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19/07/2023

"Cheval de Troie US" ? Le scandale Vestager a déclenché une crise rampante à Bruxelles

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Ce qui vient de se passer à Bruxelles est révélateur. Pour la première fois, la caste des eurocrates a affiché jusqu'à la provocation sa véritable nature, qui est transatlantique :


Star bruxelloise, vice-présidente de la Commission (ayant manqué de peu la présidence en 2019), commissaire à la Concurrence depuis plus de huit ans, la politicienne danoise Margrethe Vestager est politiquement une atlantiste inflexible. Elle a jugé qu’en 2023 l’heure était venue de nommer directement une Américaine à ce poste-clé de l’exécutif européen : économiste en chef de la direction générale de la Concurrence. Autrement dit, juge et pilote (surpuissant et non élu) de la vie des grandes entreprises des Vingt-Sept…

Prendre une étrangère était déjà violer cette norme évidente : on ne peut nommer aux institutions européennes que des Européens. Sinon le peu d’enracinement de Bruxelles disparaîtrait tout à fait.

Qui plus est : cette économiste étrangère était une citoyenne des Etats-Unis, puissance économique dont on connaît l’animosité envers la concurrence européenne.

Et voici le pire : alors que l’une des missions de la direction bruxelloise de la Concurrence est de soutenir la politique numérique de l’UE face aux géants américains du secteur, l’Américaine choisie par Mme Vestager était Fiona Scott-Morton : une “ex-lobbbyiste” de Google, Apple, Amazon etc !

On pourrait ironiser ainsi sur la décision de Mme Vestager, rendue publique le 11 juillet : “Article 1, la direction générale de la Concurrence doit résister aux Gafam ; article 2, les Gafam sont chargés de l’application de l’article 1”.  En effet on ne peut plus se cacher la réalité : un cheval de Troie US se cachait derrière les récentes poses anti-Gafam de la commissaire danoise.

Or le processus vient de coincer. Aussi atlantiste que soit la classe politique des Vingt-Sept (à peu d’exceptions près), le coup Vestager était trop flagrant. Certains commissaires européens, dont Thierry Breton, ont protesté en coulisses. Paris aussi, plus officiellement. Le ministre français chargé de la Transition numérique : "A l'heure où l'Europe s'engage dans la régulation numérique la plus ambitieuse du monde, cette nomination n'est pas sans soulever des interrogations légitimes…" La ministre des Affaires étrangères : “Cette nomination doit être reconsidérée par la Commission…" Moins net mais critique tout de même, Emmanuel Macron s’est dit "dubitatif" sur le bien-fondé de la nomination.

Le 17 juillet, Mme Vestager a sèchement rembarré M. Macron et confirmé sa décision, allant jusqu’à faire dire par sa porte-parole qu’elle ne voyait “aucune raison” d’y renoncer.

Mais au Parlement européen, les principaux groupes politiques, eux aussi, ont demandé l’annulation de la nomination. Mme Vestager a alors voulu tenir tête aux eurodéputés le 18 juillet. Criant d’abord au complot “anti-américain” (vocabulaire étrange pour une commissaire européenne), elle a ensuite aligné des arguments improvisés. Un mensonge : “Il n’y a pas besoin d’une habilitation de sécurité pour le poste d’économiste en chef”. Alors que la fiche de poste officielle dit explicitement le contraire ! Ensuite une bourde : “Mme Scott-Morton ne pourra pas travailler pendant trois ans sur des cas auxquels elle a été associée dans son travail de consultante”. Réplique d’une députée française : “Quelle serait la plus-value d’engager une experte qui ne pourra pas travailler sur 25 % des dossiers sur lesquels elle est pourtant recrutée ? Et après ces trois ans, Mme Scott-Morton retournera-t-elle chez Amazon avec toutes ses informations confidentielles ? Rien de tout cela ne fait sens !” Mme Vestager a quitté l’enceinte du Parlement européen sans avoir convaincu des députés hostiles. Mais sans avoir cédé non plus !

Son inadmissible entreprise – mettre au sommet de l’UE une représentante de la technofinance US – semblait un enjeu fondamental pour la Danoise. C’était peut-être la clé de bien des choses…

Coup de théâtre le 18 juillet ! c’est de Mme Scott-Morton en personne qu’est venu le dénouement : elle a fait savoir qu’elle renonçait au poste. Ses raisons – si ce sont bien les siennes – seront connues plus tard. On devine des puissances à l’œuvre derrière le rideau.

De cette embrouille quatre questions se dégagent :

Margrethe Vestager n’éprouve plus le besoin de cacher sa connexion avec les Etats-Unis, au point de brûler ses vaisseaux tout d’un coup.  Pourquoi le fait-elle en juillet 2023, après avoir joué les Mme Europe pendant huit ans ? Quels sont exactement ses contacts à New York et Washington ? Dans quelle multinationale US ira-t-elle porter son carnet d’adresses (comme d’autres eurocrates l’ont fait) quand elle aura – enfin – quitté la commission européenne de la Concurrence ?

Face au cheval de Troie américain, les gouvernements des Vingt-Sept (sauf Paris – et Rome mais en sourdine) n’ont pas osé parler.  Leurs “dirigeants” étaient-ils tous résignés à cette nomination scandaleuse ? Voire enchantés par elle, comme Varsovie, Vilnius, Tallin et Riga ? Jugent-ils que le destin de l’UE est d’être l’annexe des USA ? Auquel cas les peuples seraient fondés à juger illégitime toute la construction européenne.

Sur cette affaire la réaction de la Macronie a été saine, quoique manquant d’idées claires et de lucidité culturelle. Mais on constate une fois de plus le peu d’influence de la France dans une UE habituée de longue date à suivre Berlin. Et ceci ne montre-t-il pas l’irréalisme de la posture macronienne consistant à faire confiance à “l’Europe” pour assurer une “souveraineté” que trop de dirigeants de l’UE refusent ?

Le coup de poing sur la table des eurodéputés montre une prise de conscience ?  Sans doute… Mais si Mme Scott-Morton et l’appareil qui l’entoure n’avaient pas démonté en catastrophe leur opération, la décision Vestager – soutenue par l’Allemande von der Leyen – serait effective. Même contre l’avis du Parlement européen ! Ce qui montre combien l’exécutif européen est étranger à ce que le chœur des médias nomme “l’Etat-de-droit”. Ou combien le concept d' “l’Etat-de-droit”, s'il s’identifie en fait aux directives de la Commission, est étranger à la démocratie ?

 

 

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18:30 Publié dans Europe, USA | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ue-usa

Commentaires

AVANT LE BREXIT

> Très intéressant
Merci beaucoup
Un complément personnel : avant le Brexit les Anglais défendaient les intérêts US avec la même fermeté...mais avec un peu plus de discrétion !
______

Écrit par : Roger / | 19/07/2023

L'AUTRE

> Et cette histoire succède à la révélation de l'autre cheval de Troie qatari cf Eva Kaili
______

Écrit par : E Levavasseur / | 22/07/2023

Les commentaires sont fermés.