10/05/2021
10 mai 1981 : et "tout" ne devint pas "possible"...
Quarante ans après et malgré quelques poses nostalgiques de médias, l'ère Mitterrand apparaît pour ce qu'elle fut en réalité : un épisode politicien parmi d'autres. Mon éditorial à RCF :
<< 10 mai 1981 : il y a 40 ans, François Mitterrand devient le premier président de gauche de la Ve République. L’événement est symboliquement considérable et cette année-là l’hymne du PS chante, sur une mélodie de Théodorakis : « Tout devient possible ici et maintenant »… En fait « tout » n’est pas devenu possible. On l’a compris avec le recul du temps.
Par exemple, je me souviens de la nervosité qui régnait en juin 1981 dans le journal où je travaillais : il appartenait à un groupe de presse dont le patron Robert Hersant, surnommé « le papivore » par Le Canard enchaîné, était la cible favorite du PS – qui avait inscrit parmi ses priorités le démembrement du groupe. Or ce que nous avons découyert bien après, c’est qu’en réalité Robert Hersant et François Mitterrand n’étaient pas ennemis ! Ils étaient même bons amis, depuis les péripéties de la IVe République, du temps où l’un et l’autre étaient élus du centre gauche : l’un au Sénat, l’autre au Palais-Bourbon. Non seulement le groupe Hersant n’allait pas être démembré, mais ses journaux allaient faire d’excellentes affaires durant toute l’ère Mitterrand. Ce qui prouve que la scène politique est comme l’iceberg : le public n’en voit que la plus petite partie.
Autre exemple : c’est grâce à François Mitterrand, personnellement, que le Front national de Jean-Marie Le Pen a pu s’installer en concurrent de la droite classique : d’abord en 1981, quand l’Elysée a prié les deux grandes chaînes publiques TF1 et Antenne 2 d’inviter Le Pen sur les plateaux. Puis en 1986, quand la proportionnelle fut instaurée aux législatives... Reconnaissant, Le Pen allait déclarer en 2011 : « Mitterrand était un vrai politique ». Ça dépend du sens que l’on donne à ce mot.
Vous me direz : tout a changé depuis ces temps lointains… Oui ! et c’est pour ça que je vous en parle ce matin : seul le recul du temps permet de comprendre en profondeur. Il ne faut donc pas céder à l’impression du moment, qui ne correspond jamais à toute la réalité. C’est à méditer, aujourd’hui où l’on ne s’intéresse justement qu’au moment présent… >>
Son : https://rcf.fr/la-matinale/10-mai-1981
10:47 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : mitterrand
Commentaires
DÈS LE DÉBUT
> Tout à fait. Cela dit, certains ont mis du temps à comprendre (40 ans !), car l'aspect politicien était évident dès le début, et c'est le cas dans la lutte pour le pouvoir depuis des millénaires…
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Écrit par : BCM / | 10/05/2021
RIEN
> Dire que certains en sont encore à 'commémorer' la 'victoire' de Mitterrand... C'est dire s'il ne reste rien de la gauche (et pas grand-chose de la droite).
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Écrit par : Alex / | 10/05/2021
LES DIX MILLE RUSES DE MITTERRAND
> Votre exemple est très intéressant. Je me souviens très bien, comme tout le monde sûrement, de cette soirée d’annonce des résultats d’élections. J’étais au carré des officiers d’une escadrille de sous-marins. Et, à l’annonce des résultats, ce fut une réaction très vive, un véritable choc, comme si un monde s’écroulait. Je ne comprenais pas cette réaction : je n’avais pas voté Mitterrand, tant s’en faut. Mais enfin, Mitterrand, pour ce que j’en connaissais, ce n’était pas Che Guevara (lequel Che Guevara était d’ailleurs issu de la bonne bourgeoisie de Buenos Aires et était fiancé à l’époque à la fille d’un riche propriétaire terrien : voir l’excellent documentaire « Carnets de voyage »).
Mitterrand me faisait plutôt l’effet d’un très habile politicien et j’ai été moins étonné de son parcours de président par la suite.
Quant à Le Pen, très intéressant aussi. Je crois qu’ils se connaissaient très bien. Et on disait d’eux que c’étaient les deux grands tribuns de l’époque à l’Assemblée. Mais si Mitterrand a facilité la montée du Front national, c’était pour prendre en tenaille la droite. Dans le même temps, il montait le mouvement « SOS Racisme » avec Julien Dray, sauf erreur, pour mieux faire monter la mayonnaise.
Olivier le Pivain
[ PP à O. le P. – Oui, Mitterrand a propulsé SOS Racisme pour fournir un carburant au FN : raisonnement à très courte vue.
Notons aussi que parmi les ténor.e.s de SOS Racisme en 1986 et la suite, beaucoup aujourd'hui hurlent contre le danger islamiste... dont ils créèrent les bases d'accueil sociologiques et médiatiques en France il y a 35 ans. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Olivier le Pivain / | 10/05/2021
"TOUT"
> Le "tout" dont il était question est sans doute ce que l'on constate actuellement : mariage unisexe, personnes qu'on marque comme n'étant plus dignes de vivre et qui doivent de ce fait "mourir dans la dignité", idéologie de genre, "cancel culture" et j'en passe.
Effectivement, tout cela est devenu possible, même si on ne l'aurait jamais imaginé à l'époque.
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Écrit par : Bernadette / | 11/05/2021
ALLIANCES
> Dans cette affaire de la montée du Front National, j'ai trouvé la droite très pusillanime (le terme est faible). On l'attaque sur un risque d'alliance avec le Front National. Pourquoi n'a t'elle pas utilisé à fond l'argument de l'alliance du parti socialiste avec les communistes. Il eut été facile de rappeler tous les crimes du communisme dans le monde. Je n'ai vu qu'un seul homme politique, Léotard, oser utiliser l'argument à l'occasion d'une élection à Marseille. Or, le parti communiste n'était certainement pas plus respectable que le Front National. Marchais et sa finesse...Tout cela était pour le moins étrange, mais il y a des explications.
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Écrit par : Olivier le Pivain / | 11/05/2021
SOPRANES
> "les ténors et les sopranes de SOS Racisme", pour être plus exact, est tout aussi ridicule.
(disons "ridifesse", ne choquons point ! et aussi fesselotte, fesse de bouteille, fesse de sac)
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Écrit par : E Levavasseur / | 16/05/2021
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