12/10/2020
Rendons grâces pour 'Fratelli tutti' !
Dans ma chronique de Radio Espérance, je reviens (pour les auditeurs d'Auvergne Rhône-Alpes) sur certains points abordés ici. Et je rappelle que saint Jean-Paul II et Benoît XVI allaient dans le même sens – évangélique – que leur successeur François :
<< Bonjour à tous. Avec Fratelli tutti, le pape François nous donne une encyclique sociale et spirituelle magnifique, reçue avec admiration et gratitude par la grande majorité des catholiques français. Pas par tous, hélas : un certain nombre de personnes, parmi lesquelles des catholiques, se répandent sur les réseaux sociaux pour refuser toute une partie des avertissements de l’encyclique. C’est dommage, parce qu’ainsi on inquiète des gens à tort. Et qu’en ne lisant que les journaux ou les invectives sur Facebook, ils passeront à côté d’un grand texte évangélique qui jaillit directement de la foi au Christ.
Pourquoi est-ce à tort que certains répandent l’inquiétude sur cette encyclique ? Parce qu’ils lui font des reproches sans fondement. Je lis par exemple sur le site d’une personnalité s’affichant comme catholique que, sur la question des migrants, Fratelli tutti ne nous reconnaîtrait pas le droit de nous protéger. Or c’est faux : Fratelli tutti dit le contraire, § 40, écoutez : « L’Europe, aidée par son grand patrimoine culturel et religieux, a les instruments pour défendre la centralité de la personne humaine et pour trouver le juste équilibre entre le double devoir moral de protéger les droits de ses propres citoyens, et celui de garantir l’assistance et l’accueil des migrants... » Ou au § 38 : « Il faut aussi réaffirmer le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire d’être en condition de demeurer sur sa propre terre... » Et le § 41 : « Je comprends que, face aux migrants, certaines personnes aient des doutes et éprouvent de la peur. Cela fait partie de l’instinct naturel de légitime défense. Mais il est également vrai qu’une personne et un peuple ne sont féconds que s’ils savent de manière créative s’ouvrir aux autres. »
C’est ce que disait déjà saint Jean-Paul II. Et Benoît XVI dans l’encyclique Caritas et veritate, § 62 : « Tout migrant est une personne humaine qui, en tant que telle, possède des droits fondamentaux inaliénables qui doivent être respectés par tous et en toutes circonstances »... Le pape François ne dit pas autre chose !
Idem sur la coopération sociale entre les religions : François la souhaite et on le lui reproche. Mais saint Jean-Paul II la souhaitait aussi, et Benoît XVI, je le cite : « La religion chrétienne et les autres religions peuvent apporter leur contribution au développement si Dieu a aussi sa place dans la sphère publique... » C’est dans Caritas et veritate. Et saint Jean-Paul II le disait déjà, et le faisait, et certains déjà le lui reprochaient…
Alors pourquoi reprocher à François ce que disaient déjà ses prédécesseurs ? Arrêtons cette querelle très suspecte dans ses vrais mobiles : les opinions d’un milieu politico-économique cherchant à influencer le public.
Et nous tous, rendons grâces pour Fratelli tutti ! >>
08:55 Publié dans AVEC LE PAPE FRANÇOIS | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : pape françois, encyclique
Commentaires
"LE DROITISME EST UN GAUCHISME"
> Le droitisme est un gauchisme comme les autres.
Pendant des années ... Ces années où la gauche avait le monopole du coeur et de la culture, la droite s'est contentée d'exprimer des regret et de hurler à l'injustice. On bâillonnait la droite, on la censurait ... Cela a entrainé une paresse intellectuelle de gauche comme de droite. La gauche se contentait d'être elle-même et dans ce processus d'homéostasie entropique bien connu de la systémique, elle s'est effondrée... A droite, on ne s'est contenté que de faire revenir à la mode les idées érigées en idoles : nations, peuple, croissance...
Le logiciel zemmourien est fondé sur une idée de nation qui serait indépassable (pourquoi ?) et pour laquelle tout devrait concourir... dont la religion. Son "analyse" de l'encyclique montre une méconnaissance crasse de ce qu'est la religion catholique. Dans un mimétisme de ce que fut la gauche, il appelle "dogmes" des choses qui n'ont absolument rien à voir avec la foi et se complaît dans un discours formaté contre le pape. On observait cela à gauche du temps de ses prédécesseurs, on observe cela aujourd'hui à droite.
A l'origine, un réflexe pavlovien : le pape fut bien accueilli à gauche au début de son pontificat, il fallait donc dézinguer le pape de gauche... En 14-18, il s'agissait aussi de dézinguer le "pape boche" en France et le "pape français" en Allemagne. Benoît XV s'en prenait déjà plein la figure, parce qu'il était déjà scandaleux de mettre le Christ au dessus de la Nation.
