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28/04/2021

Napoléon : vraies et fausses raisons de le critiquer

napoléon ier

Pour s'en prendre au passé, au moins faudrait-il le connaître un peu. Ma chronique à Radio Présence et Radio Fidélité Mayenne :


<< Napoléon Bonaparte, vous voyez qui c’est ? Il est mal vu aujourd’hui : un courant d’opinion veut qu’on fasse silence sur le bicentenaire de sa mort, qui tombe le 5 mai. Pourquoi ? Parce que Bonaparte contrevient à nos valeurs : il a rétabli l’esclavage en 1802, et en 1804 il a publié le Code civil qui ne voyait pas la femme comme on la voit en 2021. C’est vrai : l’esclavage était inhumain, et le Code civil traitait la femme comme une mineure.

Mais regardons ça de plus près.  Bonaparte a rétabli l’esclavage parce que les financiers français l’exigeaient, au nom de la reprise économique après les péripéties de la Révolution : et la reprise économique, en ce temps-là,  incluait les ressources des îles ; et là-bas les colons – important lobby – prétendaient que sans esclaves les plantations n’avaient plus qu’à fermer. Cette revendication économique aurait posé un cas de conscience à d’autres que le Premier Consul, mais sa conscience le troublait peu et c’était déjà la philosophie du « en même temps » : Bonaparte voulait à la fois faire la guerre et faire de l’argent, le reste étant très secondaire à ses yeux. Il a donc cédé à un lobby comme le font nos dirigeants actuels.

Quant au Code civil, il n’est pas « de Napoléon » : il est de son époque. Il vient des conceptions philosophiques de la bourgeoisie libérale qui s’était imposée à travers la Révolution française. Comme disait un juriste au Conseil d’Etat, le 23 décembre1801 : « La parenté est un droit de propriété ». Quand on envisage la société sous le seul angle de l’argent, des biens et des héritages, ça donne le Code civil.

Remarquez une chose : ce que les opposants au bicentenaire reprochent au Code civil n'est pas d'avoir imposé le libéralisme bourgeois : ils préfèrent croire que le Code infériorisait la femme parce qu’il aurait été l’œuvre d’un tyran militaire macho misogyne, continuateur (paraît-il) du fameux « patriarcat » qui serait la cause de tous les malheurs depuis l’aube des temps... Mais accuser Napoléon Bonaparte d’avoir été l’instrument du passéisme, c’est se tromper sur le sens du Premier Empire, qui ne fut pas la prolongation d’un passé mais au contraire l’installation d’une grande rupture : une « disruption » comme dirait Emmanuel Macron. Un matérialisme autoritaire, qui fit du passé table rase et acheva ainsi d'ouvrir la voie aux régimes bourgeois du XIXe siècle.

Vous me direz : voilà des considérations trop éloignées des catégories mentales d’aujourd’hui. C’est exact. Napoléon Bonaparte comparaîtra donc (à titre posthume) devant le tribunal des anachronismes, qui le condamnera à l’oubli en tant que mâle blanc mort comme on dit dans les universités californiennes  – et françaises, puisque nous nous prenons pour des Américains. >>

 

 

napoléon ier

napoléon ier

 

10:37 Publié dans Histoire, Idées | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : napoléon ier

Commentaires

"DÉTRUIRE VOTRE EGLISE"

> Bonaparte, lors des négociations difficiles avec le cardinal Consalvi pour la signature du concordat, lui aurait dit un jour: "Je détruirai votre Eglise !". Et le cardinal lui a répondu: "Sire, cela fait vingt siècles que nous essayons nous-même et nous n'y sommes toujours pas parvenus !". L'idéologie libéralo-libertaire veut elle aussi la disparition de l'Eglise catholique, ou, en tout cas, sa neutralisation complète par alignement sur la doxa libérale. Parfois, des catholiques viennent en appui de cette idéologie...
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Écrit par : B.H. / | 28/04/2021

LE FOSSOYEUR

> Monstrueuse entrée dans la modernité libérale, en effet, avec Napoléon, continuateur de la Révolution, fossoyeur de l'ancien monde, "ogre" tendu vers la puissance et la conquête démesurée, prométhéenne, "quoi qu'il en coûte"... Cela le condamne bien plus que nos lubies actuelles, des broutilles en effet anachroniques.
Le culte romantique de l'Empereur est mort et enterré, et tant mieux. Le peuple de France, et ceux d'Europe, ont trop souffert par lui. Je me souviens de ma sidération en découvrant son tombeau de porphyre sous la coupole des Invalides : malaise devant tant de mégalomanie (et que tant de gens en aient été envoûtés).
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Écrit par : Alex / | 28/04/2021

à Alex :

