05/03/2020
L'affaire Polanski et notre société
Notre société du relativisme et du chacun pour soi est-elle en position de lyncher Polanski ? Ma chronique à Radio Présence et Radio Fidélité Mayenne :
<< Juste un mot sur l’affaire Polanski, en essayant de ne choquer personne.
Nous avons tous suivi les péripéties de cette polémique perpétuellement relancée, avec son dernier rebondissement : la cérémonie des Césars et les tumultes qui ont suivi… et qui continuent encore. La parole a été donnée pendant le week-end aux réquisitoires contre le jury qui a décerné un prix à Polanski.
Depuis hier, d’autres voix s’élèvent pour défendre le réalisateur. Entre autres la voix de Lambert Wilson : il proteste contre ce qu’il appelle un « lynchage public abominable », et il s’indigne que l’on devienne incapables de récompenser une œuvre parce qu’on condamne un comportement personnel de son auteur.
Wilson ajoute que la seule victime judiciairement avérée de Polanski (aux Etats-Unis en 1977), Samantha Geimer, a dit plusieurs fois qu’elle lui avait pardonné. Et qu’elle désapprouve la campagne menée aujourd’hui contre lui.
C’est là que je voulais en venir. Car je tombe sur l’article d’un grand magazine qui prouve, sans le vouloir, que notre époque ne comprend plus la notion de « pardon ».
Le magazine écrit en effet : « Si Samantha Geimer a répété avoir pardonné au réalisateur de l'avoir droguée et violée à treize ans, Lambert Wilson met QUAND MÊME en avant le fait qu'elle "défende" le réalisateur contre une "diabolisation". »
Ce « quand même » veut dire qu’aux yeux du magazine, l’ancienne victime de Polanski (il y a quarante ans) se contredit en le défendant aujourd’hui alors qu’elle a établi son crime.
Et en quoi a-t-elle établi son crime ? En disant qu’elle le lui « pardonne » !
Houla ! Voilà un raisonnement très spécial : le magazine a l’air de penser que le pardon n'est qu'une preuve du crime et qu’il ne faut penser qu’au crime, le déclarer imprescriptible, détruire son auteur aujourd’hui (quarante ans après) – et le détruire non sur le plan personnel, mais sur le plan professionnel… alors que sur ce plan-là justement Polanski est inattaquable, comme le prouve encore le film sur l’affaire Dreyfus pour lequel il a reçu un César.
Attention : je ne suis pas en train de dire que les abus sexuels ne sont pas graves ! Je pense au contraire qu’ils sont graves, et que notre époque les favorise tout en feignant de les condamner (au nom d’une morale introuvable, puisque c’est la morale du chacun pour soi, laquelle est bien incapable de fonder quoi que ce soit en société). Ce que j’essaie de dire, c’est qu’une époque qui ne comprend plus le pardon est mal partie pour son avenir. Le pardon n’empêche pas la justice. Nulle part dans l’Evangile le Christ ne dit que les coupables de crimes doivent rester impunis. Mais il fonde, au Golgotha, une justice supérieure qui est celle du pardon donné par la victime. Et la victime a le droit de pardonner – même si nos magazines ne comprennent plus ce mot. >>
15:57 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : polanski
Commentaires
FORESTI
> La phrase qui recadre: Florence Foresti, dans son monologue de présentation des césars 2020 a eu une formule foudroyante quand elle a donné les titres des films qui "regardent la société en face": "grâce à Dieu", qui traite de la pédophilie dans l'Eglise, "j'accuse" qui traite de la pédophilie dans les années 70 !
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Écrit par : B.H. / | 05/03/2020
L'AFFAIRE
> Je pense que dans cette affaire Polanski, le pardon de la victime n'est pas essentiel, car il est arrivé - évidemment - tardivement, quand Polanski a négocié avec elle une transaction financière.
