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31/07/2023

Comment on installe l'idée que le catholicisme français se résume à une jeune bourgeoisie défendant ses "valeurs" et ses "intérêts", la religiosité lui servant de garant

catholiques,pape françois

Un catholicisme hexagonal à la remorque du 'conservatism' US ?

Dans une enquête unilatérale, après de nombreux autres articles, Le Monde poursuit son étrange entreprise de soutien à la gentrification-américanisation du catholicisme dans l'Hexagone :


Dogme de nos médias : "En France, les jeunes catholiques [sont] plus conservateurs". C'est le titre d'un grand papier du Monde (27 juillet), signé de Sarah Bellouezzane. Elle ne dit pas : "DES" jeunes catholiques, mais "LES" jeunes catholiques. Où a-t-elle enquêté ? Pas chez les jeunes Parisiens du café associatif Le Dorothy, boulevard de Ménilmontant, pôle d'un nouveau catholicisme social qui ne doit rien au libéral-conservatisme... Ni chez les jeunes Lyonnais du café coworking culturel Le Simone, rue Vaubécour, animé par le groupe des Alternatives catholiques... Ces nouvelles réalités n'intéressent pas nos journaux. Ils n'ont d'yeux que pour la droite de la droite : parce qu'elle prête au catholicisme le visage  américanisé – très peu évangélique – qu'ils souhaitent visiblement lui voir.

La journaliste du Monde a donc préféré tendre le micro à une certaine fraction de la jeunesse : celle qui annexe la religion aux valeurs sociales (et non spirituelles) d'une certaine nostalgie bourgeoise. On ne s'étonne pas de ne trouver, dans la bouche des jeunes supercathos interviewés par Mme Bellouezzane, aucune allusion au Christ ni à l'Evangile (1). Apparemment leurs motivations sont ailleurs :

– Marie, lycéenne, 18 ans, interviewée à la Pentecôte au pèlerinage rituel des ultras de Paris à Chartres : "J'ai des difficultés avec la messe normale. La messe traditionnelle (sic) est belle, elle est plus verticale, le prêtre est tourné vers Dieu plutôt que vers nous et le latin assure une solennité et une gravité que le français ne permet pas." Éléments de langage sans doute appris d'un trop jeune abbé, produit d'instituts cléricaux où l'on hait "Bergoglio"... Mais autant qu'à la messe-en-latin, ce que dit Marie s'appliquerait –  quasi mot pour mot – aux rites du temple de Jupiter Capitolin, trois siècles avant l'ère chrétienne ! Pénombre, encens et dorures, ce catholicisme-là n'est pas la foi au Christ. Maurras serait ravi.

– Théophile, 19 ans, lui aussi interviewé au Paris-Chartres : "Aujourd'hui le monde va à toute allure et ne cesse d'évoluer avec une hypersexualisation des rapports et une société obsédée par la consommation. Ça donne envie de se poser et de réfléchir aux valeurs qui sont les nôtres et qui ne sont pas forcément celles que tout le monde partage..." Théophile n'a pas tort de critiquer l'époque. Mais : a) la foi au Christ, ce ne sont pas des "valeurs" ; b) l'analyse de Théophile étant professée aussi par des gens hostiles ou indifférents à la foi chrétienne, donner cela comme base à un engagement religieux c'est réduire la religion à rien ; c) du reste, le raisonnement de Théophile ne conduit pas plus à la messe-en-latin qu'à n'importe quoi d'autre – sinon à une forme de communautarisme à l'américaine (version vacances bourgeoises à Carnac).

– Alix, 31 ans, également interviewée au Paris-Chartres : "J'ai parfois l'impression que le pape François ne s'intéresse pas à nous, jeunesse française, ou qu'il nous délaisse". Alix ne veut pas admettre que ce pontificat a peu de temps et beaucoup de priorités, au nombre desquelles ne figurent pas les nostalgies des bonnes familles bourgeoises. Éclatants de santé joviale et drapés de tricolore comme à la manif, ces jeunes gens photographiés par Le Monde auraient d'ailleurs du mal à se poser en victimes. La clé est donnée (on pouvait s'y attendre) par le sociologue qui est à l'origine du mythe de la conquête du catholicisme par la droite catho : les jeunes de ce milieu, dit-il, veulent "peser" pour défendre leurs "intérêts".

Qu'on ne dise pas que Mme Bellouezzane a tronqué les propos de ses interviewés : son article ne fait que confirmer ce que je constate depuis dix ans dans mes conversations avec cette fameuse "droite catho". J'entends encore un de ces jeunes gens me parler du pape avec animosité et conclure : "Il est toujours à parler des autres, mais qu'est-ce qu'il fait pour moi ?"  Nombrilisme...