> Soit dit en passant, les Cent-Jours et l'entêtement de Napoléon à retrouver son trône se soldèrent, après Waterloo, par la perte de nombreux territoires français : Landau, Sarrebruck, Sarrelouis, Bouillon, Philippeville, etc., n'avaient pas été amputés un an auparavant ; jamais plus ils ne virent flotter le drapeau tricolore. La France fut occupée par un million de soldats étrangers ; le village lorrain de Crévic d'où ma famille est originaire - également celui de Lyautey - eut à subir une occupation russe qui demeura dans la mémoire collective. Un siècle plus tard, ce même village fut quasiment détruit par les troupes allemandes puis, vingt ans après, occupé par l'Allemagne nazie.
Tout cela à cause d'un homme autoproclamé empereur qui, en dix ans, mit l'Europe à feu et à sang : "sans Iéna, pas de Versailles", rappelait Bismarck. La détestation de l'Allemagne envers la "Grande Nation" de l'Ouest qui l'avait dévastée sous Napoléon fut le terreau d'une volonté de revanche (1870) puis d'une contre-revanche (1914), sans évoquer le conflit final de 1939 avec les millions de morts que l'on sait.
Napoléon se voulait empereur de toute l'Europe ; son règne dura une décennie. Le Magnificat, qu'il connaissait, aurait dû le ramener à la raison : "Déployant la force de son bras, Il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, Il élève les humbles".
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 29/04/2021

L'IMPACT

> Merci Patrice, avec une mention toute particulière pour votre dernier paragraphe.
Il faut avoir lu bien peu de Tolstoï ou de Balzac (par exemple) pour ne pas comprendre l'impact qu'eut Bonaparte sur les mentalités en Europe au XIXe - pas seulement parce qu'il fit rêver je ne sais combien de générations de petits sous-off méprisés, sortis du rang, ni juste parce que la presse de notre pays en appelait à ses mânes lors de tout conflit où l'armée française fut engagée jusqu'à la seconde guerre mondiale.

Gardons-nous de ce que nous savons reprocher volontiers: juger l'Histoire avec notre regard courant dominant d'aujourd'hui, la seule chose dont nous soyons certains c'est que ce regard-là sera obsolète et prêtera à sourire demain.

J'en retiens pour ma part le Code Civil, ex-Code Napoléon, dont on dit que les deux tiers (certes un rien toilettés) sont encore applicables et appliqués.
Lequel code, pour faire très vite, constitua le grand basculement dans le droit écrit, et code qui inspira largement de nombreux pays européens et africains principalement, quand il ne fut pas tout simplement copié par pans et adopté.
Succès dont d'aucuns seront prompts à nier la paternité napoléonienne, afin de la reporter, avec quelque raison sans doute, sur le franc-maçon Jean-Étienne-Marie Portalis et Jacques de Maleville, brillants juristes et sudistes, parvenant à imposer le droit écrit - ce qui deviendra la tradition civiliste.

Sur l'homme Bonaparte lui-même, le despote ou l'homme vécu comme providentiel par la populace qui lui était contemporaine, le stratège de génie ou le sanguinaire conquérant, il n'y a rien à ajouter qui n'ait déjà été écrit, dans une langue de choix et par des plumes de haut vol, il y a belle lurette - à commencer par Chateaubriand, parmi tant d'autres.
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Écrit par : Aventin / | 29/04/2021

NAPOLÉON ET LES GUERRES

> Oui, pour la grandeur (géographique) de la France on peut regretter le retour de Napoléon (Talleyrand était un fin négociateur qui plus est avait su garder l'estime de nombre à l'étranger), mais il faut aussi savoir répondre à la question (jamais posée):
Combien de guerres Napoléon a-t-il déclarées ?
L'histoire est écrite par les vainqueurs...
Qui peut m'expliquer pourquoi TOUS les manuels d'histoire parlent de guerres napoléoniennes (ce qui tend à penser qu'il en est l'auteur) alors qu'il n'en a déclaré aucune ?

Franz


[ PP à Franz – Pardon, mais ces guerres ont souvent été rendues inévitables par la politique de Napoléon. Il installe un régime français à Madrid, ce qui provoque l'insurrection populaire espagnole. Il envahit la Russie parce que celle-ci a rompu le blocus continental imposé à toute l'Europe par Napoléon (contre l'Angleterre). Etc... ]

réponse au commentaire
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Écrit par : franz / | 01/05/2021