Le problème qui demeure, au-delà du pardon artificiel de la victime, est celui de la justice des hommes. La justice américaine a été saisie de l'affaire, et n'a pu rendre un jugement, pour cause de fuite. Chaque fois que, dans un cas grave, la justice ne peut être rendue, le désordre se perpétue. Il devient une anomalie métaphysique redoutable, qui prend de l'ampleur. Cela débouche sur un scandale permanent. Le fait que Polanski n'ait pas été jugé entraïne une vague de protestation manifeste, dont les médias se font l'écho. Désormais, c'est chaque être humain sur Terre qui se trouve blessé, outragé par l'impunité du violeur Polanski. Sa cavale est une impertinente provocation, dont chacun estime qu'elle est une atteinte à l'honnêteté. Plus le temps passe, et plus le scandale gronde. Avant de parler de justice divine, dans ce cas, il faudrait au moins que Polanski fasse son mea culpa. On en est loin ! Il se considère comme innocent, rien de moins ! Ultime provocation qui fait enrager celui qui traverse dans les clous. Vraiment, l'heure n'est pas au pardon. La justice doit passer. Polanski a rendez-vous avec son juge américain. Un jour, il prendra l'avion pour Los Angeles, afin de se rendre aux autorités. Et ce sera une libération pour lui, et pour tous ceux qui suivent cette affreuse histoire depuis presque un demi-siècle ! Alors, et alors seulement, la morale sera sauve. Après, on pourra parler de pardon, il sera bien temps.
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Écrit par : Bégand / | 06/03/2020
LE BLOG
> Merci cher Patrice pour cet article et pour les autres! ils sont éclairants, les pieds sur terre et la tête à l'endroit et le coeur dans la main de Dieu. Puissions nous cesser de réagir à tout pour recommencer à penser, cesser de tout voir à court terme et prendre de la hauteur! Merci pour votre blog.
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Écrit par : Pauline / | 06/03/2020
IDÉOLOGIE EN FOLIE
> Les propos tenus par Mme Haenel dans le 'New York Times', selon lesquels « distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes » sont inacceptables. Voilà où on arrive en segmentant la société à coup d'études de genre, d'études ethniques, de post-colonialisme, de féminisme militant (toutes issues de la pensée de Foucault et Derrida) : une Adèle Haenel écrivant « pour l’instant, on a majoritairement des récits classiques, fondés sur une vision androcentrée, blanche, hétérosexuelle », ou un Trevor Noah affirmant (en juillet 2018) « l'Afrique a gagné la Coupe du monde ; ils sont obligés de dire que c'est l'équipe de France. Mais regardez ces gars : tu n'obtiens pas ce genre de bronzage en te baladant dans le sud de la France ». Le postmodernisme a encore de beaux jours devant lui.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 06/03/2020
> Voilà bien expliqué le pardon. Prions que cette simple et juste démonstration soit lue par le plus grand nombre.
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Écrit par : Alain De Vos / | 06/03/2020
UN NON-DIT
> Notre époque est à la fois celle de la permissivité la plus extrême et celle du non-pardon, vous avez parfaitement raison.
En fait, là dedans, il y a un non-dit pernicieux et ravageur qui est : faites ce que vous voulez mais surtout que cela ne se sache pas, ne vous faites pas prendre.
Sans compter qu'on condamne hypocritement le crime mais que l'on adore tous les pousse-au-crime, parce qu'ils rapportent de l'argent. Et que l'on n'a jamais autant adulé les gens très riches et méprisé les pauvres ou les presque pauvres. Ce qui ne peut perdurer.
Pour reprendre la métaphore des premiers de cordée si chère à nos zozos, euh, à nos "zélites". Derrière chaque premier de cordée, il y a toute une cordée innombrable de gens qui assurent ce premier de cordée et l'empêchent de dévisser malgré ses inepties. Mais la résistance humaine a ses limites. Un jour qui ne me paraît pas si lointain, la cordée coupera la corde plutôt qu'aller tous ensemble dans le précipice.
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Écrit par : Bernadette / | 07/03/2020
LE PSYCHISME DE POLANSKI
> « C'est bien difficile ‘d'être’ et de se le faire pardonner ! »
Il est tentant, et néanmoins délicat, d'appliquer à Roman Polanski cette réflexion de la très spirituelle Marie Noël (cf. ses “Notes intimes”).
