Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/05/2020

“Face aux crises, ouvrir un chemin de conversion radicale”

crise,le social,les catholiques

Appel de l'équipe du Centre de recherche et d’action sociales (CERAS : l’un des pôles de réflexion du catholicisme social, animé par des jésuites et des laïcs – http://ceras-projet.org/). Ne laissons pas les managers de l’ultralibéralisme profiter de la crise pour aggraver encore leur emprise sur le monde et nos vies !


<<  S’il n’a pas été une épreuve trop lourde – pour des raisons sociales, psychologiques ou relationnelles –, le confinement aura peut-être permis de repérer du superflu dans nos vies, de poser un autre regard sur notre mobilité hyperactive, notre consommation frénétique, notre rythme de vie accéléré... Chacun est invité à une relecture : ne pourrions-nous pas garder de ces dernières semaines quelques bonnes idées pour la suite ?

La crise sanitaire liée au coronavirus a, certes, rebattu les cartes dans de nombreux domaines : revalorisation des services publics, remise en cause de dogmes budgétaires que l'on nous avait présentés comme figés à jamais, constat des méfaits d'une mondialisation dérégulée... Elle nous fait espérer un changement enfin possible dont nous percevons quelques premiers pas.

Mais la crise sociale est là, qui menace des jeunes pour qui le premier emploi se fait toujours plus lointain, les familles précarisées par l'absence des revenus habituels, les pays du Sud qui n'auront pas les moyens de renforcer seuls une économie ébranlée par le confinement, ou encore les exilés entassés aux confins d'une Europe qui a fermé ses frontières...

Elle nous rappelle qu'il aurait été bon de réfléchir plus tôt, comme nous y invite le pape François, à une « certaine décroissance » (Laudato si', LS 193) choisie, sélective, se donnant « comme objectif prioritaire l’accès à l’emploi pour tous » et non les « intérêts limités des entreprises et d’une rationalité économique discutable » (LS 127).

Au lieu de cela, nous subissons maintenant une récession violente, imposée par les événements. Pour l'affronter, il nous faudra plus que jamais coupler engagements écologique et social.

Car les chantres d'un néolibéralisme et d’une mondialisation dérégulée ne semblent pas prêts à laisser les rênes du pouvoir. Et les plans de relance qui s'annoncent peuvent être très inquiétants : ils révèlent que l'idolâtrie de la croissance à tout prix nous guette encore, et toujours plus fortement avec la peur légitime de la crise socio-économique !

Sans critères environnementaux et sociaux pour rediriger notre économie dans la bonne direction, nous préparons des crises pires.

Crise financière, canicules, crise sociale et démocratique, Covid… Nous allons de crise en crise en proposant pour chacune des réponses qui tentent de maintenir un système à bout de souffle sans nous attaquer aux racines du problème de cette « complexe crise socio-environnementale » (LS 139) qui englobe toutes les autres.

La crise sanitaire pourrait-elle être le kairos qui nous conduira à changer réellement ? Le pape François nous y invite, espérant « que cette période de danger nous fera abandonner le pilotage automatique, secouera nos consciences endormies et permettra une conversion humaniste et écologique pour mettre fin à l’idolâtrie de l’argent et pour placer la dignité et la vie au centre de l’existence » (François, Lettre aux Mouvements populaires, 12 avril 2020).

Au cœur de nos confinements comme au sortir de ces quarantaines, comment répondrons-nous à cet appel à la conversion ?

N’abandonnons pas l’écologie intégrale, n’abandonnons pas un style de vie prophétique, n’abandonnons pas le désir d'une conversion communautaire radicale. L'Église que nous sommes est attendue sur ce terrain.

Le déconfinement qui s'annonce nous offre l'occasion de devenir cette « Église en sortie » que le pape François appelle de ses vœux. Et nous serons peut-être les premiers surpris de découvrir que la richesse de l’expérience communautaire vécue dans la célébration eucharistique se vit aussi dans les actions et les combats au service de nos frères et sœurs, ceux d’aujourd’hui et ceux de demain.

Le chemin de la conversion n’est pas un chemin de solitude. Nous nous y engageons, ensemble, avec d’autres, au service du « monde d’après ». Ce monde n'est pas un rêve, mais une tâche qui commence maintenant, dans l'espérance de la « terre nouvelle » que nous attendons comme un don, mais où nous retrouverons, transfigurés, tous les fruits de notre labeur au service de la dignité de tous et de la communion fraternelle (Gaudium et Spes, GS 39).

Beaucoup de chrétiens ont déjà fait preuve d’une grande envie de s’engager depuis le début du confinement. Beaucoup ont déjà mis leurs vies au service de cette « détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun ; c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que, tous, nous sommes vraiment responsables de tous. »  (Jean-Paul II, Sollicitudo rei socialis 38). Tous, car cette crise n’est pas qu’un défi réservé aux chrétiens mais concerne l’ensemble de la famille humaine. Il est temps de transformer l’essai, collectivement.

Car c'est aujourd'hui qu'il nous faut faire entendre nos voix !

Comment ? Les gestes symboliques sont importants mais devenus insuffisants. Ils finissent par épuiser. Nous avons maintenant besoin d'actes forts : personnels certes, mais aussi collectifs, à commencer par nos paroisses.

Ces premiers jours de déconfinement sont le moment favorable pour décider enfin – selon sa situation - de changer de banque (et de demander à son diocèse de désinvestir des énergies fossiles), de passer à l'énergie renouvelable (et de demander à sa paroisse de faire de même), de choisir une destination plus proche pour ses prochaines vacances, de s'engager dans une association de solidarité, de partager son salaire, d’interroger les finalités de son travail...

