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02/03/2023

Quasi-schisme US “de droite”, quasi-schisme allemand “de gauche”… Le pape tient la ligne de crête

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Le pape vient de rappeler que la Congrégation du Culte divin a les pleins pouvoirs sur la “discipline des sacrements” : notamment sur les permis de célébrer selon le missel de 1962, dernière version de la “messe de saint Pie V”...  Occasion pour les laïcs de constater la duplicité des influenceurs anti-François, qui prétendent défendre contre lui une liberté mais sont essentiellement des agitateurs ignorant la théologie de l’Eglise et des sacrements :


► Par le rescrit du 21 février, François confirme que les évêques ont besoin de l’accord du Saint-Siège avant d’autoriser : a) l’usage d’églises paroissiales par des groupes célébrant selon les formes d’avant 1962, b) la célébration selon le missel de 1962 par des prêtres ordonnés après 2021. Cette règle était déjà fixée par le Motu Proprio Traditionis Custodes de 2021 : mais un “front du refus” s’est cristallisé aux Etats-Unis autour de plusieurs évêques, avec échos proliférants dans les réseaux sociaux transatlantiques. Le refus de ce milieu ne s’adresse pas seulement au Motu Proprio mais à tout le contenu du pontificat ; et le vieux désir de brûler Vatican II, remâché depuis cinquante ans par le petit cercle FSSPX, commence à contaminer les plus larges milieux “cathos conservateurs”. Personne n’a lu les grands documents dogmatiques de ce concile, mais il est si facile de condamner ce qu’on ignore et d'en faire un bouc émissaire... Il y a donc contagion. Le pape doit faire une piqûre de rappel.

Le sujet a en effet une certaine importance. La fronde menée au nom de la messe prétendument “de toujours” est l’arme d’un mouvement plus large qui prétend ramener l’Eglise catholique à son état d’avant Vatican II ; faute de pouvoir réaliser cette utopie en s’emparant du prochain conclave, ce mouvement est prêt à s’organiser en marge de l’Eglise “officielle”. Plusieurs évêques US y oeuvrent déjà : tels NNSS Samuel Aquila de Denver (Colorado), Alexander Sample de Portland (Oregon), Thomas Olsted de Phoenix (Arizona) ou Thomas Paprocki de Springfield (Illinois) – ce dernier étant par ailleurs, ironie du sort, le prochain président de la commission des Affaires canoniques à la Conférence épiscopale US ! Ces quatre-là ont tourné le dos au droit canonique pour mettre au panier Traditionis Custodes et donner aux anti-Vatican II les paroisses qu’ils revendiquaient. Puis le site ultra The Pillar (un des canaux du courant anti-François) a lancé l’idée selon laquelle le cardinal britannique Arthur Roche, préfet de la congrégation du Culte divin, outrepasserait ses pouvoirs en contrôlant les permis de célébrer selon l’ancienne forme… Ce à quoi le cardinal a répliqué que le Pillar attaquait l’autorité pontificale : “étonnant acte d’hubris”, a-t-il indiqué non sans humour (de la part d’un Britannique parlant d’Américains). Enfin est venu le rescrit du pape rappelant que ces questions sont réglées depuis le Motu Proprio et les réponses du Saint-Siège aux Dubia des dissidents (4 décembre 2021)... et rappelant par la même occasion aux quatre évêques comment fonctionne l’Eglise catholique.

Les anti-François se calmeront-ils pour autant ? Peu probable. Car cette agitation autour d’une forme du rite n’est que la pointe apparente d’un ensemble idéologique très politisé : quoi qu’en disent leurs communicants, en réalité les fans du “St-Pie-V” se confondent aux Etats-Unis avec l’aile extrême du parti républicain, et en France avec une partie de ce qui vibrionne plus à droite que le RN. Ce ne sont pas des gens que l’on puisse ébranler en leur citant saint Paul, saint Jean et la lettre aux Hébreux ; leurs mobiles sont ailleurs. Leurs réactions sur la liturgie ne sont qu’une variante de leurs réactions dans tous les domaines. Comme le clamait en meeting un notable zemmourien : “Je suis blanc, je suis catholique, je mange de la viande, je me chauffe au fuel ! C’est mon identité et je n’en ai pas honte !”  On est loin de saint Thomas d’Aquin.

Par ailleurs, comme l’écrit Michael Sean Winters dans le National Catholic Reporter (27/2), “la libéralisation de l’accès à l’ancienne forme du rite que le pape Benoît XVI avait accordée en 2007 était devenue un mouvement, voire une idéologie, qui remettait de plus en plus en cause la légitimité du IIe concile du Vatican… Bien que seule une frange du public catholique suive l’ancienne forme du rite (en dépit de toute l’encre dépensée sur ce sujet), ceux qui la suivent s’efforcent d’en recruter d’autres sur la base de modes de pensée quasi-schismatiques. C’est ce courant que le pape veut limiter.”

