27/04/2020
Aux USA aussi, le choc sanitaire devient politique
Sous l'impact économique de la pandémie, la société américaine prend graduellement conscience de sa réalité sociale – victime de l'idéologie pro-milliardaires de Donald Trump... Mais Biden fait-il le poids ? Analyse du journaliste catholique Michael Sean Winters :
<< Au parti démocrate tout le monde voudrait poser la même question au futur candidat, l’ex-vice-président Joe Biden : où êtes-vous passé ? Il est temps pour lui de se montrer et de donner un contenu à sa campagne électorale. Et ce contenu s’impose. Au-delà des pronostics plus ou moins gratuits sur ce à quoi ressemblera notre société après le Covid-19, une évidence éclate dès maintenant : nous apprenons à reconnaître que les gens vraiment essentiels à la nation sont les fermiers, les infirmières, le personnel de nettoyage des hôpitaux et des magasins d’alimentation, les travailleurs sociaux, les guichetiers de banques, les maîtres d’école, tous ceux qui restent au travail chaque jour pour la sécurité des Etats-Unis – et ceux d’entre eux dont l’absence subite laisse le pays anxieux de les voir revenir. […]
Il faut à Joe Biden devenir le champion de l’Amérique des travailleurs. Il lui faut toucher les syndicats des infirmières, des camionneurs, des salariés de l’hôtellerie-restauration, des policiers, des enseignants, des fonctionnaires. Il lui faut afficher un programme qui récompenserait ces travailleurs comme ils le méritent, en rappelant le soutien qu’il a toujours apporté à leurs droits. Il lui faut condamner toute subvention allant dans la poche des patrons et des actionnaires et laissant les salariés dehors. Il lui faut joindre les gouverneurs démocrates et républicains pour exiger des équipements de protection pour les travailleurs de première ligne. Il lui faut devenir le champion de meilleurs salaires pour les métiers durs et les métiers nobles. Il lui faut proposer un plan pour les jeunes qui ne vont pas à l’université, et un plan pour réduire la dette universitaire de ceux qui y vont…
Avant que la politique ne soit détournée par la prétendue “guerre culturelle”, il y avait un proverbe à propos de l’élection présidentielle : si les électeurs vont dans l’isoloir en se voyant comme contribuables, ils votent républicain ; s’ils y vont en se voyant comme travailleurs, ils votent démocrate. Il faut que Biden les amène à se voir comme travailleurs, et à voir les super-riches comme contribuables.
Le choc économique provoqué par le virus, et par le refus de Trump d’agir énergiquement durant tout le mois de février, exige au XXIe siècle l’équivalent du New Deal. Ou bien le futur gouvernement s’y engagera et aidera le peuple américain à se remettre debout ; ou bien – si Trump est réélu – on peut s’attendre en économie à plus d’idéologie favorisant les plus riches et ne laissant que des miettes au reste d’entre nous.
Chaque métropole de la côte et chaque hameau rural du Midwest est en souffrance. L’empathie de Biden est sans doute insatiable, mais les travailleurs de ce pays n’ont pas besoin de quelqu’un qui ressente leur souffrance. Ils ont besoin d’un champion qui se batte pour améliorer leur existence, défendre leurs droits et faire en sorte qu’ils ne soient pas forcés de payer la note pour des aides aux riches et aux puissants. >>
(National Catholic Reporter, 22/04).
12:32 Publié dans La crise, USA | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : etats-unis, coronavirus, crise
Commentaires
PERTINENT
> Certains aspects de cet article (mais ce ne sont pas les seuls) sont très pertinents, comme par exemple "joindre les gouverneurs démocrates et républicains pour exiger des équipements de protection pour les travailleurs de première ligne" et "Avant que la politique ne soit détournée par la prétendue “guerre culturelle”...".
Devant des situations réelles, d'autres différences apparaissent que celles entre des partis politiques qui ne sont plus que des clubs plus ou moins identiques prenant des postures pour se distinguer aux yeux des électeurs.
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Écrit par : Sven Laval / | 27/04/2020
MÊME SI
> Un ruisseau étant une dépression dans laquelle se concentrent les précipitations, même si le ruissellement existait, ça voudrait dire que la richesse passerait toujours aux mêmes endroits donc ça ne profiterait pas à tout le monde mais toujours aux mêmes
Donc même si ruissellement il y avait...
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Écrit par : E Levavasseur / | 28/04/2020
'LE RUISSELLEMENT'
> Et pour changer des images, voici une illustration en musique !
https://www.youtube.com/watch?v=YzgaFxZfd9M
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Écrit par : JF / | 28/04/2020
> La théorie du ruissellement nous vient de Mandeville. Il l’a décrite dans une explication de sa fable des abeilles. L’inégalité qui permet à 16 personnes d’avoir plus de moyens financiers que 3,8 milliards de gens parmi les plus pauvres est un des arguments contre cette théorie. Le dessin en tête de cet article décrit très bien le problème que j’ai avec ce détail de la théorie de Mandeville.
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J’en recommande la lecture non pas pour y adhérer mais pour savoir contre quoi « Laudato Si » se pose. Je pense que Trump adhère, consciemment ou non, à cette théorie qui a valu à son auteur le surnom de « Man Devil ». Poliment, je la rejette.
