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11/12/2019

Un livre de fond, à lire en route avec le pape François

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“Les gens n’attendent pas de nous catholiques que nous leur fassions la morale, mais que nous cheminions fraternellement à leurs côtés. Ne dépensons pas plus d’énergie à dénoncer le mal qu’à faire le bien…”  Une lecture du livre de René Poujol :


Les structures du catholicisme sont “dans une sorte d’entre-deux où, malgré la pénurie, nous pensons pouvoir continuer à reproduire le même, sauver ce qui peut être sauvé, et notamment un modèle qui appartient pourtant au passé ! Or je crois, à l’inverse, que tout est à réinventer” – écrit René Poujol.

 Certains diront donc de lui ce qu’ils disent du pape : qu’il s’éloigne des “repères”. Mais le Christ est le souverain Bousculeur des repères, et croire en Lui c’est marcher à sa suite...

Dans cet esprit, le pape François appelle à ouvrir des “processus” en tous domaines – et d’abord pour remettre en marche [1] les catholiques à la suite du Christ : donc à la rencontre de leurs contemporains ! Ceux qui partagent cette certitude (c’est mon cas) la trouveront dans ce livre. Elle s’y confronte à tous les aspects de la crise actuelle dans l’Eglise.

René Poujol a fait toute sa carrière de journaliste au sein du groupe Bayard, notamment comme patron de la direction de Pèlerin, sans compter ses responsabilités associatives et diocésaines. Il connaît les couloirs du Vatican mieux que nos fauteurs de fake news. Contrairement à la plupart des catholiques français [2], il a étudié le corpus doctrinal de Vatican II, et il invite tout le monde à en faire autant : “on ne dira jamais assez combien il est urgent de relire ces textes”, souligne-t-il.

D’où ce livre en trois parties : 1. À propos de mon Eglise et de ceux qui la conduisent / 2.  À mes frères chrétiens / 3.  À la société où je vis. L’auteur analyse cette société (déboussolante) et envisage une voie :  celle d’un catholicisme vivant, brûlant la paille de l’accessoire au feu de l’Essentiel… “J’ai observé le vieillissement du peuple croyant, malgré les bouffées de jeunesse des JMJ et l’exception de certaines paroisses urbaines bien insuffisantes à inverser la tendance ; j’ai rencontré des prêtres et des diacres, des religieux, des laïcs, des évêques, passionnés et épuisés par la mission ; côtoyé quelques saints ; admiré l’intelligence persévérante et le courage d’amis théologiens ; vibré de fierté et de gratitude à certaines initiatives pontificales ; pesté de trop de crispations, de timidités et de fermetures doctrinales ; bataillé contre de tristes Savonarole ; refusé d’entrer dans des stratégies de critique systématique de l’institution ; souffert, avec d’autres, des scandales qui salissaient l’Eglise et plus encore de la tentation de les étouffer ; entendu la confidence douloureuse de personnes qui se sentaient rejetées par leurs frères dans la foi ; constaté, la mort dans l’âme, l’abandon sans regret apparent de toute pratique ou appartenance religieuses par de vieux compagnons de route ; salué l’enthousiasme, l’imagination et la générosité d’une certaine jeunesse ; dénoncé la montée du mépris antireligieux dans notre société, l’ostracisme et l’inculture de bien des médias ; regretté le refus de certains milieux catholiques de dialoguer avec le monde […] ; prié enfin pour un réveil de mon Eglise ! Et François vint !”

Ce pape ouvre en effet la voie. Marchant avec lui, René Poujol dans la troisième partie de son livre plaide pour les dimensions humaines et sociales menacées aujourd’hui, et il le fait dans l’esprit de Laudato Si’ :  en indiquant la véritable cause de cette menace, c’est-à-dire la broyeuse libérale… Quelques extraits de ces chapitres fortement argumentés :

Sur la famille : “Est-ce se faire le chantre d’un retour à l’ordre moral que de dénoncer le désordre immoral de sociétés dominées par l’argent, où la fidélité n’est plus perçue que négativement comme étant une peur du changement ?”

