23/08/2023
Climatonégationnisme : l'épidémie d'enfumage se rallume
Malgré l'évidence du rôle du dérèglement climatique dans les monstrueux et interminables incendies canadiens, la démagogie électoraliste relance le déni de réalité :
Du jamais vu : 15 millions d’hectares carbonisés au Canada depuis le mois de mai et plus d'un millier d’incendies persistants, du nord au sud et d'ouest en est. Selon une étude de ces incendies publiée le 22 août par les scientifiques du World Weather Attribution (WWA), c’est le dérèglement climatique, augmentant les fortes températures et asséchant les taux d’humidité, qui a multiplié par 7 les conditions favorables aux incendies – dont il a augmenté de 50 % l’intensité. D’où leur propagation sans précédent, qualifiée d’“inouïe” par les chercheurs canadiens… Le printemps 2023 fut en effet le plus chaud enregistré au Canada depuis le début des relevés. Par ailleurs, les climatologues (scientifiques seuls compétents) ont établi que le facteur-clé du changement climatique est le modèle industriel productiviste, reposant sur la combustion massive et mondiale des énergies fossiles... Membre du WWA, la climatologue Friederike Otto résume ainsi la situation : “Tant que nous ne cesserons pas de brûler des combustibles fossiles, le nombre d’incendies de forêt continuera d’augmenter ; l’augmentation des températures crée des conditions semblables à celles d’une poudrière dans les forêts du Canada et du monde entier.”
Pendant ce temps, “cuisant leur petite soupe dans leur petit coin sur leur petit feu”, comme disait de Gaulle, des partis politiques à travers le monde font leur cuisine électorale en l'épiçant de climato-négationnisme. C’est flagrant aux Etats-Unis, où les primaires républicaines nient la réalité au sujet du climat : notamment avec Vivek Ramaswamy, milliardaire du Big Pharma, essayiste à succès et fondateur d’une société d’investissement opposée à tout financement de l’environnemental et du social. M. Ramaswamy prône le règne des actionnaires dans tous les domaines : démagogie très américaine dont on a vu les effets sous la présidence de M. Trump, lui-même favori dans la course républicaine pour 2024…
La posture négationniste made in America s'exporte en Europe. Croyant comprendre que si ça marche outre-Atlantique, ça marchera aussi dans l'opinion européenne, des élus commencent à exhumer des slogans de la première décennie 2000 – quand l’évidence du dérèglement climatique ne s’était pas encore manifestée. Ces politiciens se remettent ainsi à accuser les climatologues du GIEC “d’exagérer”, alors qu’en fait leurs prévisions étaient trop prudentes… Les négationnistes vont-ils nouveau accuser le GIEC de complot, de malhonnêteté, et pourquoi pas (à l’américaine) de satanisme pédophile ? Comme les démagogues antivax – ce sont d’ailleurs les mêmes –, les démagogues climatonégationnistes n’analysent pas : ils veulent juste “faire le buzz”.
Car ce qui est frappant dans cette dérive démagogique, c’est son cynisme. Ces gens se f… de savoir si ce qu’ils racontent est vrai ou faux. Ils sont dans les faits alternatifs, comme dirait Trump. Ou le storytelling comme disent les publicitaires. Ou la post-vérité, comme disent les psychosociologues... Quand ils sont politiciens de métier, ce qu’il racontent a pour but, non de décrire le réel, mais de plaire à un segment de l’électorat. Quitte à contredire les scientifiques et oublier le bien commun.
17:45 Publié dans Ecologie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : incendies
Commentaires
UNE SOCIÉTÉ DE L;ILLUSION
> Nous ne sommes plus dans la société du spectacle, où la réalité pouvait garder une petite place, nous sommes arrivés dans la société du rêve avec un gouvernement par le mensonge et des médias producteurs d'illusions. Rappeler la réalité devient un acte courageux de résistance qui sera certainement bientôt durement réprimé. Voyez la défense militaire violente des méga-bassines, cet illusionnisme manifeste.
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Écrit par : Albert / | 26/08/2023
RUPTURE
> Il n'y a certes pas de preuve "absolue" du réchauffement anthropique, le climat ayant beaucoup varié parfois assez subitement même hors de notre influence. Il est pourtant vrai que les chaleurs de la période actuelle sont exceptionnelles et que les causes humaines s'ajoutent très probablement aux causes naturelles. Rappelons qu'en disait l'historien Emmanuel Leroy Ladurie qui dès l'été 2003 parlait déjà de rupture et encore plus lors d'un interview en 2019 : https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/277001-le-climat-une-profonde-rupture-par-emmanuel-le-roy-ladurie
Difficile de faire la part des causes naturelles et des causes humaines (même si le GIEC s'y essaie) mais le réchauffement que nous connaissons est fort et la coïncidence avec l'explosion du taux de CO2 est troublante. N'attendons pas cependant d'en avoir la preuve absolue et agissons dès maintenant, même s'il s'avérait que les gaz à effet de serre avaient moins d'effet que ce qui est craint. Ce que j'ai plusieurs fois exprimé sur le site infoclimat à titre perso :
https://www.infoclimat.fr/photolive-photos-meteo-294165-retour-au-calme-apres-les-orages-une-journee-classique-pour-fin-ao-ucirct-2022-au-pantheon-des-grands-etes.html et
https://www.infoclimat.fr/photolive-photos-meteo-291877-soleil-et-chaleur-strasbourg-fief-de-resistance.html
Il reste aussi le risque avec l'augmentation du taux de gaz carbonique de voir les océans s'acidifier, ce dont les média parlent peu. Quoi qu'il en soit libérer en quelques siècles les stocks d'énergie fossile enfouis dans le sous-sol pendant des millions d'années ne peut être anodin. Le problème des ressources implique aussi d'optimiser et de limiter nos consommations.
Pour les feux de forêt, outre le réchauffement, on peut aussi noter les problèmes d'entretien, de simplification des écosystèmes forestiers (les forêts "artificielles" et peu diversifiées semblent être plus vulnérables au feu) et pour des raisons de rigueur budgétaire la baisse des crédits affectés à leur entretien et préservation.
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Écrit par : Alain Airault/ | 07/09/2023
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