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26/10/2021

Le message du pape aux mouvements populaires (4)

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Troisième tranche du message du pape, "Rêvons ensemble !" :


 

<<  ...J’ajoute quelques réflexions sur l’avenir que nous devons construire. Peut-être devrais-je dire rêves au lieu de réflexions, car maintenant nos esprits et nos mains ne suffisent pas : nous avons besoin de nos cœurs et de notre imagination pour ne pas revenir en arrière. ; nous avons besoin du rêve. Nous avons besoin de nous servir de cette faculté humaine sublime qu’est l’imagination : cet espace où l’intelligence, l’intuition, l’expérience et la mémoire historique s’unissent pour créer, composer, projeter et risquer. Rêvons ensemble, car c’est par les rêves de liberté et d’égalité, de justice et de dignité, par les rêves de fraternité, que le monde a pu s’améliorer. Et je suis convaincu, qu’en regardant ces rêves nous trouverons le rêve de Dieu pour nous tous, ses fils et ses filles. Rêvons ensemble, rêvez entre vous, rêvez avec les autres ! Sachez que vous êtes appelés à participer à de grands processus de changement comme je vous l’ai dit en Bolivie : « L’avenir de l’humanité est dans une large mesure entre vos propres mains, par votre aptitude à organiser et mener des alternatives créatrices… »  Dans vos mains !

De telles choses sont hors d’atteinte, diront certains. Mais elles peuvent nous mettre en route, sur notre chemin. Et c’est précisément là que réside toute votre force, toute votre valeur. Parce que vous êtes capables de dépasser les autojustifications à courte vue et les conventions humaines qui n’accomplissent rien mais continuent à justifier l’état de choses. Rêvez ! Rêvez ensemble ! Ne cédez pas à la résignation des durs et à celle des perdants, comme dit le tango : « on se reverra en enfer car c’est tout ce qu’il y avait en magasin... » Non, ne donnez pas là-dedans, je vous en prie. Les rêves sont toujours dangereux pour le défenseur du statu quo, parce qu’ils défient la paralysie installée par l’égoïsme des forts et le conformisme des faibles (n’y a-t-il pas en elle une sorte de pacte, non signé mais inconscient ?).  Les rêves transcendent les étroites limites imposées et suggèrent de possibles nouveaux mondes. En cela je ne parle pas des fantasmes ignobles qui confondent bien-vivre et divertissement, ce qui n’est rien de plus que passer son temps à remplir le vide de sens et ainsi rester sous la coupe de l’idéologie mondiale dominante… Non, ce n’est pas cela. Le rêve du bien-vivre est en de vivre en harmonie avec toute l’humanité et la création.

Quel est le plus grand danger que nous ayons à affronter aujourd’hui ?  Au cours de ma vie (je ne suis pas un gamin, j’ai une certaine expérience), j’ai pu apprendre que d’une crise on ne sort jamais le même. Nous ne serons plus les mêmes après la crise de cette pandémie. Ensemble, aujourd’hui, nous faisons face à cette question : comment sortirons-nous de la crise ? meilleurs ? ou pires ? Bien sûr nous voulons en sortir meilleurs : mais pour y parvenir il faut briser les liens du facile et de l’acceptation docile du « pas d’autre chemin » et du « c’est le seul système possible » ; cette résignation qui détruit le nous et lui substitue l’isolement du chacun pour soi.

Alors rêvons. Ce qui m’inquiète, c’est que nous soyons encore paralysés ; il y a des déjà des plans pour restaurer la même structure socio-économique qu’avant la crise, parce que c’est le plus facile.  Choisissons plutôt le chemin difficile. Sortons meilleurs de la crise.

Comme exemple évangélique le plus clair de ce choix, j’ai cité dans Fratelli tutti la parabole du Bon Samaritain. Un ami m’a dit que le personnage du Bon Samaritain est considéré comme un demeuré par une certaine industrie culturelle. Voilà le genre de déformation que provoque l’hédonisme dépressif visant à neutraliser le pouvoir de transformation, hédonisme présent chez les gens et en particulier les jeunes. Ce qui me vient à l’esprit en parlant du Bon Samaritain avec vous, les mouvements populaires, ce sont les manifestations après la mort de George Floyd : il est clair que ce type de réactions contre l’injustice sociale, raciale ou sexiste peuvent être manipulées ou exploitées par des machinations, politiques ou autres ; mais le principal est que, dans la protestation contre une telle mort, il y a un Bon Samaritain collectif – qui n’est pas un imbécile. Ce mouvement n’est pas « passé de l’autre côté de la route » en voyant la blessure à la dignité humaine causée par un abus de pouvoir… Les mouvements populaires ne sont pas seulement des poètes sociaux : ce sont des Samaritains collectifs.

