoin cacher ses recoins obscurs (l’affaire avec Garaudy), et même lui faire avouer publiquement ses faiblesses ( son dernier livre, écrit et manipulé par un journaliste d’un quotidien dit de référence) car cette pseudo-transparence est encore une manipulation émotionnelle très en vogue dans ces milieux
Sauf à la fin de sa vie, mais qui pourrait lui en tenir rigueur ?.., l’abbé en était certainement très conscient. Il ne tombait pas dans le panneau, et prenait le plus souvent ses distances vis-à-vis de cette aura médiatique de sainteté.
Pourtant on pouvait légitimement se sentir gêné aux entournures quand il vilipendait à mots très durs le pouvoir politique, surtout de droite mais pas uniquement ! et il n’épargnait pas davantage l’Eglise !
Sans mesurer l’aspect démagogique de ses invectives, et leur côté quelque peu déplacé de la part d’un prêtre. Il n’était pourtant plus à la tribune de l’Assemblée, mais seulement derrière des porte-micros et des cameramen qui se régalaient d’un tel festival….
Bien souvent le théâtre politique semblait absorber la véritable charité….
Monsieur Vincent était d’une autre trempe, je suis bien d’accord avec vous, mon cher B.H. ! Il ne lui serait jamais venu à l’idée de parler de mariage des prêtres, de critiquer ouvertement le pape, ou d’envisager, ne fût-ce qu’une seconde, que des homosexuels puissent « se marier et élever des enfants »…. Il connaissait les ravages de l’abandon, de la mauvaise éducation des enfants, pour qu’on n’ait pas encore à ajouter au désastre…. La fondation des Filles de la Charité, pour l’éducation des enfants et celle des parents avec eux, la formation des prêtres avec Monsieur Ollier et les lazaristes, les Missionnaires des campagnes, etc.., toutes ces œuvres étaient des œuvres de sainteté, poussées par la charité de l’Evangile, dans le plus pur élan de la mission de l’Eglise.
Il était toujours pénible d’entendre l’abbé Pierre critiquer l’Eglise devant micros et caméras.
Et la saillie de l’évêque Gaillot, nonobstant son côté grotesque, d’une colossale niaiserie, mais sans surprise venant d’un tel personnage, est révélatrice de quelque chose : « L’Eglise ne doit surtout pas récupérer l’Abbé Pierre »
Si même un évêque, ‘in partibus’ il est vrai, déclare ceci, il ne faut pas s’étonner que la médiacratie, et l’opinion qu’elle formate, cherchent à le laïciser.
Écrit par : clément | 23/01/2007
BIEN PLUS CROYANTS
> Débat très intéressant en effet. Dans cette démarche de laïciser presque intégralement l'Abbé Pierre, il y a bien une tentative de relèguer l'Eglise catholique uniquement dans un travail de service des pauvres, des exclus ou des sans-abris, option certes absolument indispensable. Mais c'est réducteur et incomplet. Cette dichotomie se passait aussi avec Jean-Paul II, vu "à gauche" par ses encycliques sociales et moralement "trop à droite" par son enseignement sur les moeurs. Mais le secret du christianisme est la noble particule "et". Saint Vincent de Paul a eu le souci de cette intégralité, de cette unité, qui relève aussi de l'harmonie entre foi et raison au fond. Que dire encore de l'exemple lumineux de sainteté d'une Mère Térésa. Par contre, notre grand Abbé Pierre a pu donner parfois dans la confusion. Notons toutefois que sa mort attendue comme une délivrance a été perçue comme un passage vers la rencontre avec Dieu pour une vie éternelle. Nous sommes bien plus croyants que l'on veut bien le dire. Portons ce grand témoin de la misère humaine dans nos prières, comme toute l'Eglise qui le confie à la Miséricorde de Dieu
Écrit par : Abbé Dominique Rimaz | 23/01/2007
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Écrit par : LE PETIT ROBOT DE TOULOUSE | 23/01/2007
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