14/07/2021
Menacée par Washington, l’UE renonce à sa taxe GAFAM
Le 12 juillet, la Commission a capitulé devant les menaces commerciales de M. Biden exprimées par sa secrétaire au Trésor. Et ce n'est qu'un des aspects de la vassalité : demandons-nous aussi à quelle "guerre de haute intensité" (comme le répétaient ce matin les commentateurs du défilé des Champs-Élysées) le nouveau chef d'état-major de M. Macron a reçu l'ordre de se préparer :
Mme Jellen annonçait une reprise de la guerre commerciale avec l’UE si Bruxelles ne renonçait pas à la taxe européenne sur les GAFAM : taxe très légitime, mais rejetée par Washington comme “discriminatoire” (et sans doute “xénophobe” ?) à l’encontre des géants du capitalisme numérique. Autre argument de Mme Jellen : le projet de taxe européen “faisait double emploi” avec la réforme de la fiscalité des multinationales adoptée par le G 20 et négociée à l’OCDE…
La Commission s’incline donc : “La réussite du processus de réforme de la fiscalité internationale nécessitera une dernière impulsion de toutes les parties, et la Commission s’engage à se concentrer sur cet effort. C’est pourquoi nous avons décidé de mettre en pause le projet de taxe”.
Ce communiqué bruxellois veut dire que le maintien de la taxe GAFAM provoquerait en représailles le retrait de certaines des “parties” : c’est-à-dire un vote du Congrès américain contre la réforme OCDE.
Il veut dire aussi que Bruxelles reste la vassale de Washington. Et que cette vassalité force l’Europe à sacrifier ses propres intérêts, sachant que la taxe OCDE de 15 %, insuffisante par ailleurs, frappera surtout des entreprises européennes. Et que le plan européen de relance (750 milliards d’euros) dépendait en partie de la future taxe GAFAM !
La vassalité européenne ne concerne pas seulement les finances. Elle s’étend à la géostratégie. L’OTAN, dont les forces françaises sous l’impulsion de M. Macron, est dans l’engrenage de futures opérations américaines en mer de Chine avec les risques énormes que cela implique. De mars à juin et dans ce secteur, le Charles-de-Gaulle, le sous-marin nucléaire d’attaque Emeraude, le porte-hélicoptères Tonnerre, la frégate furtive Surcouf ont pris part à des manœuvres militaires américaines clairement dirigées contre la Chine. Il ne s’agit plus d’une présence stratégique française autour des DOM-TOM, mais d’un embrigadement dans le dispositif US lancé par M. Trump, renforcé par M. Biden, et que Washington appelle “l’axe indo-pacifique”. Embrigadement qui ne correspond nullement aux intérêts de la France, même si une partie de nos élus se rêvent en citoyens américains…
Il est clair que la Chine montre militairement les dents. Il est non moins clair que ce problème militaire ne concerne pas l’Europe, mais l’Inde et le Japon, et que les Etats-Unis s'en emparent. On peut d'ailleurs se demander pourquoi M. Biden juge normal d'envoyer la Navy vers la mer de Chine, alors qu’il ne supporterait pas que la flotte de guerre chinoise vienne dans les Caraïbes... Quant aux membres européens de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (déjà insolite en Europe depuis la fin du Pacte de Varsovie), ils n’ont rien à faire dans un dispositif stratégique US contre la Chine – si ce n’est jouer, mais plus dangereusement, un rôle de supplétifs comme naguère en Afghanistan. L'Europe avoue sa vassalité et son coma géopolitique en s’embarquant derrière les Etats-Unis dans ce qu'elle croit être “une stratégie indo-pacifique commune” – alors que Washington ne vise qu’à rétablir son imperium dans ce secteur, au prix éventuel d’un conflit armé avec Pékin... dans lequel nous serions impliqués contre toute raison.
12:37 Publié dans Europe, Otan, USA | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : usa, chine, otan
Commentaires
LA PLUIE ET LE BEAU TEMPS
> Mme Yellen fit un détour par Bruxelles pour exiger de von der Leyen le retrait de la taxe GAFAM, ce qu'évidemment elle obtint.
L'Amérique fait la pluie et le beau temps : ce qu'on appelle 'taxe sur les multinationales' revient à institutionnaliser le recours aux paradis fiscaux, puisqu'un impôt de 15% s'appliquera dorénavant aux profits qui y seront transférés.
15%, c'est certes mieux que zéro, mais c'est tout de même accorder un rabais de moitié aux entreprises qui pratiqueront l'évasion fiscale depuis la France, où l'impôt sur les sociétés est de l'ordre de 30%. Solution éthiquement inacceptable dans la mesure où les PME françaises qui n'ont pas de boîte aux lettres aux îles Vierges ou dans le canton de Zoug devront s'acquitter non de la "taxe révolutionnaire" à 15% mais bien du double de cette dernière.
Pour être révolutionnaire, la taxe proposée par l'OCDE aurait dû être de 50%, afin de dissuader les entreprises d'avoir recours aux paradis fiscaux et de contraindre ces derniers à se réformer en épuisant leurs ressources : l'intention est louable mais on est loin du compte.