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Écrit par : Benoit Cs. / | 12/10/2020
ATLANTICO
> https://www.atlantico.fr/decryptage/3592963/fratelli-tutti--la-bien-mediocre-copie-du-pape-francois-religion-foi-croyants-fideles-solidarite-fraternite-humaine-vatican-rome-edouard-husson-
Un monsieur bien énervé qui ferait passer les papiers du 'Figaro' pour d'élogieuses recensions...
PV
[ PP à PV – Ce polygraphe est un exemple de la dérive décennale d'une droite conservatrice modérée vers un sectarisme furibond, qui désormais a droit de cité au Figaro. Quant à Atlantico, son nom seul le situe : comme si autrefois un site communisant s'était intitulé "Hourra l'Oural".]
réponse au commentaire
Écrit par : Philippe de Visieux / | 13/10/2020
à Patrice :
> Wikipedia mentionne comme contributeurs réguliers d'Atlantico (entre autres) : Chantal Delsol, Rémi Brague, Jean-Robert Pitte, Nicolas Diat, Gaspard Koenig, Gérard de Villiers et Jean-Marc Sylvestre. Tous sont libéraux, très à droite et, pour les quatre premiers, catholiques et bergogliophobes. On y trouve également Charles Cogan, ancien chef de la CIA à Paris...
PV
[ PP à PV – Oui : cette liste est un manifeste. De même que le plateau du colloque lancé (juste en ce moment comme par hasard) par Mme Coffinier sur un thème "scolaire" : elle annonce ce matin que les vedettes en seront, là aussi, Mme Delsol et M. Pitte ; et Radio Notre-Dame, bien entendu, diffuse cette information subliminalement anti-pape sans le moindre commentaire. "Quasi-schisme gallican", dit un religieux de mes amis... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Philippe de Visieux / | 14/10/2020
De PP à Philippe gzly
> Sans sectarisme ? En apparence et en habillage. Mais relisez ce texte, fait pour amener en douceur à une conclusion hétérodoxe, et mesurez-en la fourberie. C'est une soustraction partielle d'obédience à l'encontre du pape. Et c'est inadmissible. Sur la réception due à l'enseignement social pontifical, relire la directive de saint Jean-Paul II dans 'Christifideles laici'...]
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Écrit par : à Philippe gzly / | 14/10/2020
@ Philippe de Visieux
> Rémi Brague libéral et très à droite ? Libéral je ne pense pas. Pas plus que très à droite. Bergoliophobe non plus : il a exprimé des désaccords avec des propositions du pape François mais, à ma connaissance du moins, n'a jamais versé dans l'hystérie et la calomnie haineuse. C'est quand même très différent, non ?
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Écrit par : Louis Charles / | 14/10/2020
"SINISTRE PLAISANTIN"
> JR Pitte, autrefois président de Paris IV Sorbonne, est un sinistre plaisantin se présentant comme un champion du catholicisme et un expert scientifique dans sa discipline (la géographie)... C'est le patient du mois du Professeur Foldingue dans 'La Décroissance'.
À noter aussi : l'entretien que Vincent Cheynet accorde à 'Limite' pour les 5 ans de la revue, qui le reconnaît comme un inspirateur de premier ordre. Cheynet termine d'ailleurs par une analyse intéressante de la racine de bien des maux 'sociétaux' actuels dans le mariage pour tous. Totalement raccord avec les analyses de la CEF.
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Écrit par : Alex / | 14/10/2020
à Louis Charles :
> Aucun des membres de cet aréopage ne verse dans l'hystérie ou la calomnie haineuse. Ces gens sont polis et bien élevés ; ils nourrissent une bergogliophobie feutrée mais non moins réelle, sur le thème 'le pape, Argentin, ne comprend rien à l'Europe' (Brague), 'ne comprend rien au libéralisme' (Delsol), etc.
Que Rémi Brague ne soit pas un libéral à la Jean-Marc Sylvestre, c'en effet le cas. Mais certaines de ses déclarations sont fort éloignées des enseignements de la dernière encyclique : "il ne faut pas lire les paraboles naïvement. Elles ne nous disent pas ce que nous devrions faire, mais ce que Dieu fait pour nous" affirme-t-il.
Je ne suis pas certain que le pape agréerait l'interprétation selon laquelle "dans la parabole du bon Samaritain, nous ne sommes pas le Samaritain. Présenter celui-ci comme le héros positif, comme le sauveteur, voire comme le sauveur, c’était une audace fantastique en milieu juif où l’on haïssait les Samaritains comme des impurs. S’imaginer que nous pourrions nous identifier au Samaritain et donc jouer le rôle de Dieu, c’est quand même un peu culotté ! En fait, nous sommes le blessé laissé pour mort. Dieu est descendu nous ramasser alors que nous étions en piteux état".
Interrogé sur la demande papale d'accueillir les migrants, Rémi Brague répond par conséquent qu'"accueillir est un un mot bien vague" : la parabole ne s'appliquerait pas aux États, qui ne sont pas des "personnes", etc. Bref, Brague dézingue la parabole du Bon Samaritain.