Dans ces processus, beaucoup de jeunes trouvent l’espoir. Mais beaucoup d’autres sont dans la tristesse : peut-être pour ressentir quelque chose en ce monde, ils recourent aux consolations frelatées du système consumériste et narco-trafiquant. Et d’autres (c’est pénible à dire) choisissent de tout quitter, complètement : les statistiques de suicides de jeunes ne sont pas publiées dans leur intégralité... Votre action est très importante, mais il est également important que vous réussissiez à transmettre votre flamme aux générations présente et future. Vous avez une double responsabilité : comme le Bon Samaritain, s’occuper attentivement de tous ceux qui sont tombés au long du chemin ; et en même temps, veiller à ce que beaucoup d’autres rejoignent le mouvement. Les pauvres et les opprimés de la terre le méritent, et notre maison commune attend cela de nous.

Je vous propose quelques lignes directrices. L’enseignement social de l’Eglise n’a pas toutes les réponses, mais il a quelques principes qui peuvent aider à concrétiser des réponses au long du chemin : principes aussi utiles aux non-chrétiens qu’aux chrétiens. Je suis surpris par le fait que, chaque fois que je parle de ces principes, il y a des personnes qui s’étonnent, puis collent au Saint-Père une série d’épithètes : des adjectifs dénigrants pour bloquer la réflexion. Ça ne m’irrite pas, mais ça m’attriste : ça fait partie du complot de la post-vérité, qui vise à anéantir toute quête humaniste d’une alternative à la globalisation capitaliste. Ça fait également partie de la culture du jetable. Et du paradigme technocratique...

Les principes que j’expose sont vérifiés, humains, chrétiens, et compilés dans le Compendium publié par le Conseil pontifical pour la Justice et la Paix [5] qui est un petit manuel de Doctrine sociale de l’Eglise.  Alors quelquefois, quand les papes – que ce soit Benoît, Jean-Paul II ou moi-même – disent quelque chose dans ce domaine, il y a des gens pour s’étonner : « D’où sort-il ça ? » Mais de l’enseignement traditionnel de l’Eglise !  Il y a beaucoup d’ignorance à ce sujet… Les principes que j’ai exposés sont dans le Compendium promulgué par saint Jean-Paul II. Je vous recommande de le lire, vous et tous les leaders sociaux, syndicaux, religieux, politiques et économiques. Au chapitre 4, nous trouvons des principes comme l’option préférentielle pour les pauvres, la destination universelle des biens, la solidarité, la subsidiarité, la participation et le bien commun. Ce sont les voies par lesquelles la Bonne Nouvelle de l’Evangile prend forme concrète au niveau social et culturel. Et je trouve triste que quelques membres de l’Eglise prennent mal le fait que nous mentionnions ces lignes directrices qui appartiennent à la pleine tradition de l’Eglise... Mais le pape ne  cessera pas de citer cet enseignement, même s’il contrarie souvent des gens ; ce qui est ici en jeu n’est pas le pape mais l’Evangile.

Dans ce contexte, je voudrais reprendre brièvement quelques-uns des principes sur lesquels nous nous fondons dans notre mission. L’un est le principe de SOLIDARITÉ. La solidarité n’est pas seulement une vertu morale, elle est aussi un principe social qui vise à affronter les systèmes injustes pour construire une culture exprimant (dit le Compendium) “une détermination ferme et persévérante à s’engager pour le bien commun”.  [6]

Un autre principe est de stimuler et promouvoir la PARTICIPATION et la SUBSIDIARITÉ entre les mouvements et entre les peuples, pour contrecarrer toute mentalité autoritaire, tout collectivisme forcé et tout étatisme autocentré. Le bien commun ne peut être invoqué pour annuler l’initiative privée, l’identité locale ou les projets de communautés. Ces principes promeuvent donc une économie et une politique reconnaissant le rôle des mouvements populaires et (dit le Compendium [7)) « de la famille, des groupes, des associations, des réalités territoriales locales, bref de toutes les expressions associatives de type économique, social, culturel, sportif, récréatif, professionnel, politique, auxquelles les personnes donnent spontanément vie et qui rendent possible leur croissance sociale effective. »

Comme vous voyez, chers frères et sœurs, ce sont des principes équilibrés et bien établis dans la Doctrine sociale de l’Eglise. Avec ces deux principes, je crois que nous pouvons faire le pas suivant pour passer du rêve à l’action...  >>

 

 

À suivre :  “Le temps d'agir”

 

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10:54 Publié dans Pape François | Lien permanent | Tags : pape françois