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20/05/2021

Incompétente arrogance de l'ultradroite en religion

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À France Culture ce matin pour présenter son nouveau livre, Patrick Buisson aurait mieux fait de se taire sur le catholicisme (qu'il réduit à une question d'emprise sociétale), sur le deuxième concile du Vatican (qu'il vitupère sans l'avoir lu), et sur le kérygme de la foi (qu'il prend pour du "catharisme") :


Patrick Buisson publie un nouveau livre et l’intitule La fin d’un monde : provocation pour faire parler, car c’était le titre d’un brûlot antisémite d’Edouard Drumont (1889) alors qu’il n’y a rien de tel dans le livre de M. Buisson. Que contient-il ? L’habituelle déploration du tout-fout-le-camp sans analyser les causes de ce que l’on croit devoir déplorer, ou plutôt en attaquant des moulins à vent au lieu de discerner le véritable moteur, économique, des processus à l’œuvre depuis cinquante ans.

Le moulin à vent de M. Buisson, c’est d’attaquer l’Eglise catholique en la rendant responsable de tout : perspective fausse, et doublement fausse car, selon lui, le deuxième concile du Vatican (1962-1965) a “renoncé à tous les dogmes que l’Eglise avait enseignés”. Il l’a redit ce matin à France Culture où il était l’invité de Guillaume Erner : “La volonté des pères conciliaires était de rendre l’Eglise intelligible à ses contemporains, dans un mouvement qui se rapproche du protestantisme, en renonçant à tous les dogmes…” Affirmer ça, c’est montrer : 1. qu’on n’a pas lu Vatican II ; 2. qu’on ne sait pas ce qu’est un dogme ! Ce serait une double raison de se taire : “ce dont on ne peut parler, il faut le passer sous silence” (Wittgenstein).

Mais M. Buisson parle. Il parle comme ceux que Mgr Daucourt appelait “les athées pieux” : chantres d’une Eglise-fantasme qui serait le moins possible chrétienne.  On comprend en l’écoutant qu’il ne parle pas de la foi au Christ : il préfère dire “le sacré”, comme les théosophes de droite ; et il place le sens d’une religion non dans sa vérité transcendante mais dans son autorité sociale : “Quand l’Église était en position dominante, elle profitait de ce quasi-monopole…” Reprochant au concile de tout recentrer sur la foi, il déclare : “le kérygme c’est cathare car ça ne tient pas compte de l’incarnation”. Il ne sait donc pas non plus ce qu’est le kérygme. Ni l’incarnation, qu’il confond avec la “fixité” de “rites” qui devraient tous être au XXIe siècle ce qu’ils étaient au XIe, M. Buisson substituant l’accessoire à l’essentiel.

Maintenir une “ritualité” dans la société ultralibérale qui détruit tous les rites hérités, c’est vouloir faire de l’architecture sous un bombardement.

Oui, l’Eglise catholique occidentale a subi une érosion massive. Mais M. Buisson et son milieu ne veulent pas voir que cette Eglise depuis la fin du siècle dernier est dans le même engrenage que toutes les organisations de la société et tous les anciens systèmes de sens : le lent processus de désaffiliation et de repli solipsiste par lequel les individus ont cru se libérer et se mettre à l’abri… alors que l’engrenage était actionné par le nouvel esprit du capitalisme*, qui voulait les individus nomades et sans attaches. M. Buisson dit écrire “en sociologue”. Qu’est-ce qu’un sociologue s’il ne voit pas les causes socio-économiques des phénomènes ?

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* Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard 1999.

 

 

 

eglise catholique

 

 

13:02 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : eglise catholique

Commentaires

> Patrick Buisson n'a jamais renoncé à son héritage maurrassien et au "venin du Magnificat"...
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Écrit par : Michel de Guibert / | 20/05/2021

DISCUSSION

> Il faut quand même noter la faiblesse de Guillaume Erner sur le sujet. Difficile d'aller vraiment loin dans la discussion.
Après c'est du Maurras à la sauce actuelle. C'est donc une énième reprise du christianisme par un biais politique. C'est donc sec et le contraire d'un Évangile vivant.
La lecture de Guillaume Cuchet montre quand même un basculement de la pratique religieuse en 1965. Même si je ne nie pas les coups de butoir d'un capitalisme qui monnaye tout (même le salut), il y a à mon avis un travail plus large à faire sur les héritages de la contre révolution du 19 e siècle entre autres.