BRILLANT

> Napoléon, un homme brillant (avec certes de nombreux défauts, comme tout à chacun), et qui en plus ne craignait de s'entourer d'homme brillants (pour preuve la longévité de certains membres de son cabinet). Des qualités qui font défauts à l'heure actuelle où nombre de chefs écartent ceux qui risqueraient de leur faire de l'ombre (bon, certes un pouvoir autocratique permettait d'éliminer facilement "un traitre" éventuel).
Une question :
Napoléon s'est-il fait sacrer empereur d'abord par mégalomanie ou pour marquer (/imposer) sa place parmi les pouvoirs qui l'environnaient (que des têtes "couronnées") ?
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Écrit par : franz / | 01/05/2021

TACTICIEN, PAS STRATÈGE

> Napoléon stratège? Tacticien génial, oui, mais il a commis la pire faute d'un stratège: sous - estimer ses adversaires, d'ou les désastres espagnol puis russe.
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Écrit par : PF Huet / | 01/05/2021

LES FAUTES

> Napoléon n'était pas stratège car la tactique du blocus l'amenait à dominer tout un continent pour vaincre un seul pays, l'Angleterre.
Il n'avait rien compris à l'importance de la marine.
Dans les promesses du sacre, il promettait de conserver toutes les conquêtes y compris territoriales de la Révolution.
Par conséquent les guerres étaient inévitables.
Condamner Napoléon pour son bellicisme, oui mais dans ce cas, il faut aussi condamner la Révolution française : c'est elle qui, en avril 1792 déclare la guerre au roi de Bohème et de Hongrie, c'est-à-dire l'empereur de Vienne.
La malhonnête des manuels d'histoire de la 3e république fera dire que la Révolution fait la guerre "pour se protéger de la coalition des rois". C'est faux.
C'est la révolution qui théorise l'idée des frontières naturelles de la France qu'il faut atteindre à tout prix.
Pour Napoléon il y a également l'assassinat du duc d'Enghien, sorte de crime mafieux, ignoble, qui entache sa mémoire pour toujours, autant que la phrase "j'ai besoin de 100 000 poitrines par an". Et pour terminer, le criminel retour de 1815.
Je lui reconnais une bonne administration et d'avoir amené la paix religieuse après les atrocités révolutionnaires.
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Écrit par : E Levavasseur / | 03/05/2021

@ E. Levavasseur

> L'on dit que c'est au moment de la tentative de coup d'Etat de Malet que Napoléon se rendit compte que son régime ne lui survivrait pas. En effet, au moment où l'on faisait courir le bruit de la mort de Bonaparte devant Moscou, personne ne songea à proclamer le roi de Rome Empereur des Français ("l'Empereur est mort, vive l'Empereur").
Ceci dit, l'on peut comprendre que Napoléon fasse encore rêver, à l'heure où la France n'est plus que l'ombre d'elle-même (avant un sursaut salvateur ? ). Je dois t'avouer que j'ai longtemps eu, en fond d'écran de mon ordi, la carte de la "grande France" aux 130 départements, de Hambourg à Rome.
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Écrit par : Feld / | 03/05/2021

ESPAGNE ET 1812

> Il ne faut jamais parler trop vite... je me suis trompé : Napoléon, a déclaré 2 guerres : celle d'Espagne et de 1812 ...
Les 2 qui lui ont coûté le plus cher...
Du coup je me demande si on parler d'époque bénie où ceux qui déclaraient les guerres les perdaient !
Certes l'assassinat du duc d'Enghien, est-ce sur ordre direct de Napoléon ou pas, je ne sais, mais oui victime innocente que les royalistes ne lui ont jamais pardonné.
J'ai lu , il y a fort longtemps, je ne sais plus où qu'entre le début de la révolution et 1815, le conscrit moyen avait 15 cm de moins, symbole de la saignée démographique imposée par toutes ces guerres même si les armées Napoléoniennes recrutaient aussi à l'étranger.
Une question que je me pose : à l'époque de la marine à voile, la France n'avait-elle pas un handicap : quasiment tous les ports sont tournés vers l'ouest, et les vents dominants étant d'ouest les départs ne peuvent donc être rapides ?
Sacré empereur, il est désigné coupable par tous les républicains, assassinat du duc d'Enghien, il est désigné coupable par tous les royalistes, ayant peu écrit, il est ignoré par tous les intellectuels, pourtant à tous "il fait de l'ombre" ; dès lors comment s'étonner que la France snobe, ignore un aussi marquant personnage de son histoire, il n'a aucun défenseur. Le seul à avoir réclamé quelque filiation malgré un bon bilan économique ayant quitté l'histoire sur une défaite militaire n'a finalement contribué négativement, la troisième république ayant passé son silence tout l'actif. Cependant comme tout à chacun il y a du bon et du moins bon chez Bonaparte.
Qui sait que Talleyrand a séjourné un temps aux Etats-Unis, que Napoléon souhaitait pouvoir y partir.
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Écrit par : franz / | 04/05/2021

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