Il s’agira aussi de dépasser les frontières de nos communautés pour rejoindre ces mouvements de la société civile et de l’altermondialisme animés, comme nous, de cet idéal d’une terre dont tous les fruits seraient vraiment destinés « à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples » en sorte que « les biens de la création [affluent équitablement] entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité » (GS 69). Il s'agira d'oser un « amour civil et politique » (LS 231) qui n’ait pas peur de rejoindre les lieux de décision. Nous le savons, pour servir le bien commun, nous ne pouvons « absolument pas renoncer à la participation à la ‘politique’ » quelles que soient les accusations dont elle puisse être l’objet, ni « justifier le scepticisme ou l'absentéisme des chrétiens pour la chose publique » (Jean-Paul II, Christifideles laïci, 42). Viser ce niveau d’engagement est indispensable pour demander des comptes à nos dirigeants et appeler un changement de cap. Ces revendications politiques donneront sens à nos conversions individuelles et collectives.

Saurons-nous relever le défi ? Choisir la voie de l’écologie intégrale n’est, pas plus que la charité, une simple option pour les chrétiens. C’est répondre à notre appel de baptisée et baptisé à suivre le Christ et à prendre soin de nos frères, de nos sœurs, et de la création.

 

Cette crise vous donne envie de vous engager pour faire avancer la transition sociale et écologique ? À la suite du pape dans Laudato Si, au Ceras nous pensons que c’est le moment de réaliser effectivement notre conversion radicale – mais que les gestes individuels, bien que nécessaires, sont insuffisants. Seule une mobilisation collective au sein de nos communautés et de nos lieux de vie permettra d’opérer la transition. Envoyez-nous vos coordonnées à secretariat@ceras-projet.com, nous pourrons vous recontacter pour vous mettre en lien avec d'autres personnes de votre région, vous proposer des ressources pour penser et agir et vous inviter à collaborer avec nous pour démultiplier de telles initiatives de conversion socio-écologique sur tout le territoire.  >>

 

 

 

"Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ?"

(Actes, 1)

crise,le social,les catholiques

 

Commentaires

LA DIACONIE

> Dans le triptyque évangélique 'prière/témoignage/service' (liturgia/martiria/diaconia), il est clair que "l'Eglise en sortie" du pape François met au premier rang la diaconie, le service du prochain et l'urgence de secourir ceux qui sont dans la difficulté ou dans la peine, quitte d'ailleurs à ce que cette urgence diaconale ouvre à la prière ou à un enseignement.
Et donc, question (regardons autour de nous) : qui réclame notre secours, qui désire et demande notre aide ?
Là est notre urgence, identifier les besoins des personnes, voire des communautés, clarifier les demandes des unes et des autres, sachant que, la plupart du temps – rien de nouveau sous le soleil –, on n'attendra pas des "chrétiens en sortie" qu'ils discourent sur "la crise" et sur les engagements sociaux et écologiques propres à la surmonter. Mais qu'ils agissent.
En janvier 1850, Victor Hugo, débattant à l'Assemblée nationale sur la liberté de l'enseignement, montrait à cet égard la limite de tout discours touchant le religieux et venant notamment de l'Eglise, en déclarant ceci : « L'enseignement religieux véritable, celui devant lequel il faut se prosterner, le voici : c'est le Frère de la Merci rachetant l'esclave, c'est Vincent de Paul ramassant l'enfant trouvé, c'est la sœur de charité au chevet du mourant, c'est l'évêque de Marseille au milieu des pestiférés, c'est l'archevêque de Paris affrontant avec un sourire sublime le faubourg Saint-Antoine révolté, s'inquiétant peu de recevoir la mort pourvu qu'il apporte la paix. »
______

Écrit par : Denis / | 21/05/2020

ABANDONNER LES "G P I"

> Une première démarche pourrait consister à abandonner tous les « grands projets inutiles » qui sont chacun une structure de péché contre la Création ou en opposition avec la doctrine sociale de l’Église.
Il y a quelques jours, je réalisais l’ampleur du saccage environnemental qu’a représentée l’implantation du Center Parc des Trois-Forêts, au sud de Sarrebourg : 435 hectares (dix fois le Vatican !) occupés par plus de mille bungalows, des parkings, des spas, un immense bassin tropical, des résidences haut de gamme pour clientèle huppée allemande et suisse, une ligne de chemin de fer intérieure tellement le parc est vaste, un (incontournable) ‘escape game’, une salle de jeu au laser, etc. Autant d’hectares prélevés sur la forêt, bétonnés au détriment d’une population animalière qui ne pèse pas grand-chose face au million d’euros de taxes perçu par les communes environnantes, devenues poumon économique de l’Est mosellan.
Rien n’est ‘Laudato Si’ dans ce gigantisme et cette litanie de gadgets, à commencer par la monstrueuse gabegie énergétique qu'exige le fonctionnement du site : la tâche du chrétien est de faire comprendre qu’entre la préservation de 435 hectares de forêt et une rente annuelle d’un million d’euros associée à 600 emplois, c’est la première qui doit être retenue dans tous les cas, même si cela doit être au prix d’une grande sobriété et de revenus moindres pour toute une population.
______

Écrit par : Philippe de Visieux / | 22/05/2020

Les commentaires sont fermés.