Antoine R.



[ PP à AR :

– Pour que les affirmations de Cuchet soient pertinentes, il faudrait qu'il les contextualise mieux qu'il ne fait. L'Eglise ne vivait pas dans une bulle isolée de son époque. Le fameux "décrochqge" du public catholique "à partir de 1965" ne se comprend que si on le met en parallèle avec le décrochage progressif du public des mouvements séculiers. Exemple : en 1956 les syndiqués étaient 40 % du salariat. En 1966 ils n'étaient déjà plus que 25 % (et 6 % en 2006)... Même chose dans les partis politiques, etc.

– La contrerévolution... Mais quoi, au juste, dans cet héritage ? Joseph de Maistre est aberrant (relisez "Les Soirées de St-Pétersbourg"), Barruel délire, le pré-structuralisme de Bonald est très dscutable, Blanc de Saint-Bonnet est lunaire, le cardinal Pie s'écoute parler.... Et tous sont tributaires d'un univers socio-culturel sans aucun rapport avec le nôtre. ]

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Écrit par : Antoine R. | 20/05/2021

ÉNORMITÉS

> Moi aussi, pour avoir écouté Buisson dans les médias nous parler du catholicisme et de son horreur de Vatican II, j'ai été déçu. Son livre sur Sarkozy était un excellent livre politique ; sur la religion, il est moins fort. Il a sa religion à lui, apparemment, et n'hésite devant aucune énormité, comme de dire qu'il comprend les islamistes, parce qu'ils ne supportent pas le laxisme catholique dégénéré ! Aberrant ! J'ai son nouveau bouquin sur ma table, mais je n'ai pas envie d'en commencer la lecture.
Au fond, Buisson, c'est un cas malheureux. Pendant toute une partie de sa vie, il a végété dans des endroits comme "Minute", s'excluant lui-même de tout succès avec des idées antédiluviennes d'extrême droite. C'est Sarkozy qui l'a sorti de l'ombre, charitablement, et ses chevilles ont enflé. Aujourd'hui, il essaie de profiter de la vogue populiste du RN de Marine Le Pen, cherchant une place d'importance dans le monde médiatique. Hélas, à vouloir apporter de l'originalité au discours de droite, sans en maîtriser les tenants et aboutissants -- il n'a sans doute pas lu, comme vous le notez, les documents de Vatican II -- sa tentative va faire pschitt ! Il est comme la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf !
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Écrit par : Bégand / | 20/05/2021

AU CONTRAIRE

> Le kérygme, le résumé de la foi, c'est que Dieu s'est incarné en Jésus pour nous sauver, etc.
En quoi cela peut-il renier l'Incarnation ?
Au contraire ça en parle

EL


[ PP à EL – Oui, et c'est ce qu'ignore M. Buisson. Ou M. Onfray, qui écrivait : "Le christianisme repose sur la négation de la chair" !
Cela dit, il n'y a pas de défaites innocentes : si la foi chrétienne est massivement ignorée en France aujourd'hui, c'est que les chrétiens n'ont pas su (ou voulu) la proclamer et la faire vivre vis-à-vis de leurs contemporains. Entre le vieux progressisme des années 1970-1980 qui liquidait le kérygme, et le vieil intégrisme de la même époque qui rendait la foi antipathique et la mélangeait de lubies politiques, les cathos français ont en grande partie perdu les cinquante dernières années. Pour finir dans un double fourvoiement politisé : l'impasse de la Manif pour tous (pur les uns), et le ralliement effréné aux disruptions "sociétales" du néolibéralisme type LGBTQI (pour les autres)... Comme disait l'autre : et Dieu, dans tout ça ? ]