Qu'il y ait en France d'autres jeunes catholiques qui, eux, marchent avec le pape, cette possibilité est évoquée par le sociologue (et quasiment écartée) en quelques lignes à la fin de l'article : pour affirmer qu'ils sont "les plus minoritaires" et ne s'intéressent qu'à "l'écologie"...  Jugement inqualifiable à force d'inexactitude.

Répétons-le : le "catholicisme" de la jeune droite n'est que l'annexe d'une posture politico-sociétale qui ne vient pas de l'Evangile, et qui donne lieu à une forme du communautarisme contemporain – voire à une forme paradoxale de wokisme réac chez les plus énervés. Est-ce à dire que le christianisme en France est "victime d'une maladie du siècle, envahi par des germes de mort qui réussissent à greffer sur lui des apparences semblables aux siennes mais de tissu parasite", comme le pressentait Emmanuel Mounier dès 1944 dans L'affrontement chrétien (2) ? Sur les bourgeois catholiques français, le philosophe écrivait aussi (et c'était terriblement bien vu) : "La vérité pour eux est une chose apprise, dans les strictes mesures de la tranquillité et de l'utilité. Qu'elle puisse être envisagée comme une aventure, les irrite. Le mystère chrétien est trop vaste pour eux, l'angoisse chrétienne trop lourde. Ils veulent cependant la certitude, qui leur fait du bien, et le triomphe public de la foi, qui les rassure. Ils aiment aussi ce peu de foi endormie qui leur reste, car la foi est toujours aimable, et ils ne sont pas des monstres, rien moins que des monstres. Mais la certitude sans la recherche ne peut être que jouée. Le triomphe sans le témoignage ne peut être que forcé. Et voilà  comment naît ce raccourci paresseux, cet état de mensonge vague et chronique qui fera dire en milieu non chrétien que le microbe chrétien ne sait vivre que dans l'air confiné."

 

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(1) Dont, à leur place, de jeunes protestants évangéliques auraient parlé en premier lieu.

(2) Réédité chez Salvator, avril 2023.

 

 

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Commentaires

"ÉTRANGE, OUI"

> Étrange, oui, l'entreprise du 'Monde', si on songe au rôle inverse que ce journal avait joué dans les années 1960 pour promouvoir et imposer dans l'Eglise de France une conception progressiste et sécularisante. Époque des déjeuners-complot du 'Petit Riche', de Mme Sauvageot, de M. Fesquet etc... Mais là je "parle de longtemps" comme disait ma grand-mère.
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Écrit par : Michel Moutet / | 31/07/2023

AUX J.M.J.

> Je me souviens, aux JMJ de Madrid en 2011, trois mois avant même la première Manif pour tous, de l'arrogance invraisemblable de groupes de jeunes cathos français dans les rues de Madrid. "Drapés dans du tricolore" (déjà) et arpentant la capitale espagnole comme une force d'occupation, en chantant des trucs plus politiques que religieux. Au point que j'ai vu un prêtre français en soutane choqué par l'attitude d'un de ces groupes traverser une rue pour aller les engueuler : "Vous vous croyez à un meeting en France ?". J'ai parlé avec lui après : il n'était vraiment pas progressiste du tout, plutôt ratzingérien strict ! Mais vraiment choqué.
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Écrit par : Jean-Marie Lissac / | 31/07/2023

STRANGE

> Coïncidence ? L’allocution d’accueil des jeunes Français prononcée par un cardinal… américain.
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Écrit par : Feld / | 31/07/2023

JAMAIS SERVI

> Ils me font penser à ce jeune bourgeois d'un roman d'Anatole France (je cite de mémoire) : "Sa foi était restée intacte, car il ne s'en était jamais servi."
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Écrit par : Lucas Pommat / | 31/07/2023

@JM Lissac

> "plutôt ratzingérien strict ! Mais vraiment choqué."
Pourquoi "mais" ? On pourrait croire qu'il y a une incompatibilité de principe entre sa légitime indignation et son attachement à un pape : ratzingerien ET choqué.
N'entretenons pas nous-mêmes les raccourcis. D'autant plus que Ratzinger avait horreur des manifestations bruyantes qui traduisent un manque d'intériorité.
Amitiés

@ux internautes de passage
"Pénombre, encens et dorures, ce catholicisme-là n'est pas la foi au Christ."
Attention PP ne prétend pas que encens et dorure/le rite tridentin où l'on voit bcp ces choses, sont incompatibles avec la foi au Christ mais justement s'insurge qu'on réduise la foi au decorum d'un rite (louable pour ce qu'il révèle (Dieu !) et c'est son seul intérêt).
Mais avoir l'avoir pris comme cela est révélateur de la vision qu'on a de la messe...

