06/12/2006
Ce qui se passe réellement à Moscou : pourquoi l'étrange communiqué "anti-romain" du patriarche Alexis II
Dans l'Eglise russe (aussi) se livre une guerre de succession :
DE NOTRE CORRESPONDANT A MOSCOU - Est-il plausible que le patriarche Alexis II (photo), après avoir envoyé depuis un an des signaux de cordialité au Vatican, lance soudain un communiqué belliqueux - accusant les catholiques latins de faire du "prosélytisme" en Russie, et exhumant la querelle des uniates ukrainiens ?
C'est pourtant ce qui vient d'arriver, comme le relatent les agences occidentales :
<< CITE DU VATICAN, 5 déc 2006 - Le Vatican dément faire du prosélytisme dans l'ex-URSS. Le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'Etat du Vatican, a rejeté mardi des accusations de prosélytisme dans les pays de l'ex-URSS, portées contre l'Eglise catholique par le patriarche orthodoxe de Moscou Alexis II, selon l'agence italienne Ansa. "Nous ne pensons pas faire du prosélytisme", a déclaré le cardinal Bertone, interrogé par Ansa. Le prélat, bras droit du pape, s'est refusé à commenter plus avant la déclaration du patriarche de Moscou. "Les rapports entre le patriarcat et le Saint-Siège sont bons", a ajouté Mgr Bertone, en faisant état d'"entretiens" et de "visites fréquentes".
Alexis II a demandé mardi au Vatican de "prendre des mesures concrètes" pour faire cesser le prosélytisme catholique dans les pays traditionnellement orthodoxes de l'ex-URSS et de faire pression sur les gréco-catholiques (uniates) en Ukraine, selon l'agence russe Itar-Tass. Les accusations de prosélytisme portées par le patriarcat de Moscou contre l'Eglise catholique empêchent toute rencontre entre Alexis II et le pape.
Le pape Benoît XVI est rentré vendredi d'un voyage en Turquie où il a rencontré à Istanbul le patriarche orthodoxe oecuménique Bartholomée Ier, dont l'autorité spirituelle sur l'ensemble des orthodoxes est contestée par le patriarcat de Moscou. >>
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En réalité, l'affaire est biaisée. Le vieil Alexis II est malade et proche de sa fin. L'homme en place est le numéro 2 du patriarcat : le métropolite Kliment (Kopaline). Selon les milieux bien informés, c'est celui-ci qui aurait établi le texte du communiqué anti-romain. Voici ce qui se passe :
- Chacun s'attend à la mort prochaine du patriarche Alexis. L'évêque le plus qualifié pour lui succéder est le métropolite Cyrille de Smolensk (photo). Celui-ci est, sur tous les plans, la personnalité la plus remarquable de l'orthodoxie russe contemporaine. C'est aussi un excellent connaisseur du monde catholique, et un ami personnel du cardinal archevêque de Vienne Christoph Schönborn, autre personnalité ecclésiastique de premier plan. Le métropolite Cyrille ne dissimule pas non plus sa haute estime envers le pape Benoît XVI.
- L'envergure intellectuelle et spirituelle du métropolite Cyrille fait de l'ombre à d'autres candidats à la succession d'Alexis II. Notamment à Kliment... Tout se passe donc comme si celui-ci voulait mettre en porte-à-faux Cyrille ("l'ami des Latins"), en fabriquant une tension entre le patriarcat de Moscou et le Vatican. D'où le communiqué du 4 décembre. Ce texte vise à mobiliser contre Cyrille une partie du clergé russe, en déterrant son séculaire ressentiment anti-"Latins".
- Cette opération pourrait être facilitée par le climat de tension entre l'Europe occidentale et le Kremlin. A Paris, elle est relayée, non par les milieux russes, mais par le très petit nombre des convertis français à l'orthodoxie. Ces ex-catholiques ont tendance à en rajouter, à faire du zèle amer à l'encontre de Rome, et à mettre de l'huile sur le feu médiatique. Explication de leur hostilité envers le métropolite Cyrille : celui-ci a eu des mots sévères au sujet de leur extrémisme.
00:45 Publié dans Oecuménisme | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : orthodoxie, Russie, catholicisme, Vatican, christianisme
Commentaires
ENCORE LES MEDIAS
> Ceci pose une fois de plus le problème de la façon dont on nous informe dans les médias : les rares échos que j'ai eus de cette prise de position du patriarche russe, faisaient croire que Rome recevait ainsi la juste punition d'on ne sait quelles erreurs de "politique internationale"...
Écrit par : JC Millet | 06/12/2006
> Merci
Écrit par : Gérald | 09/12/2006
> Passionnante explication.
Je voudrais mourir après avoir vu un rapprochement définitif entre catholiques et orthodoxes.
Écrit par : Damien | 09/12/2006
D'OU VIENNENT CES CONVERTIS ?
> J'ai beaucoup mieux compris certains problèmes actuels entre les Eglises orthodoxes et nous. Mais d'où viennent ces convertis qui jettent de l'huile sur le feu? Sont-ls nombreux? Sont-ils si influents que cela? J'espère de tout coeur voir la réunion définitive entre nous et nos frères d'Orient.
VF
[De PP à VF - Ils viennent... de milieux catholiques, ou, plus exactement, des milieux catholiques des années 1980, déspiritualisés par la crise interne de l'Eglise. Ces personnes ont cherché du côté de l'orthodoxie le "souffle sacré" qu'ils croyaient ne plus trouver dans le catholicisme latin. Mais ils ont apporté avec eux, dans les milieux orthodoxes, leur propres ressentiment antiromain de Latins frustrés. D'où la méfiance des Russes et des Grecs envers eux. Quant au degré d'influence de ces convertis: il est infime. Sauf envers tel ou tel média à Paris ! Et c'est tout le problème.]
Cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : VF | 10/12/2006
KLIMENT, CLEMENT
> Merci pour votre analyse. Juste une observation: puisque vous francisez les noms du métropolite Cyrille ( Kirill en russe ) et du patriarche Alexis (Alexiy ) pourquoi ne faites-vous pas de même avec le métropolite Clément qui porte le nom d' un pape romain, reconnu saint dans l'Eglise latine et dans l'Eglise orthodoxe ?
E.
[De PP à E. - Exact ! Inattention de ma part.]
Écrit par : Eric | 21/12/2006
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