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07/01/2020

Pour reconquérir une marge d'électeurs, Donald Trump ose mettre le feu dans un Moyen-Orient déjà ensanglanté

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L'assassinat du général et la menace ubuesque de "bombarder les sites culturels" sont  des actes de campagne présidentielle. Destinés à la fraction la plus étrange de l'électorat américain :


“Irresponsabilité”, “inconscience”,“déshonneur pour les Etats-Unis” : les blâmes démocrates criblent Trump depuis qu’il a fait tuer par un drone le général iranien Soleimani, puis menacé l’Iran de bombarder ses “sites culturels”. Actes d’Ubu et conséquences surréalistes : en Iran, la mort de Soleimani a réveillé d'un seul coup le patriotisme des populations et relégitimé le régime, qui jusque-là affrontait une grave crise sociale… En Irak, les députés ont aussitôt voté l’expulsion des militaires et des diplomates US, ce qui transforme le maintien de leur présence en occupation invasive : d’autant que Trump envoie dans ce pays trois mille soldats de plus ! 

Tout ça ressemble à de la folie à double fond : 1. une couche d’ignorance américaine, Washington refusant depuis cinquante ans de comprendre ce qu’est la nation iranienne ; 2. une couche d’incohérence trumpienne, le président oscillant entre deux désirs incompatibles : a) sortir du “shit-hole” moyen-oriental, comme il l'avait annoncé à plusieurs reprises ; b) montrer sa virilité à dix mois de l'élection.

Pourquoi cette oscillation ? Parce que chacun de ces deux désirs incompatibles répond plus ou moins à l’attente d’une des composantes – hétérogènes – de l’électorat trumpiste. Et que Trump ne peut ni choisir entre elles, ni en flatter deux à la fois.

Ramener "GI Joe" à la maison, laisser les “towel-heads” orientaux se massacrer “as they have done for centuries”, c’est le vœu d’une Amérique isolationniste qui forme le noyau populaire de l’électorat républicain.

Mais il y a une autre tranche d'électorat républicain : les chrétiens évangéliques, milieu dont fait partie un Américain sur quatre. Ceux qui votent conservateur en haine des positions “immorales” du parti démocrate... 81 % de ces chrétiens-là ont voté Trump en 2016. Réduisant leur religiosité politique à deux sujets (l'avortement et les lois pro-gay), ils sont aveugles à tout le reste : santé publique, justice fiscale, environnement, bien commun international. Or leur cécité envers le respect des peuples les porte à soutenir l’extrême droite israélienne. Allant plus loin, nombre d'entre eux soutiennent l'aile belliciste de la classe politique israélienne – et cela au nom d’une théologie aberrante : fantasmer sur un verset du livre de l’Apocalypse (16,16 : “Ils les rassemblèrent dans le lieu appelé en hébreu Armageddon”), pour en déduire – de façon totalement arbitraire – que “le combat du grand jour du Dieu tout-puissant” est un conflit armé à venir, et qu'il faut le hâter car il entraînera la venue du Christ !

Ce délire pseudo-biblique a deux vices : dénaturer le christianisme, et pousser à la guerre dans un Moyen-Orient déjà ensanglanté.

Beaucoup d'évangéliques américains ne partagent donc pas cette aberration. Ceux-là voient clair et tiennent compte du monde réel : ce qui les conduit à discerner désormais en Donald Trump un danger à conjurer. A la veille de Noël, le magazine évangélique Christianity Today a même pris position pour la destitution de Trump : parce que le président a violé la Constitution et qu’il agit “de façon profondément immorale”, écrivait le rédacteur en chef…

De 81 % en 2016, le soutien évangélique à Trump est tombé à 77 % : recul apparemment minime, mais signal d’alarme pour l’occupant de la Maison Blanche. Celui-ci en effet doit son élection minoritaire de 2016 au vote massif des évangéliques dans des Etats-clés comme la Floride : il ne peut donc risquer la moindre perte de voix dans ce milieu. Dans son esprit chaotique, la désaffection de centaines de milliers d'électeurs pieux ne vient pas de sa propre immoralité, mais du fait qu'il n'a pas encore donné assez de gages au camp des fous d'Armageddon...

D’où sa brusque campagne de re-séduction, qui mène Trump à jouer avec le feu pour plaire à des inconscients. Le 3 janvier à Miami, ce vieil agnostique libertin a présidé un meeting dans la megachurch du King Jesus International Ministry. Il y a brandi l’oriflamme de la guerre sainte contre les démocrates (“antireligious socialists”), et, bien entendu, en faveur du “christian support” à Israël : en clair, aux politiciens israéliens les plus durs.

Ce soutien de catastrophistes chrétiens ne plaît guère à des rabbins de Jérusalem ; mais M. Trump ne leur demande pas leur avis. La présidentielle est une chose sérieuse.

 

 

trump,iran

 

18:23 Publié dans Iran, Proche-Orient, Trump | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : trump, iran

Commentaires

TRUMP = DAECH ?

