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24/07/2019

"Aider la nation tout entière à s'élever"

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Communiqué du diocèse de Paris à propos du projet de loi bioéthique présenté ce mercredi au conseil des ministres : 'Tribune du P. Laurent Stalla-Bourdillon (directeur du Service pour les professionnels de l'information, ex-aumônier des parlementaires') :


 

 

La Croix, 16 juillet 2019 


 
<<   Face aux bouleversements scientifiques, face à la force des marchés, trouver les moyens de s'élever pour contempler et comprendre est une nécessité. Lorsque la société roule sur la technique et dans le même temps semble congédier la raison, il n'est plus temps d'interroger les dramatiques effets des techniques ni les égarements de la raison. Il convient de revenir en profondeur aux enjeux de l'existence.


Élargissement de la PMA, conséquences pour la filiation


D'où viennent la nécessité de l'élargissement de la PMA et la mystification du droit de la filiation que va induire le vote de la loi de bioéthique ?
La réponse appartient au champ du débat social. Il faut, sur ce terrain, que des élus parlent sinon pour le peuple dont on nous dit qu'il serait acquis à la "filiation pour tous", du moins au nom de la raison dont on sait qu'elle seule peut préserver des blessures à venir. Si personne ne peut s'arroger dans les faits une filiation par soi seul, c'est qu'il y a sans doute une bonne raison, et non une simple malfaçon de la nature qui prive l'individu d'un droit. Lorsque le droit décrète un possible qui demeure impossible dans les faits, c'est que l'homme est entré dans un autre univers que celui du monde commun dont les lois nous gouvernent. L'humanité technicienne se crée son nouvel univers de vie au sein de ce monde jugé étroitement soumis à des contingences devenues insupportables.

Lorsque la technique est parvenue à produire ses effets de séduction et de sidération sur l'esprit des hommes, il n'est plus temps de perdre ses forces à la lutte d'arguments que la partie adverse n'a nullement l'intention de considérer. Il faudrait naturellement que les parlementaires s'interrogent et débattent. Ils s'imaginent hélas parfois devoir être les prophètes d'un monde nouveau à défaut de servir un monde meilleur. Il faudrait l'engagement de citoyens, de mouvements, au nom de convictions philosophiques ou anthropologiques qui sont les leurs pour questionner et réfléchir à la suite des États généraux de la bioéthique.

"D'où je viens"

Il faudrait surtout sortir de l'absurde. Ab-surde veut dire "être sourd à" la possibilité d'un sens, d'une cohérence de l'existence humaine, bornée dans le temps et cependant ouverte sur l'infini que chacun porte en soi. Cet horizon intérieur qui est la vie véritable de l'homme bien au-delà de sa biologie fragile et temporaire n'a pas de poids aujourd'hui.

Qui fait cas de ce que la vie temporelle est d'abord un appel à devenir ? Faire des enfants au moyen de techniques procréatives, ne dit rien de ce qu'il faut encore annoncer à l'enfant dans l'ordre du sens de son existence. Or précisément, ce sens se décrypte en premier lieu à travers la modalité concrète de la survenue de la vie de l'enfant. D'où je viens ? Le terme n'est-il pas contenu dans l'origine ?

Face aux prouesses techniques reproductives

Les responsables de l'Église catholique de France ne manqueront pas d'inviter chacun à s'interroger sur les principes qui gardent une société unie. Nul n'ignore, à moins de feindre l'étonnement, les réserves des pasteurs de l'Église catholique sur toutes les techniques d'assistance à la procréation, dès lors qu'elles font intervenir un tiers dans l'intime de l'union des parents. Nul n'ignore combien l'écart s'est considérablement agrandi entre les recommandations des pasteurs de l'Église et les pratiques de notre société, – dont celles de nombreuses personnes de confession catholique. Si bien que l'Église catholique semble prise dans une contradiction, et n'est plus perçue que comme l'institution s'opposant systématiquement à tout.

Les évêques de France assument une position avec tout ce qu'elle implique de possible disqualification dans les débats difficiles d'une société acquise aux prouesses des techniques reproductives.

L'Église doit cependant, aujourd'hui, oser offrir les raisons de son espérance sur l'humanité, fut-elle une humanité prisonnière des menottes douces des facilités techniques. Elle va sortir de la majorité qui décide pour les autres, et se souvenir que sa seule raison d'exister est d'apporter au monde une parole d'espérance : la personne de Jésus, le Christ, en qui le terme ultime de notre vie ici-bas est dévoilé. L'Église catholique n'a pas reçu mandat de régenter le monde, mais de lui offrir le Christ ressuscité des morts.

Par-là, elle annonce à tous que la vie pour laquelle nous sommes faits est la vie qui vient. Son appel à vivre pleinement sa vie sur terre, éclairé par sa Parole d'amour, atteste qu'il y a une vie dans et par-delà la mort, à laquelle il faut se préparer. C'est ainsi que l'Église catholique, unissant pasteurs et fidèles, demeure l'indispensable pourvoyeuse d'espérance au service d'un monde qui tend à ne plus savoir où la trouver et s'aveugle dans une illusion technicienne. Les effets de la réforme du code de la filiation comme l'usage de multiples dépistages se feront sentir dans plusieurs années, après que les générations conçues se seront affrontées au sens de la vie, aux raisons de leur sélection et aux conditions de leur développement et de leur croissance.


