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23/11/2019

2019 : l'UE engluée dans le fantasme d'une attaque russe

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Manoeuvres aériennes UE du 3 au 22 novembre à Mont-de-Marsan. Dans le "scénario" de ces manoeuvres, notre ennemi est... russe :


Le saviez-vous ? La prochaine "guerre de haute intensité" opposera les armées de l'Europe à celles de la Russie, ennemi "de même puissance" ! C'était le thème des "exercices Volfa" qui viennent de se tenir à partir de la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan.

Cinquante pilotes de quatre pays de l'UE s'y sont entraînés à affronter des “bandits” (c. à d. "contacts confirmés hostiles", en jargon US-OTAN). Qui sont les bandits pour notre  armée de l'air ?  Des Sukhoi-27 et des Yak-130. Les Russes, forcément...

Pourquoi "forcément" ? Parce que le pli est pris depuis très longtemps. Pour être précis : depuis la guerre froide. Mais la guerre froide est finie depuis plus de trente ans ? Oui, mais l'OTAN est toujours là, et depuis 2016 l'UE se persuade que la Russie est de nouveau son "adversaire potentiel".

armées

C'est ce qu'on appelle la "culture OTAN"... L'OTAN aurait dû disparaître après la dissolution de son homologue soviétique, le pacte de Varsovie. Elle n'a pas disparu. Pour plusieurs raisons : 

► Les présidents successifs à Washington – jusqu'à M. Obama et a fortiori M. Trump – ont veillé à ce qu'UE et OTAN soient soudées recto-verso. Objectifs : vendre aux Européens l'armement américain, garder politiquement l'UE sous la coupe américaine, et coupler l'élargissement de l'UE vers l'Est avec celui de la présence militaire américaine. Aujourd'hui Washington, hypnotisé par le Pacifique et la Chine, se désengage du Vieux Continent ; mais le tropisme US des Européens persiste ! Le sommet des 70 ans de l'OTAN les 3 et 4 décembre à Londres, patronné par MM. Trump et Johnson, promet d'être folklorique...

► Pour justifier l'élargissement de la présence militaire US vers l'Est à partir de 1993, quatre Etats membres de l'UE s'étaient posés en futures victimes d'une attaque russe vers l'Ouest : hypothèse très improbable mais nécessaire à la posture "occidentale", qui était indéfinissable sans cet épouvantail. Comme par hasard, les quatre Etats en question (Pologne, Lituanie, Estonie, Lettonie) étaient inconditionnellement pro-américains. Plus ils voient aujourd'hui Washington tourner le dos à l'Europe, plus ils agitent l'épouvantail russe pour garder les bases militaires américaines implantées chez eux depuis les années 1990 : au temps où Washington semblait préparer une sorte de guerre chaude avec la Russie.

► Engluées dans leur désir de croire encore et malgré tout au "parapluie américain”, fermées à tout effort budgétaire de défense, rivées à leur crainte très obsolète d'une "hégémonie française" (?), les capitales de l'UE sont affolées par l'audace verbale de M. Macron lançant le 7 novembre : “L'OTAN est en état de mort cérébrale”.

► Mais cette parole de M. Macron irrite une partie des généraux français, soucieux de ne pas perdre leurs habitudes à l'OTAN et, pour quelques-uns, leur rond de serviette au Pentagone [*]. Voilà donc nos Rafale, dans le ciel d'Aquitaine et d'Auvergne, mimant – avec les Eurofighter et les vieux Tornado (1980) de nos partenaires – une grande bataille contre l'aviation russe. C'est le "conflit de haute intensité"  qu'imagine maintenant une armée française dont les chefs semblent penser en anglais.

Le plus beau est que l'une de nos unités aériennes engagées là-dedans, le régiment de chasse 2/30 de la base 118, porte un nom qui évoque une tout autre histoire : Normandie-Niémen.

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[*]  Les opérations militaires françaises en Syrie furent coûteuses quoique très marginales. À quoi ont-elles servi selon les généraux français, qui s'en félicitent ? "À nous rapprocher des Américains".