En d’autres termes, le pape veut que la “forme extraordinaire du rite” redevienne extraordinaire, c’est-à-dire exceptionnelle : c’est l’inverse de la lecture que les ultras faisaient du Motu Proprio de Benoît XVI, dans lequel ils voulaient voir une porte ouverte à la reconquête de l’Eglise d’abord par la forme ancienne du rite, et, ensuite, par tout ce qui – étant trop lié au XIXe siècle – fut décanté par l’Eglise à Vatican II.

Le Saint-Siège face aux déviances de tout bord

Ceux qui fantasment une reconquête "traditionaliste” sont donc, en fait, au bord du schisme pratique. Une partie de l’Eglise allemande, “progressiste”, n’est-elle pas elle aussi au bord d’un schisme ? C’est bien le cas : mais cet autre schisme encense l’idéologie sociétale d’aujourd’hui – alors que le schisme “traditionaliste”, à l’opposé, exhume des idéologies d’avant-hier. Ce sont deux déviances symétriques inverses. En se situant au-dessus de ces déviances, et en affirmant la liberté fondamentale de l’Eglise par rapport aux idéologies, le pape “et les évêques unis au pape” (comme disaient les vieux catéchismes) se trouvent ainsi sur une ligne de crête. C’est un signe de justesse et de vérité : l’objectivité des principes catholiques, non les critères affectifs et subjectifs…

 D’autres signes de vérité existent. Celui dont il faut parler ici a été exposé par le théologien dominicain Henry Donneaud, de l’Institut catholique de Toulouse, dans un numéro de la Nouvelle Revue Théologique (janvier-mars 2022). Il explique : en publiant son Motu Proprio sur la célébration selon l’ancien missel, le pape François agit en garant et continuateur de la doctrine liturgique de saint Pie V ! Ce n’est un paradoxe qu’apparemment. En effet, le pape du XVIe siècle, metteur en œuvre des réformes du concile de Trente, avait imposé le nouveau missel de façon très autoritaire au détriment de formes rituelles pourtant anciennes et respectables – par exemple le missel curial de Nicolas III (1277) etc. Pie V déclare ceci dans sa bulle Quo primum (1570) :

“Afin que tous et partout  adoptent et observent ce qui est transmis par la sainte Eglise romaine (…), et que (…) dans toutes les églises et chapelles de tout l’univers chrétien où (…) l’on célèbre selon le rite de l’Eglise romaine, on ne chante ou récite selon aucun autre formulaire que celui du missel publié par nous, (…) nous ordonnons à tous (…) que, abandonnant totalement (…) tous les autres règlements et rites connus dans les autres missels, quelque ancienne que soit la coutume de les utiliser, ils chantent et lisent la messe selon le rite, la manière et le mode transmis maintenant par nous dans ce missel, et que dans la célébration de la messe ils n’aient pas la présomption d’ajouter d’autres cérémonies et réciter d’autres prières que celles contenues dans ce missel…”

Ce n’est pas simplement une question de discipline collective.  Il s’agit de l’unité liturgique, dont une réforme du rite est l’instrument ; ça engage la nature sacramentelle de l’Eglise ; et ça ne peut absolument pas être laissé en libre-service (le fidèle n’étant pas un consommateur). Le décret de saint Pie V tirait son autorité du fait que le missel de 1570 était pour la première fois édité et promulgué par un pape : ce qui en faisait la seule expression officielle du rite,  un seul missel “unique expression normale et ordinaire du seul rite romain, garantissant l’unité de la communion ecclésiale dans l’unité de la foi” (H. Donneaud o.p.). La même chose ou presque s’est produite avec le missel de saint Paul VI : il a très légitimement pris la place du missel de saint Pie V. “Lorsque la Congrégation pour le culte divin, lors de son entrée en vigueur effective à l’automne 1969, déclara que l’on devrait obligatoirement utiliser le nouvel 'Ordo missae' au plus tard deux ans après, elle n’entendait pas abroger l’ancien Ordo, mais simplement prendre acte du fait que la plus récente version du Missel romain devenait ipso facto la forme ordinaire ou normale du rite romain, celle qui exprime l’ordre ou la norme liturgique de l’Eglise romaine” (H.D.). Il en découle que Benoît XVI, très attaché à Vatican II et à l’Ordo de Paul VI, n’a jamais eu l’intention de laisser croire que la forme extraordinaire pourrait devenir une forme ordinaire bis – voire enterrer l’Ordo de Paul VI comme en rêvent certains : ce serait bafouer le principe doctrinal, posé par Pie V, d’unicité du missel romain. “Ce qui semble impossible à concevoir dans la doctrine liturgique catholique, c’est la pluralité de missels romains différents utilisés simultanément et ordinairement pour exprimer l’unique rite romain” (H. Donneaud).

Benoît XVI l’avait clairement dit lors de sa rupture des pourparlers avec la FSSPX, rappelle le P. Donneaud : “toute remise en cause (fût-ce tacite, implicite et pratique, à plus forte raison verbale, explicite et théorisée) de la qualité du missel de Paul VI comme unique expression ordinaire du rite romain, contreviendrait gravement à l’unité dans l’Eglise”.  Il suffit de faire un tour sur Facebook pour constater que l'unité de l'Eglise est le dernier souci des ultras. Ennemis de François mais par parti-pris politique, contempteurs de Vatican II mais sans en avoir rien lu, partisans de la "messe-en-latin" mais pour des raisons non théologiques, ils sont du genre à raser la forêt pour se tailler une canne.