Sur la fausse laïcité : “On est bien là au cœur de la confusion entretenue dans certains milieux qui considèrent […] que la laïcité de l’Etat supposerait celle de la société, ce qui est totalement absurde. […] Les mêmes qui se félicitent d’une France riche de ses diversités sont incapables d’ouvrir cette richesse au pluralisme des convictions religieuses…”

Sur l’Etat se prenant pour une autorité morale : selon la nouvelle doxa politico-médiatique, “il n’y aurait pas de place pour le moindre écart entre la loi de la cité et la conscience propre du citoyen… Or sans contester le principe de la souveraineté populaire, on peut objecter que le rôle de la loi […] est de dire le permis et le défendu, qui peuvent varier […]; non de définir le bien et le mal, le vrai et le faux, qui sont d’une autre nature, supposent une autre permanence dans le temps, et n’ont pas à être soumis à la délibération démocratique.”

Sur la PMA, grande cause officielle : “C’est d’abord un formidable marché, ‘boosté’ pour ce qui concerne les couples hétérosexuels par les ravages de la pollution industrielle sur la fertilité humaine. Ainsi le capitalisme libéral provoque-t-il de façon véritablement criminelle l’infertilité masculine, ouvrant ainsi un nouveau marché […]: celui de l’enfant né de la technique médicale. De même incite-t-il les jeunes femmes à repousser leur projet de maternité de manière à se rendre plus disponible “pour leur carrière” – donc pour le marché – en leur offrant désormais la perspective technique d’une conservation des ovocytes, qu’en bon petit soldat le Conseil consultatif national d’éthique suggère au gouvernement de légaliser… Tout cela sous les applaudissements des naïfs qui croient y voir une victoire des libertés et du désir d’émancipation des citoyens.”

Sur le néolibéralisme (“laminage du monde ouvrier et paysan par le capitalisme financier, avec la complicité des élites “progressistes” qui, à partir des années 1980, ont substitué au combat historique pour l’émancipation des classes populaires, la seule défense des minorités ethniques et sexuelles, plus facile à mettre en œuvre”) : “Ce consentement satisfait des nantis à une économie dérégulée, qui organise l’exclusion des autres du marché du travail, me choque profondément. Comment ne pas voir qu’elle est non seulement injuste mais lourde de menaces de révolte ?”

C’est avec le pape François que René Poujol résiste à l’emprise antisociale du néolibéralisme. Marcher avec le pape, c’est marcher avec l’Eglise vivante, alors que certains de nos frères catholiques quittent la route pour errer dans les mirages du zèle amer. C’est de l’aveuglement de leur part : “Les gens n’attendent pas de nous catholiques que nous leur fassions la morale, mais que nous cheminions fraternellement à leurs côtés. Ne dépensons pas plus d’énergie à dénoncer le mal qu’à faire le bien…” On pense à l'aphorisme de Hans Urs von Balthasar : “L’amour est bien plus que la morale des pharisiens et des sadducéens : la morale s’achève et s’abolit dans le feu de l’amour”.

Poujol dit aussi, et c’est très actuel : “Faut-il rejoindre le camp de ceux qui contestent radicalement toute évolution de la société comme de l’Eglise ? Ce ne sera jamais mon choix.” Soyez prêt à expliquer votre espérance à ceux qui vous le demanderont, dit la première lettre de Pierre : encore faut-il que nous vivions une espérance, et que cela donne à quiconque envie de nous en parler !  Dans ses deux premières parties, le livre de René Poujol résonne des doutes et des drames de l’Eglise d’aujourd’hui ; il fait comprendre au catholique que la foi n’est pas un refuge mais une aventure à la grâce de Dieu, dans la fidélité à l’essentiel qui nous a mis en route.

C’est à lire – et à faire lire.