 

 

Novembre 2012 à la base de Mont-de-Marsan. Quand Français et Russes célébraient le 70e anniversaire de l'escadrille Normandie-Niémen...  Sur la photo : un Yak-9 1942 de cette escadrille (croix de Lorraine et casserole d'hélice tricolore) ; et un Rafale décoré pour l'occasion de l'étoile rouge et des marques de 1942 : croix de Lorraine et flèche-éclair.

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Commentaires

SANG-FROID

> Heureusement, le président russe est un homme de sang-froid et non un va-t-en-guerre américain.
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Écrit par : Bernadette / | 23/11/2019

POUTINE ET L'U.E.

> Vladimir Poutine vient de le répéter au forum d’investissement 'Russia Calling !'qui se tenait à Moscou : « L’existence de l’Union européenne est dans l’intérêt de la Russie ». Il a ajouté : « Nous voulons avoir affaire à un partenaire prévisible et compréhensible »
(https://francais.rt.com/international/68152-poutine-n-exclut-pas-que-des-pays-d-europe-orientale-quittent-l-union-europeenne).
La politique de l’UE redeviendra compréhensible le jour où les Américains préféreront véritablement la paix à la guerre, et cesseront donc de polluer le projet européen en s’appuyant sur l’OTAN.
L’UE démontrera toute son utilité lorsqu’elle aura convaincu l’administration US de se libérer de son « complexe » militaro-industriel, quand la classe politique américaine comprendra que l’avenir des Etats-Unis – et donc l’avenir et la stabilité du monde – passe par une alliance étroite avec la Russie. Bref, par une « Europe de l’Atlantique à l’Oural »… Que dis-je ? pardonnez-moi cette vision étriquée… le Grand Charles dirait aujourd’hui : par une « Europe de l’Amérique au Kamtchatka » !
Salutations.
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Écrit par : Longin / | 23/11/2019

LA RUSSIE, PUISSANCE MOYENNE

> Il serait bon de revenir dans la réalité. On sait aujourd'hui que les Etats-Unis savaient dès le début des années 60 (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Oleg_Penkovsky) que l'URSS était militairement très inférieure.
Pour aujourd'hui, l'émission "le dessous des cartes" d'Arte a diffusé il y a quelques temps une interview d'Hubert Védrine en lui posant la question suivante: "qui dirige le monde aujourd'hui?" Il est évident qu'il convient de regarder vers la Chine et les Etats-Unis. Pour ce qui est de la Russie, il fait la remarque suivante: "un pays qui dispose d'une puissance économique entre celle de l'Italie et de l'Espagne pour 147 millions d'habitants". Imagine-t-on alors sérieusement que ces gens-là puissent nous inquiéter? Védrine conclut: une puissance moyenne périphérique avec un pouvoir de nuisance certain, mais rien de plus.
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Écrit par : ND / | 23/11/2019

à Bernadette :

> Vous avez raison, mais (et cela est en lien avec le précédent sujet). Poutine continue de mener des recherches stratégiques liées à l'arme nucléaire : l'explosion qui fit récemment plusieurs morts sur une base secrète russe était liée à ces recherches. L'aveuglement de l'OTAN, en provoquant Moscou depuis trente ans, n'y est sans doute pas pour rien : on aimerait que le Saint-Siège soit écouté sur cette question par toutes les parties en présence.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 24/11/2019

LE VENT TOURNE

> Il y a probablement aujourd'hui en France et en Allemagne les partisans d'un retour à des discussions pragmatiques avec Moscou face à des inconditionnels de l'alliance nord-américaine. Ces derniers bénéficient encore d'un important soutien médiatique mais je pense que le vent tourne, ne serait-ce que parce que nos intérêts d'Européens continentaux nous rapprochent de la Russie.
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Écrit par : Daniel Azan / | 24/11/2019