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Écrit par : E Levavasseur / | 21/05/2021

LE CATÉCHISME DE L'EGLISE CATHOLIQUE

> Et pourtant il y a un document idéal à lire pour ceux qui veulent savoir en quoi avoir la foi consiste : c'est le Catéchisme de l'Eglise Catholique, gros et magnifique volume voulu par Jean-Paul II.C'est un texte vivant, qui respire la foi, qui reste clair sans rien laisser dans l'ombre. Tout y est, avec aménité, en faisant confiance au lecteur, en ne le prenant pas pour un demeuré dont on va laver le cerveau, -- bref le respect. Pur document dans la filiation du Concile, qui s'adresse à tous les hommes de bonne volonté -- et que, là aussi, M. Buisson n'a pas dû lire...
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Écrit par : Bégand / | 21/05/2021

QUE L'OCCIDENT

> La perte de la foi catholique, actuellement, est un fait mais cela ne concerne que l'Occident. Donc, accuser Vatican II, ça permet de dormir tranquille mais ç'est faux. Vatican II était absolument nécessaire à l'Eglise et Benoit XVI (il faut le citer, lui, parce que c'est celui qui passe aux yeux de certains), il faut toujours le rappeler, a dit qu'il était "la boussole de l'Eglise". Il a dit aussi, devant une assemblée de séminaristes à Rome, qu'il y avait eu deux conciles : celui auquel il avait participé et celui des médias...
Déjà, ne comptons pas les troupes catholiques en France : le prophète David s'est fait sérieusement "remonter les bretelles" par Dieu pour avoir voulu recenser ses armées... Il y a 3% de catholiques pratiquants en France et alors! Du temps du Christ, ils n'étaient plus très nombreux lorsque ça a mal tourné.
Et puis, si l'on veut chercher les vraies raisons de la perte de la foi catholique, actuellement, en Occident, on connait bien les raisons : le départ de l'Eglise du monde ouvrier au moment de la révolution industrielle, la guerre de 14 (par exemple pour la Bretagne), l'avènement du consumérisme, etc...
On sait aussi que la foi catholique en France a connu des épisodes très variés, mais nous ne sommes pas là pour refaire l'histoire.
Il y aura probablement, pour encore un certain temps, un courant maurrassien en France : c'est le poids de l'histoire. Ah, Louis XIV, c'était quand même mieux! Les romantiques ne sont pas nécessairement ceux que l'on croit.
J'ai entendu un jour Zemmour parler, lui-aussi, de Vatican II en sortant la même rengaine : ça plait à un certain public et, donc, ça fait vendre. On est content pour lui.
Mais il n'y a pas de temps à perdre avec ces gens-là.
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Écrit par : Olivier le Pivain / | 21/05/2021

> Merci de réagir à cette interview de M. Buisson que j'ai entendue sur France Culture. La manifestation actuelle, dans notre pays, d'une mentalité d'ultradroite, aussi ignorante qu'arrogante, m'inquiète. Je suis surpris par l'attitude de certains de mes jeunes confrères. Je ne leur reproche pas de porter la soutane, surtout qu'à leur âge un rien les habille, mais par leur mentalité proche de celle de M. Buisson qui me semble relever de la même attitude que celle du clergé sous le règne de Charles X. Ce mélange toxique principalement de politique et secondairement de religion mal entendue ne peut que pousser à la catastrophe.
Autrement intelligente et prophétique était l'attitude d'un Lacordaire qui comprenait l'esprit de la France de son temps pour l'évangéliser avec "Dieu et la Liberté". Notre société présente est ce qu'elle est mais elle n'a aucun besoin de petits abbés de cour enrubannés. Il lui faut des prêtres qui soient des hommes, qui parlent et qui agissent comme tels au nom de l'évangile.
Un ultra est quelqu'un qui se crève les yeux et les tympans pour refuser de voir et d'entendre,attitude que Jésus condamne dans l'évangile. Ce refus de voir la réalité et d'écouter ce que disent les contemporains est sans issue. Heureusement le pape François ouvre les yeux, contrairement à Grégoire XVI du temps de Lacordaire, quand il affirme que nous ne vivons pas "une époque de changement" mais un "changement d'époque".
Il est bon de réfléchir au fait que les seules insultes qui soient sorties de la bouche de Jésus étaient adressées à ceux qui avaient cette mentalité de son temps. Pour ma part, je craindrais de me les attirer.