 

René Poujol,  Catholique en liberté  (Salvator 224 p., 19,80 €)

www.renepoujol.fr

 

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[1]  “En marche” au sens biblique : non au sens (déjà dévalué) du vocabulaire politique actuel..

[2]  Notamment les jeunes-vieux ultraconservateurs, en train de déterrer (en 2019 !) les sophismes anti-concile du lefebvrisme et du "nantisme" français des années 1970.

 

 

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Commentaires

SON BLOG

> Voir aussi sur le blog de René Poujol à propos de son livre :
Eglise en crise : plaidoyer pour le pluralisme et la liberté
http://www.renepoujol.fr/eglise-en-crise-plaidoyer-pour-le-pluralisme-et-la-liberte
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Écrit par : Michel de Guibert / | 11/12/2019

LE SUJET N° 1

> "encore faut-il que nous vivions une espérance, et que cela donne à quiconque envie de nous en parler !"
Et nous d'en parler !
Voilà le sujet numéro 1 de la mission d'évangélisation confiée par le Christ aux apôtres et aux chrétiens qui sont les témoins d'un Christ vivant.
Que nous nous saisissions de cette mission dans une Eglise créative et allant aux périphéries.
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Écrit par : Alain De Vos / | 12/12/2019

REFLEXIONS

> Il y en a quand même qui font le chemin inverse, celui qui va vers l'Eglise. C'est sûr ce n'est pas la majorité. Mais si je peux vous donner un tout petit témoignage (je n'ai pas beaucoup d'expérience ni ne suis une spéçialiste de la vie et de l'histoire de l'Eglise, de l'élaboration de sa doctrine etc..), mon avis c'est quand même que ce qui manque à l'Eglise "institution" (mais pas que catholiques, toutes les églises chrétiennes), c'est la proximité et surtout remettre le sens de l'Evangile au centre. Etre capable de produire un message vivifiant, spirituel (notre monde l'est beaucoup plus qu'on ne le pense, il y a cette soif en tout cas) qui parle à l'intériorité. Je ne sais pas si vous connaissez le Père Maurice Zundel ou Anselm Grün...Leurs livres ont beaucoup de succés y compris chez des personnes très éloignées de l'Eglise. Pour cela il "faut" se délester un peu du poids du dogme, du credo figé au 4ème siècle. On peut dire tout ce qu'on veut, le dogme n'est pas vivifiant, il ne donne en aucun cas la mesure du sens, de la Parole qui ne s'incarne que par le sens qu'elle produit au coeur d'une personne, peu importe comment elle croit que Dieu agit. Les gens retiennent cela: résurrection des morts, incarnation par la vierge marie, résurrection de la chair, péché originel, infaillibilité pontificale, immaculée conception et tout le reste.....Au mieux s'ils ont baigné là dedans ils regardent cela avec l'affection culturelle qu'il faut , au pire ça leur passe totalement au dessus et ils ne se sentent pas concernés. Soit ils disent les Eglises ont confisqué ce message et ils vivent leur foi en dehors de tout giron ecclésial.
Beaucoup de personne ne mesurent même pas combien la Résurrection c'est quelque chose de tout à fait actuel, combien cela relève aussi de l'intériorité, que c'est aussi une puissance de transformation comme le levain dans la farine faît lever la pâte (image du Royaume dont Jésus nous dit qu'il est aussi au dedans de nous)....Et ils ne mesurent pas (mais je ne blâme personne car j'étais pareil) combien la Bible comporte des trésors spirituels, une aide incroyable pour vivre...Parcequ'ils s'arrêtent à ce qu'on dit, ce que les églises disent ou qu'ils lisent littéralement..Il y a aussi la lecture que l'on en fait. Il y a évidemment un au delà au sens littéral, cela aussi beaucoup qui ne sont pas familiers de la culture chrétienne ( et de l'éxégèse) n'en ont pas vraiment idée. St Augustin avait fait une belle distinction entre la voix et la parole.....La voix c'est ce qui crie, qui ne produit que du son, la parole c'est ce qui va faire sens dans l'intériorité de celui qui la reçoit. Le sens , ce qui parle au coeur, mène à la foi. Et c'est ce sens qui est profondément libérateur, et qui