21/06/2019
Ubu va devoir bombarder l'Iran sans l'avoir voulu
Pris dans son engrenage d'irresponsabilité paradeuse, M. Trump va peut-être s'obliger à replonger le Moyen-Orient dans le chaos. Comme M. Bush l'avait fait en Irak. Et avec des résultats fatalement comparables, sans doute en pire :
Entre Washington et Téhéran, via l'axe Jérusalem-Ryad, semble se passer ce que l'on prévoyait depuis plus d'un an. Donald Trump avait été élu notamment sur la promesse de retirer les boys de tous les shitholes du Moyen-Orient ; depuis la nuit dernière il chevauche (à reculons) le tigre d'une nouvelle catastrophe là-bas, et d'une ampleur encore pire sans doute que le désastre irakien de 2003 :
<< D’après le New York Times, le président américain a validé une offensive contre un éventail de cibles iraniennes, telles que des radars ou des batteries de missiles, puis s’est ravisé alors que les avions de chasse avaient décollé et les navires de guerre s’étaient mis en position. Aucun missile n’a été tiré, avant que l’opération soit annulée, à 19 h 30, heure de Washington (1 h 30 du matin, à Paris), a déclaré un membre de l’administration, cité par le journal. La Maison Blanche et le Pentagone ont refusé de commenter l’information. >> (Le Monde.fr).
Pourquoi l'idée d'attaquer militairement l'Iran ? Parce qu'un drone américain – engin sans pilote d'espionnage militaire – a été abattu au dessus du détroit d'Ormuz : dans l'espace iranien selon Téhéran, dans l'espace international selon Washington. Ce qui ne vaut évidemment pas le déclenchement d'une guerre aux conséquences incalculables. Mais tout se passe depuis 2018 comme si M. Trump avait déclenché le compte à rebours de cette guerre : seule issue pour ne pas paraître, ensuite, reculer... Une issue délibérément voulue, quant à eux, par les néoconservateurs (Bolton-Pompeo) qui entourent désormais M. Trump.
M. Bolton et les autres cinglés avaient persuadé GWB qu'en détruisant "Saddam Hussein" – en fait : en détruisant l'Irak – on allait voir fleurir à Bagdad la democracy et le free-market ; ils ont provoqué le chaos et Daech. Brillant bilan d'une guerre fabriquée sur la base de mensonges énormes, celui de l'existence d'Armes de Destruction Massive et celui des Attaques à l'Anthrax – n'oublions jamais la scène obscène à l'ONU, où Bolton & C° avaient envoyé le général Powell brandir une petite fiole blanche... (On connaît la suite). Aujourd'hui, derechef tout-puissant conseiller de la Maison Blanche, M. Bolton persuade The Donald qu'il suffira de "frappes aériennes" pour que la population d'Iran renverse la République islamique et instaure elle aussi la democracy et le free-market, c'est-à-dire le retour des multinationales pétrolières anglo-américaines comme au temps (1953) de l'élimination de Mossadegh. On verra la suite...
Supposons que la machine de guerre US parvienne à démolir assez l'Iran pour provoquer là aussi le chaos (seul but de guerre que Washington soit capable d'atteindre) : si alors les choses tournent au prévisible – imprévisible pour des cervelles américaines –, le monde connaîtra le désespoir terroriste chiite après avoir connu le désespoir terroriste sunnite. L'ultradroite américaine et ses clones frenchy, amis de Mme Maréchal en tête, mettront cela sur le compte d'une méchanceté propre à la religion musulmane ; ils en feront un bon gros livre phobique préfacé par M. Bannon, livre que publiera un éditeur parisien pourtant célèbre pour sa fine connaissance du monde iranien ! Business is business.
Quant à M. Trump, son choix devient parfaitement ubuesque : élu pour ne pas faire de guerres, il va devoir en faire une pour garder son image de tough guy aux yeux des mêmes électeurs... "Trop de pression maximum, pas assez de diplomatie : Trump s’est mis en situation de perdre la face ou de devoir répliquer par les armes." (Le Monde.fr)
12:27 Publié dans Iran, Trump | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : trujmp, iran
Commentaires
LA FOLIE
> Le film 'Vice', glaçant témoignage sur le rôle de Dick Cheney dans le déclenchement de la guerre d'Irak de 2003, montre comment les néoconservateurs (dont le sinistre Bolton) ont pu se servir du président dans leurs visées guerrières ; celles-ci étaient d'abord motivées par le souci de contrôler les puits irakiens (M. Cheney, ancien PDG de la société pétrolière Halliburton qui l'a rémunéré à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars en 2000, a permis à celle-ci d'accéder aux immenses réserves irakiennes dès 2003).
Une guerre contre l'Iran ne serait-elle pas au fond souhaitée par l'État profond américain pour la même (et unique) raison ? Les puits saoudiens se tarissent, ceux des Émirats sont également en fin de vie, le pétrole de schiste n'est pas si rentable : c'est la fin du pétrole bon marché. Mettre la main sur les puits iraniens permettrait de satisfaire l'insatiable appétit en hydrocarbures de l'Oncle Sam, dont le mode de vie est "non négociable".
On sera à +3 degrés et la Terre réellement transformée en une invivable étuve que les industriels américains continueront à hurler "drill baby, drill" : folie idéologique, désastre écologique.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 21/06/2019
PAS SÛR
> A la chronologie près, Donald semble moins enclin à la montée aux extrêmes que certains des membres de son entourage. Pas sûr qu'il soit si inconscient qu'il n'en a l'air.