> "...“le combat du grand jour du Dieu tout-puissant” est un conflit armé à venir, et qu'il faut le hâter car il entraînera la venue du Christ !"
C'est tout à fait du niveau de l'État Islamique ... mais en laissant les autres faire le sale travail.

Yvan


[ PP à Yvan – Et Trump bombardant les sites culturels de l'Iran trimillénaire (s'il l'ose), est le cousin de Daech dynamitant Palmyre. ]

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Écrit par : Yvan / | 07/01/2020

LOIN DE MOI CETTE IDÉE

> Votre présentation de la théologie Evangélique est réductrice, c'est dommage.

Greg


[ PP à Greg – Mais ce n'est pas une "présentation de la théologie évangélique" ! Sur cette question j'ai écrit un livre de trois cents pages ('Les évangéliques à la conquête du monde', Perrin 2009) qui fut honoré d'une évaluation positive de Sébastien Fath en personne.
Dans la note ci-dessus, je n'évoque que la théorie "Armageddon", et ce que j'en dis ne m'est pas personnel : cette théorie échafaudée sur un seul verset est considérée comme un déraillement exégétique par nombre d'évangéliques ; un peu comme les extrapolations de Wilkinson à propos de la "prière de Jaebets" (ou "Yabés" : 1 Chronique 4,10) !
Loin de moi l'idée que tous les évangéliques feraient dire n'importe quoi à l'Ecriture. ]

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Écrit par : Greg / | 07/01/2020

RIEN

> [Trump veut] "montrer sa virilité"
Ciel !
Rien ne nous sera donc épargné ?!
C'est un fait qu'avec ces déclarations il se veut viril mais baisse son froc devant le lobby militaro-industriel.
______

Écrit par : E Levavasseur / | 07/01/2020

EUROPE NULLE

> L'Europe peine à se faire entendre dans cette crise : aucune condamnation de l'assassinat de Soleimani par M. Borrell, qui affirme « je suis engagé à jouer le rôle de coordinateur », ce qui a dû déclencher l'hilarité à Washington comme à Téhéran.
La France refuse de dénoncer l'action américaine ; M. Pompeo, ne cachant plus son mépris pour les gentils Européens qui n'ont qu'à bien se conduire en vassaux soumis de l'Oncle Sam, déclare avec un cynisme sans nom : « Franchement, les Européens n'ont pas été aussi utiles que j'aurais espéré qu'ils le soient. Les Britanniques, les Français, les Allemands, tous doivent comprendre que ce que nous avons fait, ce que les Américains ont fait, a permis également de sauver des vies en Europe. »
On se croirait en 2003, quand Colin Powell avait exhibé au Conseil de sécurité un tube censé contenir de l'anthrax irakien. Ceux qui ont vu le film 'Vice' savent que les commanditaires véritables de la guerre d'Irak (MM. Cheney et Rumsfeld) avaient monté de toutes pièces l'argument des "armes de destruction massive" dans le seul but de parvenir à leurs fins.
L'Europe est de plus en plus réduite à jouer les seconds couteaux ; ce n'est d'ailleurs pas visible qu'en matière diplomatique et militaire mais également, de plus en plus, au plan économique : Washington menace à présent les États européens qui opteraient pour Huawei dans le développement de la 5G. Sans armée capable de rivaliser avec les deux grands, sans avancée technologique à même de talonner Chine et Amérique, l'Europe confirme de plus en plus son statut de grand marché à la merci de multinationales non-européennes, tout juste audible pour proposer ses offices comme "coordinateur".
Pour échapper au ridicule, il faudrait que Bruxelles commence par se libérer de la tutelle otanienne.

PV


[ PP à PV – Echapper à la tutelle otanienne, elle n'en a pas le moindre désir. Ni même l'idée. Lobotomisée par Washington depuis les années 1950. Seul de Gaulle tenta quelque chose, et il y eut Mai 68 : "révolution californienne" à Paris. ]

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Écrit par : Philippe de Visieux / | 08/01/2020

UNE ANALYSE DU P. SPADARO

> https://fr.zenit.org/articles/civilta-cattolica-un-oecumenisme-surprenant-texte-integral/
Un remarquable article du père jésuite Antonio Spadaro : 'Fondamentalisme évangélique et intégrisme catholique, un œcuménisme surprenant', écrit quelques mois après l'élection de Donald Trump mais à l'évidence toujours d'actualité.
______

