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13/02/2023

L'incroyable affichette des dealers de Nanterre

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Après avoir envahi la politique, la culture, le développement personnel etc, le langage "entrepreneurial" devient l'arme psychologique des trafiquants de drogue ! C'est l'affaire de la tour de Nanterre (Hauts-de-Seine)... Mon éditorial de ce matin à RCF :


Voilà une histoire qui a l’air surréaliste, mais qui est révélatrice d’une époque. A Nanterre en banlieue parisienne, dans l’une des dix-huit tours du quartier Pablo Picasso, les dealers de drogue installés au pied de la tour ont affiché un règlement du vivre-ensemble entre eux et les habitants de l’immeuble.

L’affiche s’intitulé “Chers voisins, chères voisines”. Rédigée en langage presque officiel, elle parle du "bien-être de tous". Elle présente les vendeurs de drogue comme étant des “employés” (je cite). Elle s’engage à ce qu’il n’y ait “ni déchets ni tapage” et à ce que personne ne vienne fumer dans la tour. Et elle dit ceci – écoutez le style :

Nous ne sommes pas là pour perturber votre quotidien, uniquement pour travailler. Nous tenons absolument à ce que tout se passe bien pour vous et nous Nous vous prions donc de bien vouloir respecter les consignes et les employés… Si vous avez une requête ou autre, n’hésitez pas à communiquer avec nous… Si vous avez besoin de quoi que ce soit, nous sommes là avec grand plaisir”.

Et le plus beau, c’est que cet avis n’est pas signé “Les dealers” ou “La mafia du coin” : il est signé “La direction”. Direction de quoi, au juste ? Ce n’est pas précisé. Mais ça devait être signé “La direction”, puisque ça se présente comme une note interne d’entreprise !

C’est là le point intéressant. Amabilité de façade, appel au respect des consignes, souci ostentatoire du vivre-ensemble et de la communication, offre de services, bonne volonté apparente de “la direction” : en 2023, les délinquants s’expriment en langage entrepreneurial. Comme si ce langage était devenu le vocabulaire de toute vie en société.

Et d’ailleurs, oui, il l’est devenu : depuis plus de vingt ans le vocabulaire d’entreprise, celui du marketing, de la gestion et des DRH, tend à se substituer aux anciens vocabulaires de la politique, de la culture et du reste des relations sociales. Les dealers de Nanterre ne font que suivre le mouvement général.

N’oublions pas qu’en France, depuis deux ans, l’usage des stupéfiants a augmenté de 51 % et que le nombre d’inculpés pour trafic de drogue a augmenté de 17 %. Le secteur est en expansion. Les dealers de Nanterre qui signent “la direction” vont bientôt demander que leur activité soit comptabilisée dans le calcul du taux de croissance et les statistiques de l’emploi.

 

 

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Commentaires

CONTAGION U.S.

> Comme me le faisait observer ce matin Pierre-Hugues Dubois de RCF après mon édito, "des tours de bureaux de La Défense on voit les tours Nuages nanterroises du quartier Picasso".
"En somme", disait-il, "le langage 'entrepreneurial' est passé d'un quartier à l'autre".
Il est même passé des business-schools à la totalité de la société. Y compris hélas (par contagion US) à des activités catho se voulant évangélisatrices...
otalitarisme "soft" ?
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Écrit par : PP / | 13/02/2023

BANDITISME ET LIBÉRALISME

> Ça me rappelle plutôt, dans l'histoire de l'humanité, le processus de prise en main de territoires par des pillards puis par des mafias. Voyez les Romains en Gaule, les Normands en Neustrie ou les Arabes, par exemple, dans différents endroits. C'est comme ça que se forment des empires ou des potentats prospères. Aujourd'hui, ces méthodes de bandits s'inscrivent parfaitement dans le processus de concurrence initié par le libéralisme.
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Écrit par : Albert / | 13/02/2023

PRCHAINEMENT

> La prochaine étape : la construction par les "narcos" de routes, d'écoles, d'hôpitaux (comme en Colombie) ? Dans certaines cités, on trouve déjà des ralentisseurs aménagés par les trafiquants, pour "réguler" la circulation des voitures de police...
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Écrit par : Feld / | 13/02/2023

> Je ne voudrais pas vous peiner, mais il me semble que le trafic de drogue est déjà inclus dans le PIB. Quant aux "employés", ils ne doivent pas pointer comme chômeurs, ils devraient se rendre à des rendez-vous préjudiciables au commerce. Donc pour les statistiques de l'emploi, c'est déjà tout bon. D'ailleurs, qui dit qu'ils ne sont pas officiellement payés au SMIC pour un quelconque service de gardiennage ou activité similaire ?
Bernadette

[PP à Bernadette – Le trafic illégal n'étant pas quantifiable, le voeu officiel de l'IUE (inclure la drogue dans le PIB) reste théorique. Raison pour laquelle les libéraux font campagne pour la légalisation...]

réponse au commentaire

Écrit par : Bernadette / | 13/02/2023

INCLUSIF

> Il faut souligner leur souci d inclusion " chers voisins, chères voisines " !!!
La direction devrait quand même prévoir un stage de remise à niveau en orthographe...
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Écrit par : Tryphon Tournesol / | 13/02/2023