est peut être le coeur de la foi, c'est ce sens qui met en route, qui fait lever (le sens même du mot Resurrection: suscitare = faire jaillir, mettre en mouvement)...Personnellement l'irruption de ce sens dans ma vie a été une déflagration. Certes c'est aussi intervenu à un moment de ma vie où j'en avais profondément besoin. Mais cela m'a remis en route dans ma vie concrète (et fait découvrir la foi en même temps). Et jamais je n'aurais cru, je dois bien l'avouer, trouver dans la religion chrétienne toute cette richesse. Je n'en avais pas idée en fait. Ce n'était pas pour moi. ça ne me concernait pas. Il se trouve que ça c'est fait au moins au départ par l'intermédiaire d'un prêtre rencontré un peu par "hasard" (mais je ne sais pas s'il y a des hasards en la matière) , donc en ce qui me concerne je ne peux pas désespérer complétement de l'Eglise...J'ai appris à aimer sa liturgie, aussi parcequ'on m'a expliqué le sens. Je me construis peut être parfois (ou souvent) ma petite religion, je vais à la messe, au credo j'avoue que je me sens un peu "étrangère", j'enjambe certaines formulations qui me paraissent obscures, vagues, désuètes, loin de ce que je vis (mais avec aussi le désir d'en apprendre et "comprendre" davantage, ça me ne braque pas non plus mais parceque ça vient après un certain cheminement). Il se trouve aussi que tout cela s'est fait quelques mois avant le départ brutal de mon papa parti en 3 semaines et lui aussi m'a laissé un témoignage de foi qui a conforté le chemin que je faisais (la dernière chose qu'il a faite est de recevoir la communion: pour moi il y a eu un avant et un après)...
On pourrait faire tous les changements "structurels" que l'on veut, marier les prêtres, des femmes prêtres, décentraliser, plein de choses...Tant que le message de fond ne fait pas irruption, si on s'en tiens à ce que tu dois croire, notre foi c'est ça et des discours un peu plaqué, je ne suis pas sûre que cela change grand chose.
L'incarnation et la résurrection, c'est un message fabuleux, même d'un simple point de vue anthropologique. Et d'un point de vue spirituel, Dieu n'est plus au dessus, il est venu et il vient en nous, rejoindre notre propre humanité. L'Evangile parle sans arrêt de cette forme de renversement conceptuel...Ce que St Irénée avait formulé : Dieu s'est fait homme pour l'homme soit fait Dieu"...Personnellement quand ce sens m'a saisi, j'en ai été vraiment bouleversée: Dieu Tout puissant qui né dépendant dans une étable , Dieu Tout Puissant qui crie "j'ai soif" sur la croix, Dieu Tout puissant qui s'arrête et dit à la samaritaine : "Donne moi à boire"...J'entends donne moi à boire de l'eau de ton puits...Dieu Tout Puissant qui s'agenouille devant ses disciples pour leur laver les pieds, Dieu tout puissant "Veux-tu guérir" ? ( une question qui ferait pâlir d'envie nombre de psychanalystes). Il est de tous ces élans intérieurs, il naît, il vit, il vit sa passion, il s'agenouille en nous, il ressuscite en nous, il nous dit j'ai soif de toi, donne moi à boire....C'est sa plus grande puissance...Et c'est tout à fait nouveau. Il nous aide et nous l'aidons...Pour moi avant Dieu c'était très loin....Le christianisme nous offre un Dieu tout proche....(et c'est sa spéçificité), un Dieu presque intérieur....C'est sa plus grande beauté je trouve, c'est très fort, c'est très libérateur j'en suis vraiment convaincue.
Enfin c'est tout ce sens qui est infiniment porteur, de mon petit point de vue. Et quand j'en parle je constate que parfois des gens éloignés me disent des choses comme "je n'avais jamais vu les choses comme ça" ou "on en pense ce qu'on veut mais c'est beaucoup de richesses"........Donc l'Eglise (mais pas que la catholique) doit se poser la question, tous en fait collectivement, que faisons-nous, qu'avons-nous fait avec toutes ces richesses ? ( ce n'est pas une accusation mais une question inévitable à se poser tous ensemble), n'ont-elles pas disparues ou du moins été étouffées par un certain formalisme, une absence de liberté intérieur pour les croyants.