Père Pierre Vignon


[ PP au P. Vignon – Merci de votre approbation. Je ^partage votre avis sur ces sujets (et depuis plusieurs années). Je suis comme vous alarmé de voir une partie des catholiques français s'enfermer dans un mélange politico-religieux hors-sol, qui a échoué en 1820, en 1872, en 1940, et qui ne peut que les mener aujourd'hui à une impasse dérisoire. Et plus profondément, à tourner le dos aux appels du pape pour un véritable témoignage évangélique... Être les reclus d'un bunker absurde, ou être leurs aumôniers, ne répond vraiment pas à l'esprit de la Pentecôte. ]

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Écrit par : Père Pierre Vignon / | 22/05/2021

BUISSON ET LE PAPE

> Une connaissance, qui fréquentait les intégristes et communiait chez eux, m'a un jour dit: "les intégristes sont comme les protestants; comme Luther, ils se font interprètes de la Tradition." J'ai rapporté ces paroles à un prêtre catholique qui m'a dit qu'on ne pouvait mieux exprimer les choses.
Si Buisson pense que le problème c'est Vatican II qui fait ressembler l'Eglise aux protestants, il serait peut-être souhaitable qu'il regarde chez lui.
Le pape François s'est exprimé, si j'ai bon souvenir, au moment de la sortie du livre de Nicolas Senèze sur ce genre de personne. Il a rappelé combien au moment de Vatican I, des partisans de la "vraie tradition" se sont séparés de l'Eglise: les Vieux Catholiques. Il avait conclu: "regardez, aujourd'hui, ils ordonnent les femmes".
Quant à dire que les protestants n'ont pas de dogmes, je parierai pas là-dessus. J'aurais du mal à croire que ce soit le cas, par exemple des évangéliques.
Par contre, PP, méfiez vous de la phrase de Wittgenstein, je pense qu'elle n'a pas le sens que vous lui prêtez. Voir: http://www.theologie.fr/Poly%20-%20Histoire%20de%20la%20Philosophie.pdf

ND


[ PP à ND – Bien sûr, la phrase de W. a un autre sens : elle vient du 'Tractatus' qui est un essai sur les conditions d'exercice de la pensée et préconise le silence sur les questions métaphysiques.. Je le citais par ironie envers PB, justement par cette raison. ]

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Écrit par : ND / | 22/05/2021

MISSION

> Auriez-vous des recommendations de missiologues français contemporains ou de bons ouvrages sur la mission en France?
Dans la ‘Church of England’ le rapport ‘From anecdote to evidence’ sur la croissance des églises a donné naissance au mouvement des ‘Fresh Expressions of Church’ soutenues par l’institution. J’aimerais me renseigner sur les réflexions et initiatives similaires au sein de l’Eglise catholique en France.

Mori


[ PP à Mori :
Je ne dispose pas d'un document de ce genre émanant de la Conférence épiscopale française. J'ignore d'ailleurs s'il en existe un.
Jusqu'à présent l'idée de mission (ou de "nouvelle évangélisation" comme disait la génération Jean-Paul II) a surtout donné lieu, de la part des laïcs, à des rassemblements spectaculaires mais entre soi.
Une véritable missiologie populaire supposerait au contraire que la petite minorité catholique française accepte d'oublier certaines certitudes socio-politiques de milieu, et comprenne que l'on ne peut témoigner de l'évangile qu'auprès de gens dont on partagerait la condition,les soucis et les attentes...
Je vous suggère le livre d'Hendrik Lindell et Pierre Jova, "Comment devenir catholiques... en s'inspirant des évangéliques" (éditions de l'Emmanuel) : constructif et décapant, par deux journalistes au magazine catholique 'La Vie'. ]

