12/04/2023
Macron : de Pékin à La Haye sous l'oeil de Washington
Les paroles "eurosouverainistes" de M. Macron se traduiront-elles en actes, dans une Europe qui ne veut pas vraiment tirer les conséquences de la guerre économique que lui fait Washington ? Ma chronique de cette semaine à Radio Présence (Toulouse Midi-Pyrénées) et Radio Fidélité Mayenne :
De Paris à La Haye, Emmanuel Macron ré-embouche la trompette de la souveraineté économique et politique en Europe : "Le sujet sur lequel nous devons être particulièrement vigilants est que l'industrie de défense européenne ne répond pas à tous les besoins, ce qui conduit certains pays à se tourner vers des fournisseurs américains... Face à cette réalité nous devons monter en puissance… Nous ne voulons pas dépendre des autres sur les sujets critiques. Le jour où vous n'avez plus le choix sur l'énergie, sur la manière de se défendre, sur les réseaux sociaux, sur l'intelligence artificielle parce qu'on n'a plus l'infrastructure, vous sortez de l'histoire pour un moment !”
Et justement : dans ce domaine de l’autonomie stratégique, voici une urgence qui devrait permettre à l’Elysée de passer des paroles aux actes… Une multinationale américaine, Flowserve Corporation, lance une OPA sur la maison-mère de la société française de fournitures nucléaires Segault. Fournisseuse de l’industriel de défense français Naval Group*, la société Segault équipe les bâtiments à propulsion nucléaire français ainsi que toutes nos centrales électriques nucléaires ! L’ancien ministre Arnaud Montebourg proteste : “Il paraît lourdement préjudiciable aux intérêts de notre nation que la société Segault passe sous le contrôle de Flowserve Corporation… Nous ne pouvons accepter que des informations concernant les technologies utilisées par nos sous-marins nucléaires soient potentiellement transmissibles à un gouvernement étranger !” Depuis vingt ans, en effet, la loi américaine Patriot Act permet aux services de renseignement de Washington de demander à toute entreprise américaine n’importe quelle information...
Arnaud Montebourg demande donc à l’Elysée d’appliquer le décret réglementant les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques, pour interdire à la multinationale américaine de racheter la société Segault. Et il propose un montage financier qui permettrait le rachat de Segault par des intérêts français.
Que va répondre l’Elysée ? On va voir... Et c’est un cas intéressant : les dirigeants politiques ayant tendance à croire qu’il n’est pas nécessaire d’entreprendre pour espérer ni de persévérer pour réussir, il est toujours bon de les mettre en face de leurs responsabilités concrètes, qui sont le service du bien commun. Dont l’autonomie stratégique fait partie, qu’on le veuille ou non – et que cela plaise ou non aux meneurs et meneuses des débats audiovisuels parisiens**.
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* "Naval Group" : l'intituler "Groupe Naval" aurait paru mesquin ?
** Déchaîné.e.s cette semaine contre la posture néo-gaullienne de Macron.
10:58 Publié dans Europe, USA | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
"DÉCHAÎNÉ.E.S"
► Oui, dans la note 2 j'ai écrit ce mot en "graphie inclusive". Visant les bobos de médias, l'intention sarcastique ne devrait échapper à personne...
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Écrit par : PP / | 12/04/2023
POINT MEDIAN
> Ah oui mais pas du tout ! Vous allez devoir réviser votre écriture inclusive ! Vous devez utiliser le point median :-D
Ce qui donne Déchaîné·e·s !
Pour mon clavier c'est AltGR / Mais mon PC est sous Linux (ce qui me permet de faire tourner encore un laptop core i3 de 2008 sans problème). Sous Windows l'enchainement est peut-être différent.
Sinon 100% d'accord avec votre note. Mais vous allez voir, l'engagement de l'acheteur va être de conserver l'entreprise et les salariés en France pendant 5 ans. Et cet engagement sera suffisant pour le gouvernement. On prend les paris ;-)
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Écrit par : Pierre O. / | 12/04/2023
L;EUROPE N'A PAS À SE MÊLER DE TAIWAN
> Les propos d'E. Macron dans le vol de retour de Chine étaient le bon sens même : l'Europe n'a absolument pas à se mêler d'un éventuel conflit dans le détroit de Taïwan - et je l'affirme avec d'autant plus de fébrilité que je me trouve de l'autre côté. Washington fait tout depuis cinq ans pour remettre en cause le statu quo : le représentant taïwanais invité à l'investiture de Biden comme s'il était ambassadeur, la présidente de la Chambre reçue en grande pompe à Taïpei, son successeur recevant la présidente Tsai en Californie avec drapeaux et banquet d'État, etc. Les Européens ne doivent pas cautionner ces provocations américaines. Oui, Macron a raison de rappeler qu'un allié n'est pas un vassal : ce qui est incompréhensible, ce sont les réactions outrées, en France, à Berlin, à Varsovie que ces propos ont suscitées : l'atlantisme a quelque chose d'irrationnel chez certains.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 13/04/2023
LEUR DISCOURS CONVENU
>Je suis tombé sur ce fil Twitter qui me paraît assez pertinent pour démontrer l'échec du voyage de Macron en Chine.
https://twitter.com/Pr_Logos/status/1645680604191633409
Ça fait peut-être 30 ans que la Chine se MARRE de voir des dirigeants européens se revendiquer des libertés et du respect des traités internationaux sans jamais joindre le geste à la parole. Ils savent que derrière le discours convenu, il y a surtout une politique d'image et une recherche d'intérêt financier. Comme si la démocratie était aux Etats ce que la RSE est aux entreprises: un vernis.
Le pape François disait que l'Europe devrait être une mère, elle est une grand-mère. Au lieu de proclamer les droits de l'homme et la démocratie, ses chefs proclament en creux la caducité de ces valeurs. Qui à leur place dira que ces choses sont centrales et universelles ?
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Écrit par : Cyril B / | 13/04/2023
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