29/06/2021
Lumières neuves sur la Bible : un livre indispensable
Au contrepied de la “déconstruction” héritée du XIXe siècle, l'enquête de Benoît Gandillot fait connaître la nouvelle compréhension scientifique de la Bible – avec une mise au jour des codes qui en sont le fil conducteur sous-jacent, à travers les siècles et les strates du texte :
Benoît Gandillot présente une révolution – ou contre-révolution – qui se déroule depuis quelques décennies dans les milieux exégétiques, donc discrètement. Des années 1870 à la fin du vingtième siècle, l’exégèse de l’Ancien et du Nouveau Testament avait été peu à peu dominée par la méthode historico-critique : démarche rationnelle qui vise en principe à établir des faits, mais dont la mise en œuvre (l’interprétation de ces faits) a dévié sous l'emprise des courants philosophiques du moment. Plusieurs conséquences ont suivi :
- l’assimilation progressive du Texte sacré à une œuvre "allégorique" ou "mythologique",
- la perception de la religion chrétienne comme une "construction tardive" déconnectée de son initiateur, Jésus de Nazareth,
- d'où la perte de l’articulation entre l’Ancien et le Nouveau Testament : ce qui a obscurci la compréhension du Nouveau...
Le tout a renforcé une opposition artificielle entre foi et raison, une perte certaine de spiritualité, et un embarras croissant au sein de l’Église.
Or, depuis un demi-siècle, l’utilisation des outils scientifiques s’est améliorée. Les conclusions se sont nuancées, voire inversées. À l’insu du grand public, notre intelligence de la Bible s’est redressée. Les vieux errements continuent à dominer dans nombre de médias et d’universités, mais commencent à être dénoncés par une « nouvelle critique » qui regroupe plusieurs axes de la recherche en exégèse. Le livre de Benoît Gandillot récapitule ces récentes avancées, les catégorise et les consolide de façon pédagogique. De surcroît, il nous offre la résolution de plusieurs « énigmes bibliques » : cette nouvelle lecture de la Bible redécouvre et argumente la Tradition hébraïco-chrétienne originelle. Toutes ces découvertes rééquilibrent le dialogue bimillénaire entre foi et raison au sein du catholicisme, et contribuent à restaurer la Tradition héritée des Pères de l’Église et du Magistère dans la lecture du Texte sacré. >>
Benoît Gandillot, La Bible, la Lettre et le Nombre (Cerf)
10:39 Publié dans Bible | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bible, judaïsme, christianisme
Commentaires
URGENT
> Je vais lire ce livre. Il est urgent de dissiper les brouillards de ces dernières décennies, entre les chrétiens néo-marcionites qui se passeraient volontiers de l'AT et les chrétiens "judaïsants" (parfois fort respecté.e.s) qui dévitalisent le NT au profit de l'AT...
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Écrit par : Myriam Bonnot / | 29/06/2021
LIVRES
> Merci de nous indiquer ce livre qui, s'appuyant sur la Tradition, est à ce titre prometteur. Et que pensez-vous, si vous avez jeté un oeil, du "Dictionnaire Jésus" qui vient de paraître en "Bouquins" ?
Bégand
[ PP à Bégand – Non, je n'ai ps encore regardé ce 'Bouquins'-là. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Bégand / | 29/06/2021
GANDILLOT
> Oui, le livre est remarquable, pour le dire un peu lourdement : judaïté profonde de Jésus et Christianisme éloquent et rayonnant du Même, bon!
L'essentiel étant, bien sûr, ce qui se passe comme "métanoîa" authentique des cœurs.
On peut doubler la lecture (en "picorant") par le DICTIONNAIRE JESUS de l'école Biblique de Jérusalem sous la direction du Dominicain Renaud Silly ['Bouquins', la collection] ; pour aujourd'hui, par exemple, la lecture des articles PIERRE et PAUL DE TARSE est profondément roborative devant les déconstructeurs ou autres faux savants médiatiques en tout poil ... les controverses (ou pseudo ~) ne sont pas éludées et largement et savamment argumentées...