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Écrit par : Mori / | 23/05/2021

L'"ENGRENAGE DES ANNÉES 1960

> Le débat sur la question est toujours tronqué car on confond concile et post-conciliarisme. Moi qui ait vécu ces années post-concilaires, je peux affirmer que franchement que cela soit au niveau de l'enseignement reçu au catéchisme ou de la crise liturgique c'était problématique. On était en plein dans les années 60 et de petites minorités issues très majoritairement de l'Action catholique ont pris le pouvoir en s'appuyant sur une lecture très orientée du concile. Le problème est là! Ce n'est pas tant le problème du concile que de l'interprétation qui lui en a été donnée.
Quand le cardinal Ratzinger parlait de dévastation, il posait un jugement très juste. Notre génération a subi dans ces années une tabula rasa sans équivalent ailleurs. Je ne suis pas nostalgiques d'années anté-concilaires que je n'ai pas connues mais ce que je peux affirmer c'est que ces années post-concilaires du fait du climat propre aux années 60 et à la montée en puissance d'un catholicisme tout aussi bourgeois que l'ancien mais progressiste ont fait beaucoup de dégâts!
Personnellement comme des millions d'autres Français j'ai arrêté de pratiquer car je n'en pouvais plus des messes animées, de l'absence totale de références spirituelles dans les sermons. Chaque dimanche on avait le droit à un commentaire orienté du JT !
Il faut faire le bilan de ces années, de manière posée, mais le faire ! Jusqu'à présent on a esquivé ce débat. Honnêtement s'il n'y avait pas eu les communautés nouvelles en France le catholicisme se serait effondré mais vous savez mieux que moi que nos évêques ont mis beaucoup de temps pour les accueillir !

Jean-Claude


[ PP à Jean-Claude – Entièrement d'accord... J'ai connu adolescent les dernières années de l'époque pré-conciliaire et j'ai vu ensuite :
► comment les médias commerciaux déformaient le concile dès 1962 (dans le sens d'une déspiritualisation-sécularisation) avant qu'il ait voté le moindre texte ;
► comment la minorité dont vous parlez (s'appuyant sur cette mise en condition du public par les médias commerciaux), imposait partout au nom du concile des ruptures et des dérapages sans aucun rapport avec ce que le concile avait voté ;
► comment la micro-minorité intégriste, s'appuyant sur cela, a jeté le filet sur une partie déboussolée du public catholique, lui faisant ainsi avaler que le concile avait été... ce que la minorité ultra-progressiste prétendait ! Entente perverse entre les deux déviationnismes. ]

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Écrit par : Jean-claude / | 24/05/2021

SINGERIES

> «Des gens qui menaient publiquement une vie de jouisseurs sans scrupule se répandaient dans les journaux et à la télévision pour faire l'article en chantant la pénombre des églises, les mystères de la crèche, les cantiques, la grande pitié des cathédrales. Tout ça à cause de l'islam, auquel ils croyaient pouvoir répondre par des singeries ».
Sébastien Lapaque, dans son roman "Ce monde est tellement beau".

EL


[ PP à EL – Excellent. ]

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Écrit par : E Levavasseur / | 24/05/2021

UN COURANT

> D'accord avec Jean-Claude.
N'empêche qu'il faut insister sur le rôle de la minorité qui s'est appuyée sur la "mise en condition du public par les médias commerciaux".
Nous vivions dans le "9-3", comme on dit , le diocèse de Saint-Denis. A l'époque, il ne nous semblait pas que lesdits médias étaient moteurs de la dérive, ils répétaient ce qu'ils entendaient. Un certain nombre de prêtres se sont engouffrés dans les élucubrations progressistes, ainsi que des évêques selon le principe "je suis leur chef, donc je vais les suivre".
Et je clame franchement que si la famille est restée amarrée à l'Eglise, c'est grâce à un courant quasi intégriste, mais pas jusqu'au schisme, qui nous a fait découvrir beaucoup de choses, malgré sa chute finale.