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Écrit par : Fondudaviation / | 21/06/2019
AGAIN
> S'il attaque l'Iran, il ne devrait pas y avoir grand monde en Europe pour le suivre sauf les Rosbeefs ; ensuite il y a l'Arabie Saoudite et Israël. C'est court.
Quant à l'Iran, elle (c'est féminin ou masculin l'Iran ?) semble chercher son chemin :
http://www.chroniquesdugrandjeu.com/2019/06/cette-satanee-multipolarite.html
même si pour l'heure elle ne peut compter que sur l'aide affirmée de la Turquie, la Syrie et du Hezbollah. Et peut-être l'Irak. Ça mérite quand même réflexion. Surtout si :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Millennium_Challenge_2002
Si Trump veut la guerre, je lui conseille la Californie ou le Texas qui ont manifesté des souhaits (sérieux ou pas, on s'en fiche) de sécession il y a quelques temps. Il paupérise les populations grâce aux inénarrables sanctions économiques, attend qu'elles n'aient plus de nourriture ni de médicaments, crie au scandale, agite Guaido, et les attaque pour les sauver. En plus la reconstruction peut relancer la croissance. Que du bénef. Et on reste entre soi, on va pas embêter le monde.
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Écrit par : Yvan / | 21/06/2019
PERDRE SUR LE TERRAIN ?
> La différence avec l'Irak, c'est que pour l'Irak les US avaient de bonnes chances de gagner la bataille : le pays est petit en taille, plat et faiblement peuplé. Pour l'Iran, ils ont toutes les chances de perdre la bataille (même la première) car le pays est grand, fortement peuplé, et montagneux (donc plus facile pour de la guérilla).
Même si le peuple iranien, rejette son gouvernement et ses mollahs à 90%, ce peuple se mettra en ordre de bataille (à contre-coeur) contre cet ennemi qui vient de l'extérieur et massacre des civils innocents (les "dégâts collatéraux" vous vous souvenez ?).
Du coup, au lieu de s'effondrer dans 10 ou 20 ans, ce régime sera relancé pour 50 ans.
Les bombardements massifs américains sur les grandes villes portuaires françaises en 1944 ont eu un résultat : des mairies communistes pour les 40 années suivantes. Résultat de la "démocratie et la liberté à coup de bombes" !
En un siècle les "stratèges" américains n'ont rien appris, ou alors ils le font en conscience : dire une chose très fort, en voulant faire l'inverse ! Il faut dire qu'un ennemi bien visible est pratique : il permet de garder un budget militaire élevé (c'est le cas depuis 1947 et la première bombe A russe).
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Écrit par : bergil / | 24/06/2019
U.S. ET DAECH
> Daech a été battu par les Russes, Kurdes, Irakiens, etc mais aussi grâce à l'aide iranienne et plus généralement des Chiites.
Si les Etats-Unis font la guerre à l'Iran chiite et qu'ils l'affaiblissent, il y a un risque que les islamistes sunnites, donc Daech, reprennent des forces en profitant de l'affaiblissement chiite-iranien d'autant plus que les Américains sont assez... pour s'appuyer sur eux contre l'Iran.
youpi ! c'est la chenille qui redémarre !
@ Yvan
"Quant à l'Iran, elle (c'est féminin ou masculin l'Iran ?) "
on vous répondra que 'ce genre de question genrée' (sic) n'a pas pas place ici.
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Écrit par : E Levavasseur / | 24/06/2019
@ Bergil
> Vous avez raison.
-L'agression irakienne à consolidé la révolution islamo-nationaliste.
-Quant aux montagnes, je me souviens que la Suisse avait choisi la dissuasion du "ticket d'entrée dans le réduit alpin": pouvoir causer à l'agresseur des pertes qui enlèvent l'intérêt d'une agression, même soviétique. Et en Iran, le Zagros est 20 fois plus étendu que les Alpes suisses, soit plus vaste que la France, aussi haut et moins pénétrable (pas de larges vallées glaciaires).
L'enseignement de l'Afghanistan porte-t-il ?
PH
[ PP à PH – Aucun enseignement ne porte sur le Pentagone. Contre l'Iran ils reprennent le mécanisme des deux dernières calamités : la guerre du Vietnam (commencée sur le prétexte d'un faux incident naval dans le golfe du Tonkin) et la guerre d'Irak (commencée sous le prétexte dju terrorisme et des ADM)... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Pierre Huet / | 24/06/2019
@ Philippe
> "Mettre la main sur les puits iraniens permettrait de satisfaire l'insatiable appétit en hydrocarbures de l'Oncle Sam, dont le mode de vie est "non négociable".
Certainement. Et on peut remplacer "iraniens" par "vénézuéliens", ça marche aussi.
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Écrit par : Yvan / | 24/06/2019
à Yvan :
> "S'il attaque l'Iran, il ne devrait pas y avoir grand monde en Europe pour le suivre sauf les Rosbeefs".
N'oublieriez-vous pas la France, bon vassal des US ?
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Écrit par : Isabelle Meyer / | 24/06/2019
UNE BONNE PETITE GUERRE
> La vérité est que les USA sont sur la pente du déclin. D'où le succès du slogan de Trump qui lui a apporté sa victoire "make America great again" (en réalité rengaine entonnée depuis ... R.Reagan).
Plus les années passent plus cela saute aux yeux. Ainsi avec un président aussi macho l'industrie de l'armement joue sur de velours. Pour l'instant "America" montre ses muscles de ci de là ; mais finalement pour prouver l'efficacité de sa politique quoi de mieux qu'une petite guerre victorieuse ?
Le problème est "juste" de trouver l'adversaire idoine (un minimum valorisant mais suffisamment faible).
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Écrit par : franz / | 25/06/2019
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