ARGUMENTS RUSSES

> Les Russes ont d'autres arguments que les biceps (dont ils ne sont, par ailleurs, pas dépourvus) :
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/30/nord-stream-2-le-danemark-autorise-la-construction-du-gazoduc-qui-doit-relier-l-allemagne-et-la-russie_6017464_3234.html
L'OTAN n'a que les biceps à faire valoir, au service du gaz de schiste américain, plus cher et probablement plus polluant.
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Écrit par : Yvan / | 24/11/2019

BALTES

> C'est bien pour cela que le milieu atlantiste a poussé à l'entrée de ces quatre États dans l'OTAN et son versant civil l'UE, sachant que leur ressentiment historique (bien compréhensible!) à l'égard de la Russie reste à fleur de peau.
Ils n'ont recouvré leur indépendance que depuis 30 ans, et de temps en temps, une découverte ravive les souvenirs.!
Hier encore, une cérémonie patriotique et religieuse se déroulait à Vilnius.
https://fr.euronews.com/2019/11/22/des-rebelles-anti-tsaristes-exhumes-et-honores-a-vilnius
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Écrit par : PF. Huet / | 24/11/2019

@ Longin

> L'UE peut-elle avoir une politique indépendante?
Non, car, malgré leur voisinage, ils ont des intérêts et des relations géopolitiques trop différents. Ils ne peuvent que la fermer et suivre ce que de Gaulle appelait "le fédérateur extérieur".
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Écrit par : PF. Huet / | 25/11/2019

@ PF Huet

> Je vois pour ma part l’UE comme un « fédérateur intérieur » en faveur de la paix. A condition qu’elle reconnaisse elle-même ce qui demeure la raison de son existence – quelles que soient les arrière-pensées et les choix économiques et financiers qui ont accompagné son développement – pourvu qu’elle se recentre sur le cœur de sa vocation : la paix des nations.
Bref, vous comprendrez que je m’exclame aujourd'hui : « Vadre retro Otanas ! »
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Écrit par : Longin / | 25/11/2019

MOSCOU

> Tout frais d'hier :
http://www.chroniquesdugrandjeu.com/2019/11/moscou-en-roue-libre.html
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Écrit par : Yvan | 25/11/2019

D'Etienne Pilorget (commentaire sur ma page Facebook) :

> Les Américains sont nos amis. Ils nous achètent nos entreprises pour voler les technologies et les dépecer en laissant les salariés sur le carreau, nous submergent de leur musique industrielle à vomir et de leurs films de merde pour QI de cowboy attardé, veulent toujours être gagnants en commerce, nous font bien savoir que nous dépendons d'eux et que nous devons suivre leur politique extérieure sous peine de sanctions, bombardent les hôpitaux et ne présentent jamais d'excuses pour leurs massacres de civils. Ils ne dominent pas le monde, ne l'exploitent pas, et ne souhaitent pas le tenir sous leur botte par tous les moyens. Les Russes sont d'affreux zozos qui n'attendent qu'un moment d’inattention pour dominer le monde! Et la France dans tout ça? Ben, avec Macron...
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Écrit par : PP / | 26/11/2019

à Etienne Pilorget :

> C'est hélas exact. J'apporterais un bémol : Macron a tenté, il y a peu, de susciter un début de prise de conscience de l'obsolescence de l'OTAN, trente ou presque après la dislocation de l'URSS. On aimerait en effet que l'organisation, en état de "mort cérébrale", se disloque elle aussi. Mais les Allemands ne l'entendent pas ainsi et, à leur suite, toute l'Europe centrale et orientale. Autant dire que les Américains n'ont pas de souci à se faire !
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 26/11/2019

SENSIBLES

> Sans naïveté sur ces sujets complexes (en particulier sur les motivations des États Unis et de l’Allemagne), on pourra toutefois garder à l’esprit que la sensibilité de la Pologne et des États baltes est légitime : la Russie les a brutalement annexés ou envahie lors de la seconde guerre mondiale et les États baltes n’ont retrouvé leur souveraineté qu’en 1991. J’imagine que la relation franco-allemande aurait toujours été extrêmement sensible dans les années 70 si le projet européen n’avait pas été engagé de manière assez visionnaire et courageuse.
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Écrit par : Monsieur Jean / | 26/11/2019

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