J'aime bien la manière dont le pape François conclue son exhortation post synodale aux jeunes : Christus Vivit (Il vit le Christ ! )

"En définitive un bon discernement est un chemin de liberté qui fait apparaître ce que chaque personne a d’unique, ce qui est vraiment soi, vraiment personnel, que Dieu seul connaît. Les autres ne peuvent ni pleinement comprendre ni anticiper de l’extérieur comment cela se développera. Il est nécessaire de susciter et d’accompagner des processus, et non pas d’imposer des parcours.
C’est pourquoi, quand on écoute l’autre de cette manière, à un moment donné, on doit disparaître pour le laisser poursuivre ce chemin qu’il a découvert. C’est disparaître comme le Seigneur disparaît à la vue de ses disciples et les laisse seuls avec la brûlure du cœur qui devient un élan irrésistible de se mettre en chemin. (cf. Lc 24, 31-33). Au retour dans la communauté, les disciples d’Emmaüs recevront la confirmation que vraiment le Seigneur est ressuscité (cf. Lc 24, 34)"...

Tout est dit ici de la mission de l'Eglise et de fort belle manière avec cette belle analogie sur le chemin d'Emmaus
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Écrit par : Marie-Do / | 12/12/2019

Merci Marie-Do

> ...pour votre beau témoignage que j'ai pris la peine de lire jusqu'au bout et avec gratitude.
Il me fait penser à St Augustin :
"Bien tard je t’ai aimée,
ô beauté si ancienne et si nouvelle,
bien tard je t’ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors
et c’est là que je te cherchais,
et sur la grâce de ces choses que tu as faites,
pauvre disgracié, je me ruais !
Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,
si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas !
(...)
Toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même."
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Écrit par : Michel de Guibert / | 13/12/2019

SOUPÇON

> Catholique en liberté vs Eglise en crise...C'est désormais un poncif de se revendiquer d'une Église qui n'est pas là pour faire des leçons de morale (quand elle n'est pas sommée de s'auto flageller pour avoir voix au chapitre), mais si c est pour une fois encore rejouer la petite musique officiellement estampillée "progressiste" du refus du dogme du péché originel, je ne vois pas ce qu'il peut en sortir de solide et de sanctifiant pour affronter le monde (néo libéral ou tout ce que vous voudrez d'autre).Les structures de péché qui y font écho et dont parlait St JPII sont elles des vues de l'esprit réactionnaire ? Ce jusqu'au boutisme de la position médiane, pour éclairé qu'il se donne à penser,laisse un goût amer.

Philippe


[ PP à Philippe :
Des goûts (amers) et des couleurs on ne peut pas discuter.
Deux remarques simplement :
– comme vous avez pu le constater si vous l'avez lu, en matière de doctrine socio-économique le livre de René Poujol marche avec le Magistère pontifical : chose assez rare (chez les notables du catholicisme français) pour être notée.
– Les interrogations qu'il formule dans la première partie sur des questions comme le sens du péché originel, sont les interrogations que beaucoup expriment aujourd'hui : y compris dans le milieu catholique... (voire uniquement là, les autres milieux s'en fichant totalement !).
Il est normal de faire écho à ces interrogations. Les nier serait tourner le dos à la réalité : attitude contraire à la foi chrétienne.
Je ne suis donc pas choqué de les trouver dans le livre en question. "Soyez prêts à donner les raisons de votre espérance", dit la première lettre de Pierre : reprendre sans cesse le travail d'approfondissement est la mission de la théologie, qui ne se conçoit que pour répondre aux interrogations, toujours changeantes, des époques successives.
A condition bien sûr que l'on prenne au sérieux la théologie, et que l'on ne zappe pas l'Evangile parce qu'on regarde tout ça comme une annexe muséale du Grand Combat pour l'Identité et l'Ethnie.
On momifie le catholicisme si l'on se met à le considérer comme un refuge loin des troubles du monde. Un catholicisme momifié ne serait plus catholique : ce qui lui donnerait non un goût amer, mais un goût de néant. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Philippe G. / | 13/12/2019