PFH


[ PP 0 PFH – Oui en partie : p. ex. l'orthodromie, et une apologétique curieusement "moderne". Ou, sur un autre plan, la reconnaissance de la pleine validité de la "messe de Paul VI", au contrepied des syllogismes faux du lefebvrisme.
Mais la chute dont vous parlez n'eut rien à envier aux récentes révélations sur les communautés nouvelles. Et la conception des "effets" de l'eucharistie était hétérodoxe, comme le constatait encore récemment une note de l'épiscopat... ]

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Écrit par : PF Huet / | 24/05/2021

LES SÉMINAIRES

> Il faut noter aussi un fait caractéristique : les séminaires qui forment des prêtres pour dire la messe en latin connaissent un très grand succès, plus que les autres. Evidemment, il faut distinguer les séminaires romains, fidèles au pape, et les intégristes lefebvristes, qui sont plutôt opposés au Vatican. Les jeunes gens qui se destinent à la prêtrise sont donc une majorité, apparemment, à être en faveur d'un sacerdoce traditionnel. Si cette tendance est réelle -- c'est ce que j'ai pour ma part compris -- cela pose une sorte de question à la religion catholique d'aujourd'hui. Est-ce qu'avoir autorisé les messes sous la forme extraordinaire est une réponse suffisante ? Je ne sais pas, je vous pose la question. J'essaie d'y répondre moi-même en suivant souvent les messes en latin, mais pas chez les traditionalistes d'extrême droite. Est-ce suffisant ? Peut-être en ce sens que, s'il y a beaucoup de séminaristes qui choisissent le latin, une majorité de fidèles conservent l'habitude des messes en langue vernaculaire. Mais les curés manquent, comme on sait. Alors que faire ? L'Eglise ne me semble jamais évoquer cette question. C'est dommage, mais certes la réponse est loin d'être évidente.

Bégand


[ PP à Bégand :

– Je connais bien ces milieux, et de longue date. Je suis donc très sceptique sur leur aptitude à produire les jeunes prêtres dont notre époque aura besoin.
D'ailleurs ill faudrait pouvoir vérifier la réalité de cette supposée affluence de vocations aujourd'hui dans des séminaires soutane-latin.
Vérifier aussi que cette affluence (dans la mesure où elle est aussi grande qu'on le dit) ne comporte pas une part décisive de passéisme politico-religieux – je sais de quoi je parle.
Mais surtout, je crois qu'il est erroné de voir dans le courant néo-traditionaliste et néo-clérical une réponse au défi de ce siècle pour l'Eglise.
Le problème de ce temps n'est pas la forme liturgique, sujet qui ne passionne même pas le public catholique.
Le problème est que 90 % des Français contemporains ignorent tout de la foi chrétienne, et sont embarqués par la sous-culture ambiante dans un mélange de matérialisme consumériste et de subjectivisme absolu, où ne subsistent en fait de spiritualité que des bribes du vieux New Age.
Exemple, vu dans une émission télévisée de recherche de logements : visitant avec l'agent immobilier un bâtiment qui fut un couvent, la cliente remarque un reste d'inscription latine au dessus d'une porte. L'agent immobilier lui dit : "Ça devait être religieux". La cliente croit avoir saisi, et dit d'un air entendu : "Oui, pour chasser les mauvaises ondes."
Voilà où l'on en est.
Le problème est devenu : comment témoigner du Christ auprès de générations qui croient n'en avoir aucun besoin ? Ce sera la mission des futurs jeunes prêtres...
Pour les y former, il faudrait des séminaires d'un type résolument nouveau. Et non ceux qui entretiennent un passéisme étranger à la mission d'aujourd'hui, et ne forment que les aumôniers d'un micro-milieu sociologique fermé sur lui-même ]

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Écrit par : Bégand / | 24/05/2021

