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03/08/2022

Non : l’habit ne fait pas le moine !

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Le christianisme ne consiste pas à adorer le passé : il consiste à suivre le Christ. En oubliant opinions personnelles et mentalités de milieu… D’où l’absurdité de la campagne, menée par certains, en faveur d’un “retour de la soutane” : comme si les églises paroissiales “vides” allaient se remplir si les prêtres de 2022 s’habillaient comme ceux de 1822. Ne pas “revenir à la soutane”, ce n’est d’ailleurs pas (contrairement au slogan passéiste) “rendre les prêtres invisibles” ! Face aux idées fausses sur ce sujet, lisons ce qu’en disent des historiens reconnus de l’Eglise catholique :


 …Par exemple l’abbé Louis Trichet, dans sa thèse de doctorat en droit canonique (Cerf 1986) ‘Le costume du clergé, ses origines et son évolution en France d’après les règlements de l'Eglise’ : ouvrage alors préfacé par le Pr Jean Gaudemet, qui était spécialiste du droit canonique, membre du Comité pontifical des sciences historiques, directeur d’études en sciences religieuses à l’EPHE, et co-auteur avec Gabriel Le Bras d’une monumentale ’Histoire du droit et des institutions de l’Eglise en Occident’ en 18 volumes (éd. Sirey) !

Dans sa préface, le Pr Gaudemet souligne que le port de la soutane ne remonte nullement aux débuts de l’Eglise : saint Augustin et saint Jérôme se bornaient à recommander aux prêtres de s’habiller simplement ; vers 475, le recueil canonique Statuta Ecclesias antiqua précise que le clerc ne doit pas "rechercher l’élégance". Le port de la soutane ne remonte pas non plus au concile de Trente comme le croient certains :  ce concile avait simplement demandé que le clergé porte “un habit convenable”, et laissé à chaque diocèse le soin de décider lequel.... La soutane n’apparaît qu’à la fin du XVIe siècle (sa couleur noire venant d’ailleurs de la mode de l’époque), et ne triomphera qu’au XIXe en réaction contre la loi de l’Empire qui instituait pour les prêtres le port de la redingote noire. Une partie du clergé refusera d’ailleurs la soutane par souci apostolique :“cet habit parque et isole le prêtre”, écrit en 1844 l’abbé Maret, futur doyen de la faculté de théologie de la Sorbonne. Il précise : “La soutane sépare le prêtre des populations, et cette séparation est un des plus grands malheurs des temps modernes.”

Puissamment étayée et documentée, la thèse de droit canonique de l’abbé Trichet expose en détails l’histoire du costume ecclésiastique sur vingt siècles. Et voici un extrait de la conclusion :

Faute de pouvoir faire remonter le port de la soutane en amont du XVIIe  siècle, ses partisans actuels remplacent l’invocation d’une introuvable “tradition antique” par l’invocation de règlements d’Ancien Régime et du XIXsiècle << sans se soucier d’ailleurs du fait que, lorsqu’ils parlent du costume clérical, ces règlements désignent le plus souvent autre chose que la soutane… >>

<< Parmi les principaux facteurs [du port de la soutane au cours des trois derniers siècles], certains n’existent manifestement plus aujourd’hui et la plupart ont perdu la plus grande partie de leur valeur. Le premier facteur, le plus important, semble avoir été le statut du clergé dans une société où la distinction par le vêtement était la règle. Ce statut du clergé a disparu à l’époque révolutionnaire en même temps que la stratification de la société. En 1905, par la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, le clergé a complètement cessé d’être un groupe socialement reconnu. Au cours du XXe siècle, les dernières traces de la distinction vestimentaire entre les catégories sociales ont totalement disparu. Les ministres du Christ ne sont d’ailleurs pas disposés aujourd’hui à afficher, par un costume de dignité, la “supériorité” d’un état qui doit être avant tout un service…

Pendant des siècles, le législateur a considéré le costume clérical comme un moyen propre à assurer l’efficacité du ministère. Cela s’expliquait par la position sociale du clergé dans un monde où l’inégalité était la règle. Tel n’est plus le cas maintenant : on n’attache plus la même importance ni la même signification que jadis à l’habillement. Sur ce point, nous sommes plus proches de l’Eglise du Ve siècle, où les membres du clergé s’habillaient comme les gens de leur condition, que du XVIIe ou du XIXe. Il est manifeste qu’aujourd’hui ce n’est pas par une forme particulière de costume que l’on obtient le respect et la confiance qui favorisent l’action pastorale.

Il est permis de penser que c’est cette conviction qui a conduit les évêques de France à définir le costume ecclésiastique comme un vêtement “discret”. Ce terme place leur décision dans la tradition la plus ancienne : celle qui découle de l’enseignement et de l’exemple du Christ, et qui a pour objet d’inviter les prêtres à adapter leur tenue au monde auquel ils sont envoyés.

Mais il peut être opportun que le prêtre soit reconnu comme tel, en particulier lorsqu’il est dans l’exercice de son ministère… Il semble alors préférable que le signe choisi ait avec sa mission un rapport qui ne soit pas purement conventionnel. La croix convient parfaitement, puisqu’elle est liée à la mission du Christ, à laquelle le prêtre participe. Dans cette croix, on verra beaucoup mieux que dans toute sorte d’insigne vestimentaire le symbole du caractère sacré qui configure les prêtres au Christ Prêtre, “pour les rendre capables d’agir au nom du Christ Tête en personne.” (Vatican II). >>

[ fin des citations du livre de l’abbé Trichet ]

 

 

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