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02/02/2024

"Homicide routier" : progrès du droit ou effet d'annonce ?

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Cette innovation laisse perplexes de nombreux juristes. Et contredit l'arrêt des juges de cassation dans l'affaire du meurtre de Sarah Halimi. Encore un symptôme des incohérences actuelles ?


Donc les députés ont voté la création d’un nouveau crime intitulé : “homicide routier”. Il s’agit des accidents mortels provoqués sur les routes par des conducteurs ayant “commis une faute grave” : par exemple “la consommation de substances psycho-actives”. Jusqu’ici ces conducteurs étaient poursuivis pour homicide involontaire, passible au maximum de dix ans de prison et cinq ans d’annulation de permis de conduire. Désormais ils auront dix ans d’annulation. Mais toujours pas plus de dix ans de prison !  On est obligé de constater que la posture sévère du gouvernement et des députés n’est pas allée très loin. C’est d’ailleurs ce qu’avouait Elizabeth Borne en juillet 2023, quand elle disait : “La création de l'‘homicide routier’ a surtout une portée symbolique’. Et c’est ce que déplore Antony Regley, avocat de la Fédération nationale des victimes de la route et de la Ligue contre la violence routière. Selon lui, cette nouvelle loi – comme trop d’autres lois aujourd’hui – n’apporte en réalité que de petits changements ; elle n’ira guère au-delà de l’effet d’annonce.

On peut trouver ça décevant, dans la mesure où, parmi les accidents mortels survenus sur les routes françaises, beaucoup sont certes dus à l’alcool, mais un nombre grandissant sont dus aux drogues : phénomène récent, à relier à la montée massive de la consommation de stupéfiants par les Français. Ainsi, de l’avis d’un certain nombre d’experts, la relative timidité de la nouvelle loi n’est peut-être pas à la hauteur de ce problème.

Quant aux juristes, ils sont perplexes. Pour deux raisons.

D’une part, ils se demandent s’il n’aurait pas mieux valu laisser les drogues et l’alcool parmi les circonstances aggravantes des homicides involontaires, quitte à alourdir beaucoup la gravité des peines, plutôt que de créer une qualification pénale intermédiaire (et assez floue) entre l’homicide involontaire et l’homicide volontaire : ce qui est très difficile à justifier en droit.

D’autre part, les juristes constatent que la nouvelle loi, en plaçant la prise de drogue parmi les circonstances aggravantes, contredit gravement l’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire du meurtre de Sarah Halimi en 2021 : arrêt qui considère au contraire la prise de drogue comme exonérant le criminel de sa responsabilité !

Cette contradiction entre la loi et la Cour montre dans quelles incertitudes intellectuelles et morales est la France d’aujourd’hui. Il serait temps d’en sortir.

 

 

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12:53 Publié dans Société | Lien permanent