L'attention au plus vulnérable

C'est à tous, qu'elle annoncera le sens de l'existence, quel que soit son mode de conception. Ce n'est pas la technique qui déçoit, c'est la saveur qu'elle laisse dans l'âme. L'Église catholique sait de quelle soif les âmes sont habitées. Si les évêques ne peuvent que regretter l'insouciante accélération de la marchandisation du vivant, ils sauront aussi semer l'espérance dans toutes les âmes, car ils ne sont pas les serviteurs de quelques-uns mais de tous.

L'Église ne se trompe jamais lorsqu'elle place au centre de son attention, et attire celle du monde, sur le plus vulnérable et le plus pauvre. C'est depuis les hauteurs que l'horizon est courbe. Qui ne s'élève ne peut le dire, seul celui qui s'élève peut le constater. Aux pasteurs de l'Église catholique, aux fidèles qui vivent de l'Esprit de Jésus, et à tous ceux qui cherchent, revient la responsabilité d'aider la nation tout entière à s'élever afin qu'elle juge par elle-même de l'horizon authentique de l'existence.

 

P. Laurent Stalla-Bourdillon  >>



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10:12 Publié dans Idées, Société | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : bioéthique

Commentaires

UN MONDE PAÏEN ?

> Beaucoup ont l'impression que le monde dans lequel nous vivons redevient païen. Si la PMA/GPA avait existé du temps des nazis, ceux-ci l'auraient utilisée sans hésitation.
Sur certains aspects, les choses vont donc à l'encontre de la religion.
Plus globalement, pourtant, tel n'était pas toujours le cas. Notre morale a été influencée par le judéo-christianisme ; les droits de l'homme sont issus des lois juives du Décalogue. Par exemple, l'abolition de la peine de mort est une réforme dans le droit fil du christianisme, etc. Notre monde présent doit beaucoup à Jésus.
C'est ce qu'un penseur comme René Girard a parfaitement mis en lumière. Allez dans la rue, demandez au premier quidam venu si Jésus était coupable ou innocent, même s'il est athée il vous répondra qu'il était innocent. C'est entré dans les moeurs.
Malgré ce succès qu'il faut souligner, il convient de constater que sur certains points le message ne passe pas. C'est le cas pour la PMA/GPA, ou le consumérisme putride de nos sociétés garde le dernier mot et conduit à des "avancées" aberrantes. On peut espérer qu'elles seront abrogées ou qu'elles deviendront désuètes, quand on se rendra compte de tout les maux qu'elles produisent, notamment sur les enfants.
Le Père, dans son article, parle du "sens". C'est en effet essentiel. Malgré l'apport dans notre société des valeurs judéo-chrétiennes, il y a une perte de sens, qui est due au péché. L'homme se laisse aller à la facilité, abusant de sa liberté, il baisse les bras devant Satan. Saura-t-il rebondir, cette fois encore ?
______

Écrit par : Bégand / | 24/07/2019

SIMONE WEIL

> Déjà citée sur ce blog, Simone Weil avait entrevue le "déracinement" de nos sociétés et plus grave encore des personnes qui forment ces sociétés.
Elle s'opposait déjà à cette mentalité des "droits de l'Homme" qui est un consumérisme appliqué à la vie en société elle-même : il y a un désir qui ne peut être entravé, il définit très vite un besoin (un droit à...) que la société doit s'empresser de satisfaire (un droit sur...).
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas "L’Enracinement" de Simone Weil, ou qui n'ont pas le temps de lire ou relire ce livre, je vous invite à lire ces quelques notes de lecture ici : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/simone-weil-l-enracinement-181511.
______

Écrit par : J-Luc / | 24/07/2019

GAËL GIRAUD

> Hier sur son compte Twitter, Gaël Giraud, s.j., publiait ceci : "On profite de l'été pour faire avancer les sujets brûlants. Destruction progressive de la fonction publique... Bientôt, privatisation d'ADP, privatisation de la gestion du livret A, démantèlement de la Caisse des Dépôts, privatisation des routes nationales..."
L'introduction de la PMA pour femmes seules et lesbiennes n'arrive donc pas seule. On pourrait ajouter à cette liste la possibilité de rendre payant l'accès à la justice, sérieusement envisagée par le gouvernement.
La macronie souhaite à l'évidence américaniser notre mode de vie, mais est-elle consciente du prix social d'un tel bouleversement ?
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 25/07/2019

AGACINSKI

> Remarquable entretien avec Sylviane Agacinski : « Avec la PMA, on crée le rêve de l'enfant sur commande »
À la veille d'un débat au Parlement, notamment sur la PMA, la philosophe s'inquiète que les questions bioéthiques perdent tout repère.
https://www.lepoint.fr/politique/sylviane-agacinski-avec-la-pma-on-cree-le-reve-de-l-enfant-sur-commande-27-07-2019-2327071_20.php
______

Écrit par : Michel de Guibert / | 27/07/2019

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