Prenons M. Macron aux actes. Il ne cesse de parler de "souveraineté européenne". Soit. Bruxelles comptait financer son plan de relance grâce à la taxe GAFAM, tuée dans l’œuf sur volonté américaine. La souveraineté européenne ne consisterait-elle pas, entre un projet américain à 15% et une taxe nécessaire bénéficiant à tous les Européens, de choisir la seconde ?
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 14/07/2021
UNE GESTICULATION
> Mais à mon avis, ce projet de taxe n'était qu'une gesticulation: elle eut été inapplicable dans nos pays courbés devant le sacro-sainte circulation des capitaux: il est tellement facile de transformer des bénéfices en rémunérations de prestations plus ou moins fictives et en droit de propriété intellectuelle à des sociétés hébergées dans des paradis incontrôlables.
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Écrit par : P. F. Huet / | 15/07/2021
CONFLITS
> Concernant la probabilité d'un conflit "de haute intensité", elle est particulièrement élevée dans le détroit de Taïwan puisque le dirigeant chinois actuel semble décidé à récupérer Formose avant le centenaire de la fondation de la République populaire en 2049. Une guerre dans le détroit impliquerait une intervention américaine et un embrasement de toute l'Asie-Pacifique par le jeu des alliances type 1914. De ce théâtre d'opérations, l'Europe devra se tenir à distance : elle n'a aucun intérêt à y intervenir. Qu'elle se concentre sur les proies éventuelles des fonds chinois dans ses États membres, ce serait déjà énorme !
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 15/07/2021
CHEZ LES ATLANTISTES
> https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/07/16/pour-etre-sur-que-la-troisieme-guerre-mondiale-n-aura-pas-lieu-il-faut-voir-qu-elle-est-en-train-de-commencer-et-savoir-s-y-preparer_6088399_3232.html
Ce n'est guère étonnant : 'Le Monde' se veut atlantiste. "La participation de sous-marins français à des exercices de liberté de navigation loin des côtes nationales, en mer de Chine du Sud, souligne la projection stratégique nécessaire"... On espère qu'un peu plus de réalisme règne à Balard !
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 16/07/2021
OBSERVATIONS
> 1.- Citation : "le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre, la frégate furtive Surcouf et le groupe opérationnel amphibie Jeanne-d’Arc" (fin de cit.)
Ces "trois" entités n'en sont qu'une : le groupe école (et non "amphibie") Jeanne-d’Arc, constitué du PHA Tonnerre et de la frégate Surcouf.
2.- Il convient sans doute de ne pas en rajouter dans les tensions en nous joignant aux gesticulations étatsuniennes. Et de provoquer ainsi la grande puissance continentale, prétendant devenir, elle aussi, une puissance maritime.
Elle a une mémoire historique longue et vise évidemment à prendre sa revanche et à ne plus jamais subir les humiliations du passé (depuis les "Traités inégaux"). Mais ne soyons pas naïfs et inconséquents : même en nous abstenant d’y participer, nous ne serons pas épargnés par les conséquences d'un conflit majeur dans cette zone (s'il se produit).
Reste à savoir si la puissance maritime majeure, désormais sur le déclin, aura la volonté de résister à sa rivale, voire de la contrer. Ou bien si elle n'aura pas intérêt à abandonner la partie, dans la zone Asie-Pacifique, et à se restreindre et à se cantonner dans sa zone d'influence locale.
Par exemple celle de la Caraïbe ? Ainsi qu'y a été fait allusion, avec justesse.
Rien ne dit d'ailleurs que les "Tinois" s'interdiront toujours de s'y installer, en effet.
Leur ambition est désormais planétaire : océan Indien, Afrique, mer d'Oman, "routes de la Soie", Europe, Méditerranée… Notre Nouvelle Calédonie ("notre" pour quelques mois encore ?) est aussi dans leur viseur…
Cela dit, la gesticulation navale actuelle dans les mers de Chine risque fort de ne pas les réfréner pour autant.
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Écrit par : Fondudaviation | 16/07/2021
à Fondudaviation :
> D'où l'importance pour le camp loyaliste en Nouvelle-Calédonie de mettre les choses au clair avant l'ultime référendum : si la France part, il se passera ce qu'il se passe au Vanuatu, où la Chine est de plus en plus influente. Pékin ne s'embarrassera pas de Sénat coutumier et autres institutions kanaks : ce sera de la gouvernance à la chinoise... sans nouveau référendum possible.
À titre personnel, je ne pense pas que le 'oui' passera, mais ce sera serré.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 17/07/2021
A lire
> "Google, entreprise malfaisante"
(même si le journal n'en tire pas toutes les conclusions sur le libéralisme)
https://www.lepoint.fr/editos-du-point/etienne-gernelle/gernelle-google-entreprise-malfaisante-21-07-2021-2436385_782.php
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Écrit par : E Levavasseur / | 22/07/2021
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