@PP
"Maurras serait ravi."
Maurras dans son seul attachement aux apparences pompeuses annonce paradoxalement la pauvreté pitoyable de Sartre qui réduisait la messe à ceci : "à la clarté des cierges, un homme boit du vin devant des femmes à genoux".
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Écrit par : E Levavasseur / | 31/07/2023

NÉOLIBÉRALISME

> Comme beaucoup d'autres médias, Le Monde s'est rangé dans les thuriféraires du néolibéralisme. Celui-ci ne peut paraître un progrès que par rapport à la bourgeoisie catho traditionaliste : il faut donc faire croire que cela seul existe vraiment, de peur de révéler en quoi le néolibéralisme est anti-chrétien.
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Écrit par : Albert / | 05/08/2023

DIVINE SURPRISE

> Les JMJ de Lisbonne sont une divine surprise pour l'Eglise, à la fois au niveau mondial mais aussi au niveau des paroisses et des diocèses en France et en Europe notamment. Ne boudons notre plaisir et notre soulagement devant l'événement même si il ne coche pas toutes les cases!
Les médias les plus malveillants sont obligés de rendre compte à peu près correctement de l'événement.
La visite à Marseille du pape François, dans le contexte français et européen, sera sûrement elle aussi une belle surprise. Si le président Macron a insisté pour que soit organisée une réception d'Etat à l'aéroport et un ou deux autres événements c'est qu'il a les bonnes informations.
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Écrit par : B.H. / | 06/08/2023

CE QUI DÉRANGE 'LE MONDE'

> Je ne pense pas que le Monde manœuvre dans ce cas présent mais simplement que les contours et le contenu de la Foi chrétienne échappent complètement à nombre de journalistes, les rédacteurs de l'article ne pouvant apparemment le comprendre qu'en termes politiques ou sociétaux. La Foi chrétienne a l'air d'être parfois dérangeante jusque dans sa simple évocation, j'en veux pour preuve une émission de France 2 (les 100 lieux qu'il faut voir) sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle : placées devant le magnifique tympan de Vézelay les deux intervenantes se sont attardées sur les voussures du portail (les travaux des saisons et les signes du zodiaque) et à aucun moment n'a été évoqué la figure pourtant centrale du Christ mais il a été question de vibrations en revanche. Je ne sais pas si c'est du politiquement correct (neutralité à l'extrême) ou de la méconnaissance gênée.
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Écrit par : Damien V / | 08/08/2023

LES DISPARUS

> Je me rappelle, il y a une trentaine d'années, un journaliste de la Croix racontait sa visite de l'abbaye du Thoronet en Provence où le conférencier n'avait parlé ni du Christ, ni des moines. Le titre de l'article était: "les disparus du Thoronet" !
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Écrit par : B.H. / | 13/08/2023

FONCTIONNAIRES ANTICATHOLIQUES

> Avec un groupe de jeunes lycéens j'avais visité il y a quelques années le palais des papes à Avignon en prenant appui sur les commentaires écrits ou oraux des intervenants des monuments historiques.
A la sortie de la visite, les jeunes avaient retenu deux choses:
- les papes étaient préoccupés presque exclusivement de rassembler de l'argent pour se faire construire un grand palais où ils menaient grand train,
- les papes faisaient de grands banquets mais en ayant tout le temps peur d'être empoisonnés (sous-entendu voyez l'ambiance!).
Il ne faut pas sous-estimer le combat "culturel" mené contre la foi chrétienne et l'Eglise par certains fonctionnaires du ministère des affaires culturelles.
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Écrit par : B.H. / | 13/08/2023

PRÉCÉDENTE DÉSINFORMATION DU 'FIGARO'

> https://www.lefigaro.fr/actualite-france/ces-deux-cardinaux-choisis-par-le-pape-pour-piloter-un-synode-decisif-20230813

Dans cet autre article, publié hier, Guénois tente (très lourdement) de décrédibiliser le synode. Le pape n’a jamais donné pour feuille de route à l’Église de «s’adapter à tout prix» au monde moderne. Il faut vraiment ne rien lire, ne rien écouter de ce que dit ou écrit le pape pour arriver à de telles conclusions. Si c’était le cas, François aurait accordé son blanc-seing au chemin synodal allemand ; il fit exactement le contraire en rappelant à l’ordre les évêques d’outre-Rhin. La seule requête qu’a émise le pape fut de se mettre à l’écoute de l’Esprit saint, car c’est l’Esprit, donc Dieu, qui conduit le synode et l’Église. Aucune exigence n’a jamais été proférée en faveur d’une «adaptation à tout prix» au monde actuel. Dans cet article, le cardinal Grech est par ailleurs qualifié d’«intrigant ambitieux», attiré par les «biens matériels» et qui aurait mal géré des «cas de prêtres pédophiles». L’homme répéterait «des slogans aussi ronflants que vides», etc. Comment un journaliste qui ose répandre autant de fiel sans apporter aucune preuve tangible à de tels propos, manifestement diffamatoires, peut-il conserver son accréditation romaine ?
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 14/08/2023

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