À R.C.F.

> Émission Témoin (RCF) avec René Poujol: https://rcf.fr/spiritualite/rene-poujol-ce-n-est-pas-vatican-ii-qui-provoque-la-crise-de-l-eglise
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Écrit par : Raphaël R. / | 13/12/2019

à Marie-Do :

> Merci pour votre beau témoignage.
Cependant, qu'entendez-vous par "il faut se délester un peu du poids du dogme, du credo figé au 4ème siècle" ? Car le symbole de Nicée-Constantinople, comme celui des Apôtres, est un guide sûr : voici ce que l'Église enseigne, ce qu'Elle croit ; dans un acte de foi, moi aussi je le crois même si ma raison ne peut en comprendre tous les termes. Je suis toujours ému de dire "je crois à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle" : un esprit cartésien ne peut l'admettre mais nous chrétiens y plaçons la source de notre Espérance, ce qui nous permet d'avoir, comme l'écrit fort justement M. Salamito, "un pied dans la vie éternelle".
Accepter le dogme, c'est-à-dire le Credo, c'est se placer en toute humilité dans les bras de Dieu : "Tu es mon berger, Seigneur ; rien ne saurait manquer où Tu me conduis".
Je ne voudrais en aucun cas apparaître comme péremptoire, bien au contraire : moi aussi, il m'arrive comme à chacun de nous de me poser des questions ; souvenons-nous que Jean de la Croix, Ignace, Teresa de Calcutta et beaucoup d'autres saints ont connu de longues nuits de la foi. Lorsque récemment j'apprenais qu'un innocent père de famille avait été tué par un chasseur qui l'avait pris pour un sanglier, où était Dieu à ce moment ? Comment peut-Il permettre qu'un homme meure aussi atrocement, que des enfants en bas âge perdent leur père ? Si Dieu est créateur de toutes choses, a-t-il également créé le VIH ou le virus Ebola, et à quelles fins ?
Pourquoi Dieu tout-puissant n'intervient-il pas en certaines circonstances d'extrême souffrance humaine ? Benoît XVI à Auschwitz s'est posé cette question, sans y apporter de réponse autre que celle du mystère du Mal, inintelligible à l'homme.
Devant ce qui dépasse chacun d'entre nous, le Credo est un acte de foi sûr par lequel je peux affirmer toute la confiance que je place dans "mon rocher imprenable", hors de qui la vie même n'aurait pas de sens. C'est suivre Job ou Marie au pied de la Croix, qui ne comprennent rien à ce qui leur arrive mais savent que leur Créateur est tout proche.
Peut-être, chère Marie-Do, me permettrez-vous de vous recommander une belle et profonde discussion sur la Foi, précisément :
https://youtu.be/aerZ7PQk--E
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 14/12/2019