Quant à l’analyse de Michael Sean Winters, elle établit bien la hiérarchie des gens essentiels à la bonne marche des USA. Cela vaut pour tous les autres pays de la planète.
La conclusion de cette analyse est que Biden doit faire ceci et cela. Un journaliste dit à un candidat à la présidence ce qu’il doit faire. Cela me fait écrire que la ?prétendue » guerre culturelle est réelle et fait rage.
Les journalistes y sont ceux qui disent aux gens ce.à quoi ils doivent penser et croire. Le bourrage de crâne de la guerre 14-18 avait ce rôle. Les journalistes ne sont plus là pour dire la vérité à tous. C’est du journalisme de temps de guerre.
Une autre marque de cette guerre est de pouvoir s’imaginer que Joe Biden, le vice-président d’Obama, va devenir le champion des travailleurs si on le lui demande fermement. Nous ne sommes plus dans l’énoncé de la vérité mais dans un rapport de forces. Il se résout par la violence verbale mais violence quand même.
L’argument que le pays a besoin d’un champion qui se batte pour les travailleurs va aussi dans le sens de la guerre culturelle en cours.
Les USA sont un pays divisé. Le fossé entre les camps se creuse. Les haines deviennent recuites. Les coups bas deviennent la règle. Les vérités sont élastiques. Le dialogue est mort. Je pense que ce pays descend en vrille.
Quand il percutera le sol, nous serons tous sous son cadavre et nous n’en ressortirons pas tous.
Écrit par : DidierF / | 29/04/2020
REVOILÀ D.S.K.
> https://archives.politiqueinternationale.com/revue/article.php?id_revue=0&id=1945&content=texte
Dominique Strauss-Kahn, jadis héraut de la mondialisation heureuse, développe une analyse fournie de la crise actuelle ; on ne peut que souscrire à beaucoup de ses remarques, en regrettant toutefois une quasi-absence des enjeux environnementaux. On sait l’homme du Sofitel réticent aux mea culpa : son article n’en contient donc pas. Il n’en demeure pas moins que, contrairement à Pascal Lamy, l’ancien directeur général du FMI ne croit pas à la mondialisation comme réponse à la crise. Quelques extraits :
« Pour les uns, considérés comme des idéalistes, c’était l’absurdité écologique de faire transiter vingt fois des marchandises d’un bout à l’autre de la planète qui était en cause, en particulier pour les chaînes de valeur alimentaires. Pour les autres, considérés comme des doctrinaires, c’était la dénonciation d’un système permettant aux habitants des pays riches de continuer à profiter de la rente coloniale. La mondialisation ‘stade suprême du capitalisme’ en quelque sorte. Pour d’autres enfin, considérés comme pessimistes, c’est la sécurité des approvisionnements qui était visée. On pense ici évidemment à la sécurité sanitaire ; 90% de la pénicilline consommée dans le monde sont produits en Chine. C’est aussi le cas avec les terres rares dont la Chine détient de facto un monopole de production alors même qu’il s’agit de composants essentiels à l’ensemble de l’industrie électronique et de communication. Tous avaient partiellement raison et il est fort probable que la crise conduise à des formes de relocalisation de la production, régionales sinon nationales. »
« L’Union européenne a la possibilité, et pour moi le devoir, de fournir des éléments de réponse mais la mollesse du Conseil européen du 26 mars dernier et la pantomime de l’Eurogroupe ne poussent pas à l’optimisme. Le point principal est celui de la mutualisation budgétaire entre les États membres pour pouvoir mener une action significative. »
« Il faut rompre l’un ou l’autre de ces deux tabous : l’indépendance de la banque centrale ou l’unanimité des États membres. »
« La crise jette une lumière crue sur la relativité de notre souveraineté. Elle met en évidence une dépendance technologique que, par ignorance ou par fierté nationale, nous avons tendance à sous-estimer. »
« La crise sanitaire nourrit les vieilles pulsions nationalistes. Pour y échapper, nous ne pouvons nous contenter des traditionnelles envolées lyriques sur les horreurs du fascisme, dans un sens, et l’universalité de la condition humaine, de l’autre. Si nous sommes, à l’échelle de nos nations, trop faibles pour concourir, alors l’Union européenne retrouve tout son sens. »
« Il fallait un choc pour que la véritable nature de l’Union ressurgisse ; celle d’un refus d’abandonner des valeurs collectives et un modèle de société qui définissent une identité. C’est cette identité qui s’est fondue dans la mondialisation, c’est elle qui peut renaître de sa fragmentation. Ce choc, nous l’avons. Une renaissance est possible sous deux conditions : que la solidarité européenne s’affirme dans le règlement de la crise sanitaire, que des hommes et des femmes portent et incarnent un renouveau de l’Europe politique. »
« C’est donc bien une fragmentation de la mondialisation qu’il est raisonnable d’attendre et ce peut être la chance de l’Europe si elle sait se ressaisir. »
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 30/04/2020
à Ph. de Visieux
> On sait où vont les sympathies politiques de Mgr Rougé. Ce qui est nouveau et regrettable, c'est qu'il ne sait plus les garder pour lui. Effet du confinement ? Comment s'était-il entouré ? Etc.
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Écrit par : Aurélie M. / | 30/04/2020
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