LES ZONES RURALES

> Un autre problème aussi qu'il faudrait souligner est que même les prêtres qui voulaient revenir aux fondamentaux du Concile étaient traités d'intégristes. Le seul fait de célébrer dignement la messe vous rendait suspect. Pendant des années la Communauté Saint-Martin qui a aujourd'hui le vent en poupe était regardée avec suspicion et les évêques ne se bousculaient pas pour l'appeler!
Seul le cardinal Luztiger à Paris à l'époque a osé bousculer la doxa post-concilaire et la création de son séminaire fut un véritable acte fondateur. Mais combien d'évêques français ont eu ce courage? Assez peu, de fait.
Les choses ont heureusement bien évolué mais moi qui habite en zone rurale je suis horrifié de voir à quel point le catholicisme a quasiment disparu de ces zones pourtant avant les plus christianisées La priorité des prochaines années doit être là! Il faut arrêter de concentrer les forces missionnaires dans les villes qui sont de plus en plus des réduits sociologiques.
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Écrit par : Jean-claude / | 24/05/2021

L'ESSENTIEL

> Merci pour votre réponse très éclairante, cher PdP. J'avais moi-même fréquenté brièvement ces traditionalistes, lorsque j'étais jeune, poussé par mes parents. C'est vrai que c'étaient des gens repliés sur eux-mêmes, vivant dans une idée fixe fermée sur le réel : une névrose qui tendait à la psychose collective. Il n'y a nul espoir, nulle ouverture chez eux, uniquement une forme d'abrutissement qui se complaît en lui-même. Ils m'avaient forcé à faire un exposé historique sur l'Inquisition, où, m'aidant de livres spéciaux (révisionnistes) qu'ils m'avaient fournis, je devais blanchir et rendre innocente cette entreprise de mort. C'était vertigineux, comme déni de la vérité.
Bien sûr, je n'avais jamais consenti en conscience à cette vision du monde, ou de la religion -- mais c'est ce qui a fait que, par réaction, je me suis éloigné fortement, pendant longtemps, de la vraie foi.
Sinon, je dirais peut-être que les jeunes séminaristes qui veulent faire un chemin d'une exigence spirituelle renforcée (accès à la tradition, latin, etc.) peuvent choisir les ordres monastiques. Les propositions de l'Eglise sont donc très riches et variées, selon les personnalités.
Une dernière question : des statistiques existent-elles sur ces problèmes ? Elles donneraient sans doute une idée de la crise actuelle, mais aussi la direction que pourrait prendre un rebond...

Bégand


[ PP à Bégand – La tradition dans le catholicisme, ce ne sont pas les formes du passé (comme le croient les intégristes) : c'est la réactualisation permanente des formes du témoignage à la lumière du noyau vital de la foi : noyau invariable mais qui inspire sans cesse de nouvelles façons de témoigner.. La Tradition inspire ainsi de grands changements dans l'Eglise, qui sont des recentrages sur l'essentiel. La Tradition ne consiste pas à faire toujours la même chose, mais à tendre toujours au même but à travers des moyens variables. Ce que les intégristes ne parviennent pas à comprendre. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Bégand / | 26/05/2021

@ Bégand et PP

> Notre Eglise souffre, peut-être le temps est-il venu pour elle de replonger dans le Livre de Job ?… En la priant, à tout le moins d'écouter Elihu, cet ami bien inspiré de Job, et en particulier la touche finale de son discours, où il évoque la justice de Dieu : « C’est pourquoi les hommes le craignent ; il n’a pas de regard pour les prétendus sages ». (Job 37:24)
Ces "prétendus sages" (traduction de l'AELF), "ceux qui se croient sages" (TOB-Cerf), il me semble que nous en voyons le type aussi bien chez les pharisiens du temps de Jésus que chez les prêtres abusant du cléricalisme et les habituels intégristes pourfendeurs de Vatican II, sans oublier ces progressistes chrétiens qui parlent d'assurance et d'abondance à la place du Christ, pour prôner par exemple l'ordination sacerdotale des femmes ou la bénédiction des unions homosexuelles… Ces "prétendus sages" feraient bien de prendre ce verset du Livre de Job pour ce qu'il dit et ce qu'il implique, à savoir que si Dieu attend une chose de notre part, dans l'ordre de la Sagesse, c'est d'abord que nous nous reconnaissions pécheurs, personnellement et en Eglise.
Souhaitons donc, pour le bien de l'Eglise, qu'elle fasse sien ce chemin d'humilité, à l'occasion de la démarche synodale annoncée par le pape François, qui commence en octobre (« pour une Église synodale : communion, participation et mission » ; cf. https://fr.aleteia.org/2021/05/21/rome-lance-un-processus-synodal-dune-ampleur-inedite/ ).
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Écrit par : Denis / | 26/05/2021