En l'occurrence, ‘l’être’ – le talentueux cinéaste dont il est question ici – n'a pas simplement "péché"… par sa naissance dans une famille juive… ou par un excès d'ego ou de "hauteur" dans son comportement avec ses semblables… Il a fait fi de la loi et s'est comporté en prédateur sexuel – en phase, hélas, avec les mœurs d'un certain milieu et d'une certaine époque.
Il reste à considérer d'où vient cet homme et ce qu'il a vécu, notamment dans sa prime jeunesse. Il est clair que son enfance à Cracovie, dans et hors du ghetto, notamment lorsqu'à 9-10 ans il est privé de ses parents et survit grâce au marché noir et à l'entraide des enfants et des habitants, trompant la vigilance allemande, a forgé sa capacité de résilience mais peut-être aussi sa volonté de taire et d'endurer.
Il faut espérer que ses victimes adolescentes lui pardonneront, comme semblent l'avoir déjà fait le monde du cinéma et une grande partie de la société, et que le réalisateur de "J'accuse" saura, au-delà des gestes de réparation, trouver des paroles de paix… certes utiles en ces temps de moralisme ("moraline" nietzschéenne ?) et d'individualisme victimaire, mais d'autant plus nécessaires que les faits qui lui ont été reprochés sont en eux-mêmes aussi condamnables, par leur indignité, que les actes antisémites dont il est le pourfendeur juste et efficace.
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Écrit par : Denis / | 07/03/2020
POLANSKI
> Je viens de relire ce que j'écrivais le 6 mars à la lumière de votre propos sur le pardon : il ne me semble pas, cependant, que cela puisse s'appliquer dans l'immédiat à Polanski. Celui-ci s'est appliqué à persévérer dans le cynisme le plus total, sans rien changer à sa manière d'être, et même, presque, en revendiquant ce qu'il a toujours été, et même, par conséquent, le criminel qu'il fut. On sent qu'il y a d'abord, en ce qui concerne Polanski, une nécessité primaire, primale, absolue, c'est qu'il rende compte de ce qu'il a fait devant la justice, et que, sinon, cette faute le poursuivra jusqu'en enfer. Il y a comme une impossibilité du pardon, pour Polanski, du moins à court terme - mais bien sûr je peux me tromper.
Je suis allé voir hier soir un film où il est question de pardon, "La communion" du réalisateur polonais Jan Komasa. Je recommande ce beau film à tous, dans lequel il est justement question de pardon. On y comprend la nécessité du pardon, sa grandeur, ses modalités complexes, sa dimension humaine, voire surnaturelle. Oui, le pardon est une chose complexe.
En parlant de Polanski l'autre jour, je n'ai même pas songé à une lecture que j'ai faite récemment, le séminaire de Jacques Derrida intitulé "Le parjure et le pardon", paru il y a peu. Comme si pour moi Polanski était "hors pardon". C'est peut-être un peu excessif (je ne suis pas favorable au "lynchage"), mais Polanski donne prise à cette intransigeance. Alors, oui, commençons par être moins intransigeants, mais la route est longue jusqu'au pardon... Cordialement.
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Écrit par : Bégand / | 08/03/2020
ANTIQUITÉ
> La Grèce antique disait que la justice était née quand le lynchage a été remplacé par le tribunal ...
Ici on retourne en arrière.
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Écrit par : Ludovic / | 08/03/2020
à Bégand
> Le chrétien est censé pardonner à répétition et sans attendre que l'autre demande pardon. Ni même reconnaisse sa faute...
Matthieu 18,22 :
" Alors Pierre s'approcha de lui, et dit: 'Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il péchera contre moi? Sera-ce jusqu'à sept fois' ? Jésus lui dit: 'Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix-sept fois sept fois'..." (c'est-à-dire de façon illimitée).
Exiger une repentance préalable de l'autre ne fait pas partie du christianisme.