 

 

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Commentaires

L'HONNEUR DE L'EGLISE

> Rendons à Pelletier la gloire d’avoir trouvé les constantes de sa personnalité ce qui n’était pas aisé vu son parcours politique. Toute idéologie est un transfert des traumas de sa propre enfance. On défend la messe en latin comme d’autres défendent les animaux dans les abattoirs. Et l’autre … devient l’ennemi, le mal, le parent défectueux …
C’est l’honneur de l’Eglise que de se méfier et parfois condamner les idéologies (fascismes, communisme, et autre que je ne citerai pas par égard pour les nostalgiques du 6 février).
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Écrit par : Benoît 1664 / | 03/03/2023

Y.M. à Patrice de Plunkett :

> Grand merci , par vos billets critiques et vos analyses accessibles au commun des mortels, de nous aider à surnager dans un vrai "marigot". Votre blog nous permet ainsi, avec aisance, d'appréhender ces questions et ces débats internes à l'Eglise catholique au delà de la petite vision française peu et mal relayée par les quelques médias
qui veulent bien en parler.
Grand merci pour votre blog.
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Écrit par : marniquet yves / | 04/03/2023

AUCUN PROBLÈME AVEC LES RITES CATHOLIQUES ORIENTAUX

> " la seule expression officielle du rite " ? Sûr?
Il y a une chose que j'ai du mal à comprendre: dans le diocèse ou je vis, existent en toute légalité et acceptation de notre évêque, une paroisses catholique assyro-chaldéenne (avec deux églises!), une arménienne, et par ailleurs, une messe en rite maronite est régulièrement célébrée dans une paroisse catholique latine. Ces communautés très vivantes et aussi très typées, ne semblent pas donner d'état d'âme à nos évêques successifs.
Le cas de la paroisse de rite assyro-chaldéen est particulièrement intéressant dans ce débat: elle est rattachée directement à notre évêque, et non à une éparchie parallèle à la hierarchie ordinaire.
Il y a donc bien des rites différents dans notre diocèse pour des raisons culturelles et historiques. Alors pourquoi pas un de plus?

PFH


[ PP à PFH – La lettre du pape;précise : la seule expression du rite... POUR LE RITE ROMAIN ! Ça ne s'applique pas aux rites catholiques orientaux, qui ne posent, eux, aucun problème de loyauté. ]

réponse au commentaire

Écrit par : PF Huet / | 07/03/2023

à PF Huet :

> Vos évêques successifs n'ont pas eu d'états d'âme car ils n'étaient pas les ordinaires de ces frères et sœurs en Christ : les maronites relèvent d'un éparque qui réside à Paris (Mgr Gudziak jusqu'à il y a peu), les Orientaux moins nombreux relèvent non de l'archevêque de Paris mais de l'ordinaire des Orientaux qui n'ont pas d'ordinaire spécifique (qui est de fait le même homme mais pas dans la même fonction). Nos évêques sont ceux de l'Église latine, qui n'est qu'une composante de l'Église catholique.
Cela ne veut pas dire que les Églises orientales ne connaissent pas de difficultés : les syro-malabars sont au bord du schisme en raison de discussions théologiques concernant l'eucharistie.
https://www.la-croix.com/Religion/En-Inde-linsoluble-querelle-liturgique-dun-diocese-syro-malabare-2022-12-04-1201244969
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 12/03/2023

P.S. Il n'y a pas "d'éparchie parallèle à la hiérarchie ordinaire" : les éparques ne sont pas moins ordinaires que les évêques de l'Église latine. Les latins ne sont pas les seuls à composer l'Église catholique : au Liban, il existe un vicaire apostolique de Beyrouth pour les catholiques de rite latin, qui n'est pas moins ordinaire que les éparques maronites locaux, tout aussi ordinaires mais dans un rite et une Église différents quoique authentiquement catholiques.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 12/03/2023

CATHOLIQUES ORIENTAUX EN FRANCE

> Qelques précisions sur la situation canonique des catholiques orientaux en France.
Trois Eglises sont sous l'autorité d'un éparque(ou évêque): l'Eglise maronite, (Mgr.Gemayel ), l'Eglise greco-catholique d'Ukraine(Mgr.Gudziak jusqu'en 2021) et l'Eglise arménienne.
Ces évêques sont membres de la conférence des évêques de France.
Toutes les autres Eglises sont rattachées à un évêque désigné comme "ordinaire" de ces communautés, où qu'elles soient en France, aujourd'hui l'archevêque de Paris. Celui-ci délègue l'ordinariat au quotidien à un vicaire général, actuellement Mgr. Pascal Gollnisch, également directeur général de l'Oeuvre d'Orient. Voir le site de l'ordinariat .
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Écrit par : Michel Petit de La Perrelle / | 23/03/2023

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