Cher Philippe,

> Merci beaucoup !
St Augustin et de nombreux pères de l'Eglise parlaient de la "Fides Quae": la foi À LAQUELLE on croit ( le contenu, l'objet de la foi, le corps de doctrine) et la "Fides Qua" : la foi PAR LAQUELLE on croit (subjective, l'adhésion, l'élan intérieur, avec toute sa composante existentielle). Je trouve cette distinction très intéressante et tout à fait fondamentale. Même si j'ai encore bien du mal à lier les deux, il me semble qu'on ne peut que partir en tout cas du Fides Qua... ce qui n'exclut pas d'arriver un jour au Fides Quae...^^ Je ne désespère pas...Encore que...Ce serait bien trop triste de penser un jour atteindre la Vérité sur cette terre....La foi pour moi c'est une marche en avant permanente, être un éternel pèlerin. Montherlant disait que "tout ce qui est atteint est détruit"...Je crois cela assez vrai aussi dans une certaine mesure dans le domaine spirituel.
Ce que je veux dire c'est que le Credo est quelque chose de très figé, dans sa formulation, dans sa composante très dogmatique. Il ne rend pas compte du mouvement, or ce qui met en route (de manière individuelle) c'est forcément un élan intérieur...A moins qu'un énoncé du Credo touche le coeur ce qui n'est pas non plus à exclure, ce n'est pas du tout ce que je dis mais je crois que la manière dont la Parole fait sens dans sa propre liberté intérieure est encore plus fondamentale. Pour ma part j'aurais plutôt tendance à faire une part du chemin dans ce sens là !
Je ne veux vraiment pas non plus paraître péremptoire et je respecte vraiment le Credo et cherche à l'approfondir, quoiqu'il en soit il est de toute façon un élément culturel et civilisationnel qui ne peut qu'être "respecté" au moins d'un point de vue historique et spirituel.
Je ne vois toujours pas en quoi le Dieu chrétien tel qu'il est présenté dans l'Evangile est tout puissant....Ou il faudrait s'accorder sur la notion de toute puissance, peut être. Je ne trouve pas du tout évident lorsque je lis les Evangiles que Dieu soit "tout puissant", je trouve que Dieu est d'abord immanent quand je lis les Evangiles. Même la Résurrection, souvent je me dis en fait la grande nouvelle c'est que le Christ veut d'abord triompher en nous, faire triompher le Bien et le beau en nous, que nous soyons tous des petits tabernacles du Seigneur (je parle de notre intériorité). Suscitare en latin cela veut dire "mettre en mouvement, faire jaillir"...Donc c'est aussi cela la beauté de la Résurrection, c'est aussi cela qui met en route "le coeur tout brulant" les pélerins d'Emmaûs...En fait dans la Bible, j'y trouve plein de sens caché extraordinaire, dans les récits de guérison, dans les paraboles, dans les récits de la Résurrection.. auquel le seul credo ne m'avait jamais fait songer la moindre seconde... Je songe parfois combien le monde serait déjà bien plus beau si ce triomphe s'opérait réellement et radicalement dans la mienne et dans le coeur de chaque homme et de chaque femme. Auschwitz ce n'est pas Dieu qui l'a créé mais la haine au coeur de l'homme. Le juste, l'innocent est mort sur la croix mais il a vaincu. Et de quelle manière ? Pas en imposant tout à coup le triomphe du bien, l'absence de souffrance, l'absence de mal...Mais peut être en nous donnant la responsabilité de la beauté de cette nouvelle. Le mal n'aura pas le dernier mot. Dans notre vie surtout, dans notre coeur. En nous il peut toujours renaître à Noël, vivre, vivre la passion et ressusciter. Je le vis comme ça...Et pour maintenant: "Frère, vous le savez: c'est le moment, l'heure est déjà venu de sortir de notre sommeil"..Et Zachée sur son arbre à qui Jésus dit: "Zachée, descends vite, aujourd'hui il me faut venir demeurer chez toi"...Vite...Aujourd'hui...Chez toi..
ça va vous paraître bizarre, mais cela m'est assez égal de savoir ou de me prendre la tête pour savoir si tout cela est vrai. Je n'en sais rien mais ce n'est pas tellement cela qui m'a intéressé. Je trouve seulement que c'est beau, c'est d'une richesse immense, que c'est porteur d'un sens incroyable. Et que c'est réellement pour tous..
Merci mille fois de vos réflexions , nous sommes là pour nous enrichir !
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Écrit par : Marie-Do / | 14/12/2019

