13/07/2022
Les évasives "valeurs" de la France officielle
Proférée une fois de plus hier (cette fois c’est par Mme Borne), l’invocation rituelle des “valeurs” est l’un des produits de la décomposition du politique :
Grand moment de néant conceptuel hier à l’Assemblée nationale, quand Elizabeth Borne a lancé à Marine Le Pen : “Je n’irai pas chercher les voix du Rassemblement national... Mme Le Pen, il y aura toujours quelque chose qui s’interposera entre nous, cela s’appelle les valeurs !” Ce mot de “valeurs” sert depuis quarante ans et son invocation rituelle – très inutile – n'a engendré que la situation d'aujourd'hui : 89 députés néo-lepénistes, auxquels les macronistes ont procuré deux vice-présidences à l’Assemblée, ce qui rend insignifiante la phrase de Mme Borne. C'est que le jeu parlementaire n’a rien à voir avec ces “valeurs” dont la proclamation tient lieu désormais de politique, le politique s’étant décomposé depuis vingt ans sous l’action de l’ultralibéralisme. Et les “valeurs” de la France officielle semblent indéfinissables :
– s’il s’agit de la triade “Liberté-Égalité-Fraternité”, elle est si vague qu'elle paraît évasive, et que tous les partis– y compris le RN – peuvent l'adapter à leurs diverses rhétoriques ;
– et s’il s’agit du “sociétal”, une chronique du Monde (12/05/2022) recadre ce nouveau dogme. Elle est signée de la professeure d’économie Pauline Grosjean et s’intitule : “Aux plus riches, le vote pour les valeurs morales”.
Extraits de cette chronique : “[Selon le livre de trois économistes de Harvard et Cologne], les valeurs sociétales sont un bien de luxe : plus notre revenu augmente, plus nous accordons de l’importance aux valeurs idéologiques et morales par rapport aux considérations économiques et matérielles…” Appliqué à la gauche, ce constat donne la clé du déclin de celle-ci depuis quinze ans : la faute du PS et d’EELV est “l’abandon relatif d’un objectif de redistribution économique au profit d’une course-poursuite sur le terrain des valeurs et de l’idéologie”. C’est le syndrome de la “gauche identitaire”, c’est-à-dire sociétale (woke etc), dénoncé notamment aux Etats-Unis par le livre de Mark Lilla… Conséquence de ce glissement : la rupture entre les classes populaires et la gauche-caviar, et “l’enlisement du débat politique dans les valeurs identitaires, alors qu’une nouvelle politique économique n’a jamais été plus vitale afin de résoudre les crises climatiques et inflationnistes”.
Revenons à Elisabeth Borne. Selon le mantra des médias, cette personne “vient de la gauche”. Étiquette inexacte ! Mme Borne n’a jamais adhéré à aucun parti avant LREM. Auparavant, elle n’a exercé que des fonctions technocratiques chez Jospin, Lang, Delanoë ou Royal… Fonctions durant lesquelles elle a favorisé le privé aux dépens du public : privilèges accrus des sociétés d’autoroute, affaiblissement du ferroviaire (petites lignes et fret), et autres opérations qui ont indigné les usagers. Sous Macron, cette politicienne peu portée sur l’environnement a reçu le portefeuille de la Transition écologique (l’Elysée étant assuré que la ministre ne montrerait pas trop de zèle) ; puis on lui a confié le portefeuille du Travail : ce qui lui permit par exemple, le 7 juin 2022, de conseiller à une personne en fauteuil roulant de “reprendre une activité professionnelle”.
Donc Elisabeth Borne vient beaucoup moins “de la gauche” que les transfuges du PS macronisés en 2017. Mais elle est macronisée comme eux, acquise au libéralisme macronien qui est le vieil ultralibéralisme de la fin des années 1990 ; le président-des-riches ne donne pas d’inquiétudes à cette millionnaire. Mme la Première ministre fait partie des milieux à l’abri du besoin qui peuvent ainsi s’adonner à l’ostension solennelle des valeurs : version postmoderne de la chasse au Snark.
Lewis Carroll, La chasse au Snark
19:21 Publié dans Idées, Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : elisabeth borne
Commentaires
"Liberté-Egalité-Fraternité", fruits de la Trinité sainte ?