Derrière cette construction intellectuelle, le philosophe s'indigne de l'appel du pape à faire accueil aux migrants : Argentin, Bergoglio n'aurait été confronté qu'à une émigration italienne et catholique en pays hispanisant, ne comprendrait pas la situation européenne actuelle. Mais en décrédibilisant ainsi le Saint-Père, l'illustre professeur ne fait rien d'autre que suivre un Pitte qui accuse le pape de manque de sérieux dans sa réflexion sur l'écologie.
Dans 'Fratelli Tutti', François ne fait preuve d'aucune naïveté : il ne fait que rappeler que la parabole du Bon Samaritain ne s'applique pas qu'à ceux que l'on choisit, mais à toute personne que la Providence place sur notre chemin. Le prochain est en effet l'exact contraire du proche : en prendre soin n'est assorti d'aucune condition d'ethnie, d'âge ou de religion ; l'amour du prochain est un amour dû à un frère en humanité, issu d'un même Père.
En cela, il ne me semble pas que M. Brague - qui n'est évidemment pas l'Alice Coffin du catholicisme - se soit manifesté par une grande fidélité au pape François, en particulier en relation à la question migratoire.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 15/10/2020
QUESTIONS
> Puisque la discussion porte entre autres sur la parabole du bon Samaritain, voici une question que je me suis souvent posée, sans jamais prendre le temps d'aller chercher la réponse en détails dans les très nombreux commentaires qui se sont très certainement succédé depuis près de 2000 ans.
Cette parabole est une réponse de Jésus à la question du docteur de la loi : «Qui est mon prochain ?». La parabole se termine à son tour par une question : «Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands?» (la question n'est donc pas : qui était le prochain du Samaritain, mais bien qui était le prochain de l'homme blessé). Réponse : «celui qui a exercé la miséricorde envers lui». Bref, le prochain ici, c'est le Samaritain lui-même. Et ce Samaritain est donné en exemple: «Va, et toi aussi, fais de même».
Mais la question initiale venait après le rappel du commandement: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même». La parabole doit donc se lire aussi comme une invitation pour l'homme blessé d'aimer le Samaritain, celui qui a été son prochain, son sauveur. Or il me semble que cette lecture qui découle logiquement du texte est rarement soulignée, quand elle n'est pas carrément perdue de vue, en tout cas dans les lectures contemporaines (le Moyen Age, si j'en crois Wikipédia, insistait au contraire sur le fait que le Samaritain symbolisait le Sauveur, c'est-à-dire le Christ, celui que nous, hommes blessés, devons aimer).
La deuxième chose c'est que le Samaritain confie le blessé à l'aubergiste et lui paie deux deniers pour cela. Ce n'est pas une somme énorme pour l'époque, moins que les talents de la parabole du même nom, mais c'est une monnaie d'argent, pas non plus de la menue monnaie donc. Puis il s'en va après avoir promis de payer à son retour toutes les dépenses supplémentaires qu'aura faites l'aubergiste. Une lecture littérale, socio-économique, même en tenant compte du contexte historique, amène à conclure que seul un homme suffisamment fortuné, sans être nécessairement une très grande fortune, peut faire cela (la parabole ne le dit pas, mais on peut penser que le Samaritain est un commerçant, qui voyage pour ses affaires, tout en étant accessible à la compassion). La lecture symbolique médiévale identifiait l'argent donné et promis à la Parole divine dont l'hôtelier est invité à user sans limite, pour l'homme blessé, jusqu'au retour du Sauveur.
Est-ce que la lecture contemporaine habituelle - je me souviens que c'était déjà celle que l'on nous faisait au catéchisme dans les années 1970-1980 - à savoir «il faut être de bons Samaritains et venir en aide aux personnes dans le besoin» ne réduit pas un peu le sens complet de cette parabole ?
(NB. Ma question ne porte pas sur 'Fratelli Tutti', que j'ai commandée chez mon libraire mais qu'il n'a pas encore reçue et que je n'ai donc pas encore lue).
JM
[ PP à JM – Le propre des Eciritures de la collection de livres qu'on appelle Bible, est la multiplicité des lectures que l'on peut faire de chaque texte : multiplicité des niveaux, des dimensions, voire des interprétations-gigognes...
Chaque époque en fait la lecture correspondant à ses besoins profonds. Les intellectuels du Moyen Âge, dont la pensée était structurellement symboliste, ne lisaient pas la Bible comme nous qui sommes devenus utilitaristes ! ]
réponse au commentaire
Écrit par : JM / | 16/10/2020
Oui
Et en sanctionnant le cardinal Becciu le pape François met ses actes en harmonie avec son discours.
Aucune pitié pour ceux qui mettent l'argent avant l Amour.
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Écrit par : Phil / | 17/10/2020
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