PP à Marie-Do

> Sur la "toute-puissance", je vous conseille un lumineux petit livre de Hans Urs von Balthasar (le tenez-vous pour un perroquet dogmatique ?), livre qui s'intitule... 'Credo'. Il renouvelle totalement l'approche de la notion. [réf. : HUvB, 'Credo', éditions Nouvelle Cité].
Quant aux textes des deux Credo que nous proclamons chaque dimanche, je trouve (pour ma part) qu'ils parlent profondément au coeur : ce sont des fenêtres ouvertes sur l'infini. Parce qu'elles sont précises, leurs formules (qui encadrent simplement les fenêtres, pour leur permettre d'exister) nous libèrent de la religiosité vague : ce "feel good" spirituel à la mode...
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Écrit par : PP / | 14/12/2019

@ Patrice

> Merci, je vais me procurer ce livre.
Pour ce qui est du Credo, j'aimerais aussi approfondir les notions et aussi l'historique, la manière dont tout cela s'est développé dans les premiers temps du christianisme. Je suis d'accord sur le risque de religiosité vague, mais le risque inverse existe également... De faire d'une spiritualité vivante un fossile.
Pour quelqu'un qui débarque, la formulation trop dogmatique peut faire fuir ou provoquer beaucoup d'incompréhensions. Encore une fois je ne remets pas en cause le bien fondé ni qu'il puisse parler au coeur. Mais il faut déjà être dans un cheminement me semble t-il bien avancé.
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Écrit par : Marie-Do / | 14/12/2019

@ Marie-Do

> Dans les Evangiles, Dieu est tout puissant et pas tout contraignant.
Parce qu'il est aussi tout aimant et parfaitement juste.
Il laisse aussi aux mauvais le temps de se repentir.
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Écrit par : E Levavasseur / | 15/12/2019

à Marie-Do :

> Étonnamment, votre réponse m'a fait songer au témoignage de François Léotard, en religion frère Honorat. Je vous invite à visionner la vidéo ci-dessous, dans laquelle l'ancien ministre de François Mitterrand se confie quant à son expérience monastique à l'abbaye bénédictine Sainte-Marie de La Pierre-qui-Vire, dans le Morvan.
Il rappelle que selon le philosophe Kierkegaard, il y aurait trois stades dans la vie spirituelle : le stade "esthétique", le stade "éthique" et enfin le stade "religieux". Léotard regrette d'en être resté au premier, ébloui par les chants et la vie monastiques mais ayant, comme vous le confiez vous aussi, un "problème avec le dogme". S'il ressentit une paix intérieure à La Pierre-qui-Vire, l'ancien ministre avoue ne pas croire, restant sensible au seul aspect "esthétique" de la vie chrétienne.
Peut-être n'est-ce qu'une impression : seul Dieu voit en nos cœurs ; la foi dans le Christ ressuscité est certainement présente lorsque quelqu'un cherche Dieu, comme c'est le cas lorsqu'on se présente en pleine nuit à la porte d'une abbaye. Laissons Dieu agir en nos cœurs : après avoir écouté un psaume chanté en polyphonie, réciter le symbole des Apôtres, en faisant une pause après chaque strophe, rapproche certainement notre cœur de Dieu. Nous sommes temples de l'Esprit saint : laissons-le nous guider en acceptant, avec humilité et confiance, la foi de l'Église.

https://youtu.be/q5-rKWbN8ZE
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 15/12/2019

à Marie-Do :

> http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/20496975af.html?fr=y&refresh_ce

Saint Paul VI, le 30 juin 1968, prononça un Credo élaboré qui est un monument de théologie comme de littérature. Peut-être vous parlera-t-il davantage que celui de Nicée-Constantinople ?
Un texte superbe, profond, plein de Foi et d'Espérance.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 17/12/2019

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