C'est un peu pompeux de l'écrire comme ça mais je ne vois comment le dire plus sobrement ou plus concisément.
Béni soit l'Eternel dans Son Nom, dans Son fils, dans Ses Œuvres !
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Écrit par : Gérald / | 29/06/2021
LES PAUVRES DISCIPLES DE BULTMANN
> "...la perception de la religion chrétienne comme une "construction tardive" déconnectée de son initiateur, Jésus de Nazareth " :
Oui... il faut dire aussi à quel point cette pauvre Bible a été maltraitée lorsque des sommités se sont penchés sur les textes. Par exemple, on peut se demander ce qu'un élève de Bultmann comme Ernst Käsemann avait en tête lorsqu'il énonçait sa méthodologie pour attribuer telle ou telle parole au Christ : pour lui "Est attribué à Jésus ce qui ne peut être ni à son milieu ni à la première communauté chrétienne". Il était inévitable de déboucher sur un véritable "biais de recrutement" par un tel raisonnement circulaire. Le plus navrant, c'est que beaucoup ont trouvé ça très intelligent.
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Écrit par : Fernand Naudin / | 29/06/2021
FROGER, PERRIER, GUIGAIN
> J'invite vraiment les chercheurs de Dieu à voir le travail d'exégètes comme Jean-François Froger, Pierre Perrier et le Père Frédéric Guigain sur la réception et la pratique de l'assimilation de la Parole de Dieu dans le monde juif et les premières communautés chrétiennes. Cela est relayé par l'association EECHO qui promeut ces perspectives: https://www.youtube.com/channel/UCPc6h91voioehX_JYzTVYzg
https://www.eecho.fr/
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Écrit par : elgringos777 / | 30/06/2021
ARTICULATION
< Je vais acheter ce livre de B. Gandillot. Nous manquons terriblement d'éclairages sur l'articulation AT-NT, même s'il en est souvent question le dimanche :
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Écrit par : Michèle Beugnot / | 01/07/2021
à ELGRINGOS
> elgringos777 a dit le 30/06/2021:
[> J'invite vraiment les chercheurs de Dieu à voir le travail d'exégètes comme Jean-François Froger, Pierre Perrier et le Père Frédéric Guigain sur la réception et la pratique de l'assimilation de la Parole de Dieu dans le monde juif et les premières communautés chrétiennes. Cela est relayé par l'association EECHO qui promeut ces perspectives: https://www.youtube.com/channel/UCPc6h91voioehX_JYzTVYzg
https://www.eecho.fr/]
Un grand merci à vous, elgringos, d'avoir donné ces liens.
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Écrit par : Pierrot / | 14/07/2021
ARTICULATIONS ENTRE L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT
> A ce propos des travaux de Pierre Perrier et du Père Frédéric Guigain (cité d'ailleurs dans de Benoît Gandillot) on peut citer cette hypothèse que je trouve intéressante, résumée notamment dans le livre "La proclamation synagogale du saint Évangile" du Père Guigain, qui postule que les trois évangiles synoptiques et les Actes des Apôtres ont été composés en fonction du cycle liturgique synagogal, appelé "lectionnaire babylonien", d'ailleurs toujours en usage dans le monde juif.
Ce cycle de lecture fait parcourir la totalité des cinq livres du Pentateuque pendant les douze ou treize mois (selon les années) du calendrier luni-solaire hébraïque. Le Pentateuque est découpé en 54 parashot (parasha au singulier) lues tout au long de l'année, avec deux parashot regroupées ensemble certains samedis quand l'année juive dure douze mois au lieu de treize. Avec chaque parasha est lue également une haftara (pluriel "haftarot"), tirée des livres des Prophètes qui suivent le Pentateuque et qui présente des affinités lexicales, narratives ou thématiques avec elle. Enfin, ce cycle liturgique se structure en deux périodes : une de huit mois, pendant laquelle ont lieu toutes les fêtes comme la Pâque et la Pentecôte juives, et une période estivale de quatre mois, sans fête autre que les shabbats.