Écrit par : Philippe de Visieux / | 08/01/2020

L'ERREUR DE JUDAS

> L'enthousiasme de "certains évangéliques" à vouloir accélérer le retour du Christ (à l'insu de son plein grès surement), me fait penser à la "philosophie de Judas", qui, après l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, cherche à accélérer la prise de pouvoir par les Iscariotes (dont il fait partie, et qui sont un groupe juif souhaitant foutre dehors les Romains par la force, comme l'avaient fait les Maccabbées pour les Grecs). Pour cela, voyant le soutien populaire de Jésus (entrée triomphale à Jérusalem), il cherche à pousser Jésus à faire "un grand miracle" dans la ville, pour "faire la bascule" et lancer la révolte juive, en pleine fête de la Pâque, le moment où il y a le plus de monde (des pèlerins) dans la ville.
Cette tentative échoue, car Jésus choisit une autre voie (la non-violence et le sacrifice), et Judas, réalisant son erreur, se suicide.
Ces "chrétiens" font la même erreur : pensant aider Jésus et lui accélérer le boulot, il n'en font qu'à leur idée, et au final, travaillent pour Satan au lieu de suivre la volonté de Dieu. Orgueil et erreur de discernement. La souffrance étant là encore pour les autres (chrétiens locaux et autres civils), comme lors de la Passion (le Christ, Marie, les quelques fidèles autour de la croix, et "le disciple que Jésus aimait").
Prions pour que la volonté de Dieu soit réalisée, malgré les entraves mises par les hommes...
______

Écrit par : Bergil / | 08/01/2020

TRUMP ET L'IRAN

> Eh bien voilà. Les Iraniens ne se sont pas laissé impressionner et ont répliqué, d'autant que cela permettait de surexciter les foules qui, il y a peu, manifestaient encore contre leur propre gouvernement.
Et Trump a été pris au piège de sa rhétorique : soit répliquer militairement comme il l'avait annoncé mais contre son isolationnisme, soit perdre la face. Il a choisi les sanctions économiques mais pour un univers hyper-virilisé comme les pays d'Orient, il refuse la guerre, il a donc perdu la face.
Les sanctions économiques vont lui permettre aussi d'agir contre la concurrence européenne : ce qui est au bout du compte ce qui l'intéresse.
Surtout pas d'illusions : qu'aurait fait Hillary Clinton ?
Sans doute les deux : bombardé et lancé des sanctions économiques. Mais elle aurait fait ça plus adroitement c'est-à-dire après l'avoir enrobé de droits de l'hommerie guerrière et capitaliste.
______

Écrit par : E Levavasseur / | 09/01/2020

@ E. Levavasseur

> A ma connaissance, le seul président US a avoir vraiment montré sa virilité (baptisée "Jumbo" - à juste titre apparemment- par l'intéressé) est Lyndon Johnson :

https://www.liberation.fr/planete/2016/11/03/maison-blanche-maison-de-fous_1526024

https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/non-donald-trump-n-est-pas-plus-fou-que-les-autres-presidents-americains_2008959.html

Même en pleine conférence de presse !
______

Écrit par : Feld / | 18/01/2020

SUZERAIN BRUTAL, VASSAUX COUCHÉS

> https://www.lefigaro.fr/international/comment-les-etats-unis-ont-demande-a-la-communaute-internationale-de-soutenir-leur-plan-israelo-palestinien-20200201

La suzeraineté américaine exhibée au grand jour : Washington suggérant des "éléments de langage" à ses vassaux de l'OTAN pour soutenir son plan qui n'a "de paix" que le nom.
M. Le Driant a fait figure de bon élève puisqu'il s'est montré très mesuré face à la provocation Netanyahou-Trump.
Heureusement que M. Macron a bien dit que la "souveraineté européenne" était importante à ses yeux !

PV


[ PP à PV – La souveraineté "européenne", c'est la situation du grand oeuf Humpty-Dumpty (voir notamment 'Alice in Wonderland'):
« Humpty Dumpty sat on a wall
Humpty Dumpty had a great fall
All the king's horses and all the king's men
Couldn't put Humpty Dumpty together again » ]

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Écrit par : Philippe de Visieux / | 02/02/2020

EUROPE COUCHÉE

> https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/03/l-amende-de-3-6-milliards-d-euros-infligee-a-airbus-une-bonne-affaire-geopolitique_6028191_3232.html

La voici, la "souveraineté européenne" face aux assauts éhontés d'un droit américain dont l'application extraterritoriale peut ne reposer que sur un courriel ayant transité via un serveur étatsunien ou sur l'usage de dollars dans une transaction parmi des centaines d'autres.
Airbus est cette fois touchée ; pour l'auteur, ce n'est "pas une si mauvaise affaire". Mais c'est tout de même 3,6 milliards d'euros ! Et rappelons qu'Airbus est loin d'être la première entreprise européenne à avoir subi pareil traitement ; pendant ce temps, M. Trump s'offusque de la volonté européenne de sanctionner les GAFAM lorsqu'ils ne respectent pas les règlements communautaires ou se font champions de l'optimisation fiscale.
Que faire face à cette inacceptable ingérence américaine dans les affaires européennes ? Le récent profil bas des diplomaties du Vieux Continent face aux élucubrations israélo-américaines n'incite pas à un optimisme démesuré. Commençons par refuser de payer ces rançons iniques, ce serait un début ; et après cela, comme on dit place Stanislas : "aide-toi, le GADU t'aidera" !
______

Écrit par : Philippe de Visieux / | 03/02/2020

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