Mais dans le christianisme, seule la victime est appelée à pardonner. Non les tierces personnes qui ne sont pas les victimes.
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Écrit par : Julie Gauthier / | 08/03/2020
CENT AVOCATES CONDAMNENT
LE LYNCHAGE MÉDIATIQUE DE POLANSKI
> Tous et toutes devraient lire la tribune dans 'Le Monde' de plus de cent avocates pénalistes à propos de la marée de haine dans certains milieux contre Polanski :
« On se pique d’avoir à le rappeler, mais aucune accusation n’est jamais la preuve de rien : il suffirait sinon d’asséner sa seule vérité pour prouver et condamner...
« Il est urgent de cesser de considérer la prescription et le respect de la présomption d’innocence comme des instruments d’impunité : en réalité, ils constituent les seuls remparts efficaces contre un arbitraire dont chacun peut, en ces temps délétères, être à tout moment la victime...
Il est faux d’affirmer que l’ordre judiciaire ferait montre aujourd’hui de violence systémique à l’endroit des femmes ou qu’il ne prendrait pas suffisamment en considération leur parole. Nous constatons au contraire, quelle que soit notre place à l’audience, qu’une inquiétante et redoutable présomption de culpabilité s’invite trop souvent en matière d’infractions sexuelles. Ainsi devient-il de plus en plus difficile de faire respecter le principe, pourtant fondamental, selon lequel le doute doit obstinément profiter à l’accusé. »
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Écrit par : Julie Gauthier / | 08/03/2020
à Julie Gauthier
> Ce que vous dites, citant Matthieu, est juste. Mais il s'agit là de pardon individuel, en dehors de toute action en justice. Que faites-vous du juge américain qui attend Polanski de pied ferme depuis plusieurs décennies ? Là, il s'agit de la justice ouverte à tous. Même si la victime de Polanski lui a pardonné, la justice officielle n'en a cure et poursuit toujours le cinéaste, au nom du droit et du juste. Polanski se trouve dans la situation du héros de Kafka, Joseph K, qui n'a pas un être humain en face de lui, mais une "organisation" impitoyable. A cette différence près que Polanski, lui, est coupable, et qu'il a même parfaitement avoué son crime et reconnu les faits. La parole de Matthieu s'adresse en fait à nous, à moi : nous trouvons que Polanski mérite d'être châtié, son attitude provocatrice et impertinente nous fait enrager, les médias n'ont eu de cesse de porter cette rage au paroxysme, sans parler des féministes qui, malgré tout, ont quand même raison de protester contre un violeur, impuni car appartenant à la jet set. Sans doute, Julie Gauthier, vous n'avez pas complètement tort. Il faudra se calmer un peu, pour que cette affaire ne ressemble pas à un misérable lynchage. Mais je le redis : ce n'est pas pour des prunes qu'un juge américain attend Polanski à LA. La justice n'est pas passée. Une dette demeure.
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Écrit par : Bégand / | 09/03/2020
à Julie Gauthier :
> Cette tribune d’ ‘avocates’ (beaucoup de ‘confrères femmes’ ne supportaient pas ce terme et insistaient pour se faire appeler ‘avocats’ : « point de sexe sous la robe ») fait du bien, surtout après les slogans délirants entendus hier lors de la marche féministe du 8 mars : « moins de patriarcat, plus d’Aïssa Maïga », « stop à la culture du viol », « Polanski en taule », « Adèle [Haenel] présidente », « le César de la honte », « on se lève et on se casse ».
Les militantes s’indignent du meurtre de cette infirmière de l’hôpital psychiatrique de Thouars et elles ont raison, mais pas en ramenant cela à une « précarité des femmes » comme si les hommes, eux, n’étaient pas exposés à la précarité ; cette infirmière n’a pas été tuée parce qu’elle était une femme mais parce que l’hôpital public est en sous-effectifs et qu’il n’y avait pas assez de soignants pour contenir son agresseur.