> "Liberté, Egalité, Fraternité", c'est la devise de la République française. Robespierre et Desmoulins furent ses premiers propagateurs*. Dieu, ou « l’Etre suprême », n’était jamais très loin de leur pensée. Pas pour leur bien, dirait-on, tant leur action politique fut en définitive néfaste pour de très nombreux chrétiens. Et pourtant…
Cette devise est bien chrétienne. Dieu nous a créés libres, afin de Le connaître et de rendre ainsi hommage à la vérité. Dieu nous a créés égaux en dignité, et selon le droit naturel : « Homme et femme il les créa… ». Dieu nous a créés fraternels, selon son dessein d’amour, et quelquefois mieux encore : frères en Christ !
Réfléchissons-y un instant : par delà leur beauté inépuisable – et quand bien même leur vécu, loin du Seigneur de l’univers, pourrait se révéler source d’abaissement –, ces trois concepts philosophiques de "Liberté, Egalité, Fraternité" ne puisent-ils pas leur fécondité au faîte de la théologie, dans le dogme de la Sainte Trinité : Dieu qui est Père, Fils et Esprit Saint ?…
Il est frappant de constater qu’un lien puissant unit Dieu et la liberté, Dieu et l’égalité, Dieu et la fraternité. A chacun de méditer librement la question. Mais voici un « envoi » possible pour ceux qu’elle intéresse.
Le Père a un lien premier et secret avec la Liberté ; le Fils une passion évangélique concrète pour l’Egalité ; le Saint-Esprit un attachement évident à la Fraternité.
Le Père a posé un acte libre : c’est la Création, confiée à notre humanité ; il a laissé l’homme et la femme libres. Adam et Eve ont fait l’expérience de la Chute, de ce qu’il en coûte de se défier de Dieu. Ils étaient appelés à la confiance en Dieu qui les a créés. Ils ont posé un acte de défiance dramatique, dont toute personne hérite en naissant : le péché originel. Et Dieu a montré la même fabuleuse liberté en recréant notre humanité dans le Christ, son Verbe fait chair, avec l’aide de la seule créature qu’Il ait créée libre de tout péché, la Vierge Marie.
Le Fils nous a appelés à l’égalité en Dieu. Jésus-Christ, sur la Croix, s’est attaché un peuple de frères, les faisant fils et filles de la Vierge Marie, sa très Sainte Mère ; comme lui, nous sommes appelés à la vie en Dieu ; cette divinisation qui nous est promise, avec la résurrection de la chair et la promesse de vie éternelle, est la marque de l’égalité à laquelle nous appelle notre Créateur, qui nous veut aptes à une union parfaite avec Lui, dans l’amour.
L’Esprit Saint fait de nous des frères de Jésus-Christ. Il est cette aspiration intérieure que ressent tout homme, toute femme, pour le bien. Il est cette puissance qui nous meut vers l’autre et le Tout-Autre, Dieu en personne. Il est cette volonté de durer dans l’amour par un engagement sans faille, de personne à personne, de sujet à sujet. Grâce au Saint-Esprit, nous saurons comment aimer, avec qui et pourquoi.
Liberté, égalité, fraternité. Le Père, librement, suscite une puissance qui l’égale, celle du Christ, son Verbe créateur, afin d’étendre son règne dans un peuple de frères parfaitement unis à Lui. On pourrait dire encore… Librement le Père a choisi de recréer l’humanité dans le Fils, son Egal, par leur Esprit commun, Frère de Dieu et Frère des hommes.
D. Solignac
* La devise « Liberté, Égalité, Fraternité » est issue de la Révolution française : elle apparaît dans le débat public avant la proclamation de la Première République, dès 1790. Le premier à en faire usage dans un cadre officiel est Maximilien de Robespierre, dans son Discours sur l'organisation des gardes nationales, le 5 décembre 1790 à l'Assemblée Nationale. On la retrouve également dans la bouche de Camille Desmoulins… (cf. encyclopédie Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Libert%C3%A9,_%C3%89galit%C3%A9,_Fraternit%C3%A9 )
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Écrit par : D.Solignac | 14/07/2022
LES "VALEURS"
> Les valeurs ?? La principale "valeur", c'est de prendre soin du plus petit, du plus fragile. Protéger la veuve et l'orphelin, comme disait déjà la Bible, et nos sociétés ont généré des êtres aussi vulnérables que l'étaient la veuve et l'orphelin de cette époque reculée.
Depuis quand le parti au pouvoir a-t-il le monopole de cette protection ? D'ailleurs, on dit chez nous "grand parleux, petit faiseux". Ce sont ceux qui ont le plus le mot "valeurs" à la bouche qui les piétinent le plus allègrement.
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Écrit par : Bernadette / | 08/09/2022
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