Selon les chercheurs nommées plus haut, l'évangéliste Matthieu répartit les péricopes de son Évangile selon la période de huit mois, Marc répartit celles de son Évangile selon la période estivale, Luc répartit les péricopes de son Évangile selon la période de huit mois, et celles des Actes des Apôtres selon la période estivale, enfin, Jean n'utilise pas le cycle des lectures synagogales pour structurer son Évangile.
Ces chercheurs utilisent une certains nombres d'indices pour arriver cette hypothèse, pour n'en citer qu'un : la mention "in sabato deutero proto", dans certains manuscrits grecs, et "in sabato secundo primo", dans certains manuscrits latins, "pendant le sabbat second premier", expression qui désignait l'un des shabbats de l'année et que ces quelques manuscrits ajoutent à la péricope des épis de blés arrachés et mangés par Jésus et ses disciples. Ce qui suggère un lien entre péricopes évangéliques et parashot.
Si on suit cette hypothèse, les premières péricopes de l'Evangile de Marc sont à mettre en rapport avec la première parasha de la période estivale, lue le premier shabbat de sivan (vers juin) c'est-à-dire la Parasha Nasso, la seconde parasha du livre des Nombres. Elle tire son nom du mot "Nasso", le premier mot significatif du début de son texte : "Fais le recensement des enfants de Gerson, par maisons paternelles, selon leurs familles". En français, on ne voit pas du tout le lien avec le premier verset de Marc : "Commencement de l'Evangile de Jésus Christ, fils de Dieu". Mais en hébreu et en araméen, le lien arrive. L'expression "Nasso eth rosh" que le français traduit souvent par "fait le recensement" veut littéralement dire "lève la tête", "lève la tête des enfants...". On voit ainsi le rapprochement que l'on peut faire avec "rosh", la "tête", et "bereshit", "au commencement", comme au début de la Genèse et donc aussi au début de l'Évangile de Marc. Ensuite, la parasha Nasso présente des lois relatives à un certain nombre de péchés, pendant que dans l’Évangile, Jean le Baptiste donne un baptême pour le pardon des péchés ; la parasha donne aussi les règles du nazirat, ce qui est la vocation de Jean le Baptiste. À cela il faut encore ajouter la haftara qui correspond à la parasha Nasso, tirée du livre des Juges et qui concerne l'annonciation de Samson à ses futurs parents, encore un nazir.
Ainsi de suite, le Père Guigain présente les liens qu'il fait, shabbat après sabbat, entre les péricopes des évangiles et des Actes, les parashot et les haftaroth, sous forme de tableau, dans la "Proclamation synagogale du saint Évangile".
Si on suit ces correspondances, l'évangile de ce dimanche correspond à la parasha Pinhas (Nombres 25,10 à 30,1). Alors que dans l'évangile Jésus est pris de pitié pour cette foule qui "ressemblait à des brebis pour lesquelles il n'y a pas de berger", dans la parasha, Moïse demande à Dieu : « Que le Seigneur, Dieu des esprits qui animent tout être de chair, établisse à la tête de la communauté un homme qui parte en campagne et revienne à leur tête, qui les fasse sortir et rentrer. Ainsi la communauté du Seigneur ne sera pas comme du petit bétail sans berger. » (Nb. 27, 16-17). La haftara associée à la parasha Pinhas montre aussi des liens avec cette même péricope évangélique. Elle est tirée du premier livre des Rois (ch. 19) et concerne la fuite d’Élie au désert. Tous ces liens sont tout de même assez étonnants.
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Écrit par : Aurélien Million | 18/07/2021
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