Le féminisme militant ne s’embarrasse d’ailleurs pas de verser dans la vulgarité lorsqu’il s’agit de défendre la cause : ainsi des ‘Couilles sur la table’ qui oppose un « regard masculin » évidemment prédateur, réduisant la femme au rang d’objet au « regard féminin » selon lequel la femme est cette fois sujet. Point de vue biaisé : Mme Tuaillon ne réalise-t-elle pas que le titre de son podcast, volontairement provocateur, réduit l’homme au rang d’objet ? Si un homme se permettait d’intituler un court-métrage d’une manière aussi grossière, humiliant les femmes dans ce qu’elles ont de plus intime, les militantes féministes seraient hors d’elles : pourquoi les hommes devraient-il l’accepter ? Ne cherchons pas à antagoniser la société de manière aussi manichéenne : respectons-nous sans agressivité, en acceptant nos différences inhérentes à notre nature de femme et d’homme.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/03/07/les-couilles-sur-la-table-invite-a-changer-de-regard-sur-les-femmes_6032195_3246.html
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 09/03/2020
LE PROBLÈME DES VIOLS
> Qui, dans l'Antiquité, disait que, dans le doute, il valait mieux relâcher un coupable que de faire périr un innocent ? Rien de plus vrai. Et on a vu des accusations mensongères de viols ou d'attouchements, faites dans l'intention de nuire.
Le problème avec les viols, c'est qu'ils sont rarement prouvables, sauf quand la victime (ou ses parents, mis immédiatement au courant) va immédiatement porter plainte. Il y a alors les traces physiques. Seulement, les victimes se sentent souillées, et d'autres part elles se sentent également coupables de n'avoir pas été assez méfiantes. Alors, généralement, elles se taisent et ne parlent que longtemps après.
Et plus tard, si elles veulent parler pour dénoncer un prédateur, afin qu'il ne puisse plus faire d'autres victimes, elles risquent d'être elles-mêmes accusées et condamnées pour calomnie. Surtout si le prédateur est riche et puissant.
Tout cela crée un malaise terrible chez les victimes et chez ceux qui compatissent à leurs souffrances. Qui se rajoute à la colère de voir une justice généralement à deux vitesses, forte contre les faibles, et faible contre les puissants.
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Écrit par : Bernadette / | 09/03/2020
RIEN QUE ÇA
> https://www.thetimes.co.uk/edition/world/tender-de-gaulle-biopic-leaves-french-flustered-v2q7r8w7p
Un autre exemple de cette soif de transparence qui semble ne plus faire de place à la pudeur et à l’intimité : le dernier film consacré à l’homme du 18-juin débute d’emblée par l’incontournable scène de sexe, avec... Charles sur Tante Yvonne, peu avant l’invasion allemande. Rien que ça ! Les Anglais du ‘Times’ s’en émeuvent, en notant que « même pour les Français, dont la réputation progressiste n’est plus à faire, la scène – et le film en général – est un choc. »
Toujours cette volonté de choquer, de tout montrer : notre époque est-elle exhibitionniste au point d’avoir oublié qu’être chaste, c’est respecter autrui et se respecter soi-même dans ce que l’on a de plus intime ?
PV
[ PP à PV – L'Occident contemporain se caractérise par une régression générale au stade anal, aurait dit Freud. C'est l'heure de relire 'Malaise dans la civilisation'... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Philippe de Visieux / | 10/03/2020
@ Philippe de Visieux
> Si comme moi, vous aviez vu le film, vous auriez assisté à une scène de tendresse entre Charles et Yvonne : allongés sur un lit, *habillés*, échangeant des caresses et des baisers bien chastes et peu provocants. Selon le réalisateur, présent à l'avant-première, il s'agissait d'explorer un aspect quasi-inconnu du personnage, et pour cause, vu que le grand Charles ne se déboutonnait pas, en tout cas pas en public (que dirait-il du déballage actuel !)