NATURISTE

> Puisque l'on a évoqué, dans ce fil de discussion, les "prêtres tradis enrubannés", je voudrais évoquer un prêtre qui ne l'était pas du tout, hors norme, que certains des lecteurs du blog connaissent peut-être.
Le P. Jacques (Garnier), sorte de "patriarche" du centre hélio-marin de Montalivet et grande figure du mouvement naturiste, est retourné au Père le jour de la Pentecôte.
https://www.charentelibre.fr/2014/08/16/frere-jacques-le-patriarche-de-montalivet,1909778.php?fbclid=IwAR0W0Rs2-fyVfdhrAPYVlG--LcXbb3il41R-JNdqhYcB6m_ij-FV7Eg5g58

On peut l'entendre dans ce superbe film, 'Loin des yeux', tourné en 2019 de mémoire, à mon avis le meilleur sur le naturisme :

https://www.youtube.com/watch?v=IbRgl0ECrnk&fbclid=IwAR1-wR9oD5qBh40bzJT-r9IHiq4Pg8qlMkHWxCLUB_JKYl7eMybR4sHSJGA
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Écrit par : Feld / | 26/05/2021

D'UN ANONYME

> La tonalité qui prédomine dans votre "billet" sur l'ouvrage de Patrick Buisson" n'est guère flatteuse quant à votre capacité d'analyse. A défaut d'une argumentation sereine et apaisée, on y perçoit essentiellement une acrimonie qui confine à la haine et met en exergue l'intolérance de celui qui ne peut admettre un regard sociologique sur la religion, considérant ce regard comme une intrusion dans un domaine dont vous auriez seul la bonne interprétation et le juste équilibre. Quelle vanité !
Par ailleurs, Traiter "d'ultradroite" les propos de M. Buisson vous positionne du même coup sur l'échiquier politique dans un milieu où le risque n'est pas l'intrusion du sociologique dans la religion mais le syncrétisme idéologico-religieux...

Nicolas A.


[ PP à Nicolas A. :

– Vous ne devez pas nous lire souvent : sinon vous n'imagineriez pas que ce blog appartient à un "milieu" idéologique. J'en ai pratiqué plusieurs dans ma vie et l'on ne m'y prendra plus.

– Vous êtes regrettablement épidermique si vous confondez la critique d'idées avec de "l'acrimonie" ou de la "haine". On n'a pas d'acrimonie ou de haine envers des idées : simplement, elles sont vraies ou fausses. Et dans le cas de M. Buisson parlant de christianisme, elles sont fausses.

– Comment pourrais-je contester le regard sociologique sur les faits de religion ? Au contraire (relisez ma note), je replace la chute du catholicisme sociologique hexagonal dans son vrai contexte, la chute de toutes les affiliations, spirituelles comme séculières, dans la société émiettée par le néolibéralisme et son hyper-individualisme. Je soupçonne d'ailleurs que c'est ça que vous ne voulez pas entendre... M. Buisson, et vous-même apparemment, préférez la pensée magique : il n'y aurait de désaffiliation que chez les cathos et ce serait de la faute de l'abandon du latin, etc). C'est ce qui fait que le regard de M. Buisson, et sans doute le vôtre, sont SOCIOLOGIQUEMENT faux. Réfléchissez-y...

ps – Quand on veut accabler quelqu'un de son mépris, comme vous le faites, mieux vaut signer de son nom. L'anonymat n'est pas la posture la plus héroïque. ]

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Écrit par : Nicolas A. / | 31/05/2021

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