28/11/2024
Pourquoi le pape vient Ajaccio mais pas à Paris
Le cardinal Bustillo, évêque de Corse
S'offusquer de ce que François accepte l'invitation d'Ajaccio mais pas celle de Paris, ce serait négliger l'essentiel du christianisme :
Le pape vient à Ajaccio le 15 décembre. Il ne viendra pas à Paris les 7 et 8 décembre pour la réouverture de Notre-Dame. Pourquoi ? Parce que ces deux invitations ne sont pas de même nature. L’invitation d’Ajaccio est purement religieuse : il s’agit de prendre part à un colloque sur la religiosité populaire dans le monde méditerranéen. Quant à l’invitation parisienne, elle mélange politique et religion ; le président Macron y prononcera un discours, et l’on sait qu’il voit la restauration de Notre-Dame comme un triomphe personnel. En plaçant ainsi sous son égide la réouverture solennelle de la cathédrale, Emmanuel Macron donne à cette cérémonie religieuse un cachet politique malgré la grand-messe du 8 décembre... Et puisque la réouverture de Notre-Dame est chapeautée par l’Elysée, la venue du pape donnerait l’impression que le domaine religieux en général se fait annexer par le politico-culturel. Voilà pourquoi le pape ne viendra pas à Paris.
A l’inverse : en venant au colloque d’Ajaccio, le pape est pleinement dans ses fonctions de chef visible de l’Église. C’est une visite pastorale. Elle concerne un sujet, la religiosité populaire, qui dépasse de loin les questions de patrimoine culturel (fussent-elles aussi nobles que la restauration de Notre-Dame de Paris). Et la visite du pape à Ajaccio échappe au mélange politico-religieux qui marquera en partie la cérémonie parisienne ! C'est un fait : le discours d’Emmanuel Macron traitera le religieux comme si c’était un aspect du culturel, ce qui revient à réduire le religieux à ce qu’il n’est que secondairement – un domaine d’expression de la culture – alors que l’essentiel est ailleurs. Le président d’une République laïque ne peut aborder la question religieuse qu’en la réduisant à du patrimoine culturel ? Sans doute. Mais cette réduction est une des formes du relativisme qui marque notre époque, et qui est incompatible avec la conscience religieuse et la Révélation. S’il venait à la cérémonie parisienne telle qu’elle est conçue, le pape aurait l’air de cautionner cette réduction relativiste ; ce qu’un pape ne peut évidemment pas faire.
En allant à Ajaccio plutôt qu’à Paris, le pape met en lumière le caractère exceptionnel du fait religieux et sa supériorité sur ce que François appelle “la mondanité”. L’un des combats de l’actuel pontificat est contre “la mondanité dans l’Église” ; en refusant nettement l’invitation d’Emmanuel Macron, le pape fait une application personnelle et très claire de ce combat.
Par ailleurs, ne laissons plus dire que s’il ne vient pas à Paris c’est “qu’il n’aime pas la France”. La dernière encyclique montre qu’il aime particulièrement les grands spirituels du catholicisme français, de saint François de Sales à saint Charles de Foucauld : quatre sections de Dilexit Nos leur sont consacrées. Si vous n’avez pas encore lu l’encyclique, faites-le. Elle est splendide.
18:16 Publié dans Pape François | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pape françois, catholiques
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