ENTREPRENEURS EN EFFET

> Des rares fois où j'ai eu affaire à un dealer, j'ai souvent eu l'impression d'avoir affaire à un entrepreneur par son langage et ses façons.
Par exemple, ce gardé à vue qui explique à son avocat qu'il subit des charges trop lourdes ; " Maître, vous comprenez, ça ne m'arrange pas votre proposition d'honoraires. Aujourd'hui, les guetteurs, ils demandent un IPhone ET un kebab !"
Peut-être qu'un dealer, c'est tout simplement un entrepreneur à qui on a pas donné les moyens d'accomplir sa vocation.
En 2008, à Bondy, un gamin gagnait 500 euros PAR SOIR rien que pour prévenir les clients que le marché de la chnouf avait déménagé de 300 mètres suite à une opération de police. Allez leur expliquer qu'ils doivent gagner 300 euros par mois pour faire du vélo pour Stuart et rajoutez une couche de La-République-de-l'égalité-des-chances-pour-tous-et-taratata.
Ou alors, un entrepreneur c'est un bandit qui met les gants de la légalité pour commettre ses crimes.
Les deux ont une part de vrai et de faux. Rappelons qu'Al Capone n'a jamais été condamné que pour fraude fiscale.
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Écrit par : Cyril B / | 13/02/2023

LIBERTÉ ET CAPRICE

> C'est un fruit du relativisme qui nous assure que le vrai est un moment du faux, le faux est un moment du vrai, car finalement la vie n'est qu'un jeu sans enjeu. Et tout cela installe une grande confusion: comme disait une prof de philo de mes connaissances, "notre époque confond liberté et caprice".
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Écrit par : B.H. / | 13/02/2023

LES LOIS INAPPLIQUÉES

> Langage entrepreneurial, certes, mais bourré de fautes d'orthographe. Ces gens se sentent chez eux : n'oublions pas qu'il fut un temps où l'UE, pour "optimiser" (comme on dit en école de commerce) les chiffres de la croissance, avaient pris en considération le trafic de drogue, la prostitution, le marché noir, etc.
Concernant la question des stupéfiants, elle m'a fait songer à un entretien récemment écouté donné par Françoise Hervé, opposante notoire aux maires de Nancy depuis quarante ans (et à l'origine de la conservation in extremis du secteur sauvegardé promis il y a quatre décennies aux bennes des démolisseurs). Mme Hervé y dénonce le trafic de drogue omniprésent dans les rues nancéiennes ; seuls quelques agents de la police nationale tentent vainement d'imposer la loi, loin d'être appliquée. Il est probable que cette situation soit la même dans toutes les grandes villes de France, avec les conséquences que l'on sait : M. Palmade, cocaïnomane, a sous l'action des substances consommées tué un enfant à naître, anéanti une famille, traumatisé une jeune femme à vie, bouleversé sa propre famille, détruit sa propre existence. Les soins qui lui sont aujourd'hui prodigués sont en partie payés par le contribuable français. Il est urgent que la loi soit strictement appliquée : le Tentateur s'introduit dans la vie des hommes notamment par le biais de l'accoutumance aux stupéfiants, produits de mort à tous niveaux.
https://www.facebook.com/lorraineactu/videos/municipales-%C3%A0-nancy-fran%C3%A7oise-herv%C3%A9-invit%C3%A9e-de-questions-directes/191496075488325/
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 14/02/2023

LA DROGUE DANS LE P.I.B. ?

> C'est déjà fait, et depuis longtemps :
https://www.liberation.fr/checknews/2018/06/05/l-insee-a-ajoute-le-trafic-de-drogues-dans-le-calcul-du-pib-mais-comment-cela-est-il-calcule_1656691/
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Écrit par : Benoît Girard / | 14/02/2023

CANETTI ET BROCH

> Surréaliste, cette histoire ? Pas tant que cela, en effet.
Elias Canetti, écrivain d’expression allemande (1905-1994) et prix Nobel de littérature en 1981, estimait déjà, à son époque (dans les années 30), que « tout ce qui nous entoure est effrayant. Il n’y a plus de langage commun. Personne ne comprend l’autre….personne ne veut le comprendre ». Et l’auteur de prendre pour exemple son « Huguenau », le personnage du roman « Les Somnambules » d’Hermann Broch : « dans (le) Huguenau, les hommes y sont établis dans des systèmes de valeurs différents, aucune entente n’est finalement possible entre eux ». Certes, le personnage d’ « Huguenau converse encore avec autrui, mais il y a cette lettre qu’il envoie, à la fin du livre », à un autre personnage, « la veuve Esch, où il s’exprime entièrement dans son langage propre : le langage de l’individu entièrement commercial ». Bien sûr, Huguenau est poussé « jusqu’à l’extrême, ce qui le distingue des autres personnages du roman »(D'après « Jeux de regards ». LP Biblio, p 45, le troisième volet de l'autobiographie d'Elias Canetti, correspondant aux années 1931-1937. Citation dans le contexte d’une conversation avec l’écrivain autrichien Hermann Broch, sur leurs oeuvres respectives).
Bien fraternellement,
Pep's
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Écrit par : Pepscafe / | 18/02/2023

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