Effectivement, si vous vous fiez à ce qu'en disent certaines critiques, il y a de quoi avoir peur. Si le Times est encore soft ("making love"), Gérard Lefort dans les Inrocks n'hésite pas à parler de "scène de cul". J'espère pour ce dernier que ce n'est que de l'ironie potache de mauvais goût. Autrement, ce serait symptomatique d'un état de déchéance où l'amour n'est plus reconnu en tant que tel ; où seuls existent "le cul" et "la baise". Si c'est le cas, ces types-là sont déjà en enfer et ne s'en doutent même pas...
Par ailleurs, le film est très dispensable.
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Écrit par : Valérien Kempf / | 11/03/2020
@ Ph. de Visieux et V. Kempf :
> je ne suis pas du tout d'accord avec vos commentaires sur le film 'De Gaulle' que j'ai beaucoup apprécié. Je remets ici ce que j'ai posté ailleurs à ce sujet :
"Mon épouse et moi avons été très émus par le film 'De Gaulle', qui est là le nom d’une famille, d’un couple (Charles & Yvonne), et pas seulement celui du Général. On y voit toute l'importance de la 'grande femme', des enfants, de la famille, derrière le 'grand homme'. Ce sont ses toutes premières 'forces françaises de l'intérieur', celles qu'ils portent en lui, dans son âme et dans son coeur d'époux et de père.
Le film commence, pudiquement, par les époux vivant leur sacrement de mariage, puis vient l’eucharistie avec la messe dominicale en famille. Leur couple est admirablement mis en avant, notamment dans le lien de la prière, à distance et dans les épreuves de la guerre. Yvonne prie sous les bombes nazies, Charles s’agenouille dans une église de Londres, écrasé par le destin, après l’appel du 18 juin, lancé comme une bouteille à la mer, et après avoir reçu le choc du télégramme lui annonçant qu’il est dégradé et déchu de la nationalité française.
Au milieu du film, deux symboles : Anne, 12 ans, trisomique, dernière fille du couple, regarde la file des fuyards de l’exode par la fenêtre de la voiture et voit, dans un plan bref, une mariée de dos, marchant comme au ralenti, dans sa robe blanche et son voile… La France ? Marie ? Plus tard, Charles en voiture voit, à l’orée du bois au bord de la route, un hiératique cerf, majestueux : les deux grands animaux se regardent passer, fascinés. Le cerf est un symbole traditionnel du Christ, notamment dans la légende de saint Hubert.
Anne est la blessure et la force secrète de Charles et d’Yvonne, et cela est magnifiquement montré dans le film ; elle en est le coeur battant."
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Écrit par : Alex / | 11/03/2020
à Valérien Kempf :
> Merci pour votre note, qui ne peut que me rassurer. Je n'ai pas encore vu le film mais, admirateur de l'homme du 18-juin, j'avais été scandalisé de lire sous la plume de critiques ce qu'ils décrivent comme une véritable scène de "baise" entre de Gaulle et Yvonne. C'eût été à mes yeux totalement inacceptable, surtout lorsqu'on sait que le couple ne se tutoyait jamais, hormis épistolairement, et que le grand Charles était cravaté jusque sur la plage de Bénodet lorsqu'il y emmenait sa fille Anne !
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 12/03/2020
@ Alex
> Tant mieux si ce film a pu vous toucher. À vrai-dire, ce n'est pas que je l'ai trouvé foncièrement mauvais. L'entreprise est originale voire inédite, et ne manque pas d'idées intéressantes, dont les scènes que vous mentionnez. Ma cinéphilie me rend sans doute plus exigeant que la moyenne, mais j'ai quand même à redire sur le rythme poussif, le surjeu de certains acteurs (Isabelle Carré, que j'aime beaucoup d'habitude), l'abus de la carte "petite Anne" (très bien interprétée par ailleurs), un dictatisme lourdingue, sans compter quelques scènes-clichés ridicules (Pétain et Weygand complotant aux cabinets !) Globalement, l'écriture demanderait à être affinée.
S'il y a des films à voir avant que l'on nous barre les salles obscures, je conseillerais plutôt "Lettre à Franco" d'Alejandro Amenábar, ou "La communion" déjà citée plus haut.
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Écrit par : Valérien Kempf / | 12/03/2020
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