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22/03/2019

Affaire Barbarin : la clé de la décision du pape

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...c'est le précédent de Mgr Wilson : cible du même grief que le cardinal Barbarin et vigoureusement 'démissionné' par le pape... mais innocenté en appel par les juges australiens il y a trois mois

https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Monde/just...


Je redonne ici le commentaire de Philippe de Visieux :

<<  Le traitement du cardinal Barbarin est différent de celui de Mgr Philip Wilson, ancien archevêque d'Adélaïde, en Australie, qui fut condamné en première instance pour non dénonciation mais avait demandé à ne démissionner de ses fonctions épiscopales qu'en fonction du jugement d'appel ; Rome avait alors exigé sa démission immédiate, effective le 30 juillet dernier. Or le 6 décembre dernier, Mgr Wilson, à tort ou à raison, fut déclaré innocent par les juges d'appel. Innocent mais du coup sans cathèdre, contrairement au primat des Gaules. Il serait bon qu'une règle soit établie à l'avenir pour éviter de compréhensives critiques quant à un traitement "à la gueule du client". >>

 

 

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11:58 Publié dans Pape François | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : barbarin

Commentaires

► Je reproduis à nouveau ici la note envoyée précédemment par le Père Christian :

> L'affaire peut être appréhendée sur plusieurs plans :

– Sur le plan du procès :
Sur le fondement du CP art.434-3 ancien, le Tribunal correctionnel a considéré que l'information de "non-dénonciation", entrave à la justice, devait être disjointe de la commission de faits d'agressions ou d'atteintes sexuelles sur mineur. Il s'agit ici d'un délit de non-information lié à une connaissance suffisante des faits, auprès des autorités judiciaires ou/et administratives.
Contrairement au CP art.434-1, l'art.434-3 ne lie pas l'obligation d'informer à une fonction utilitariste préventive. Dès lors que le Tribunal a considéré que l'infraction autonome de non-information était constituée, peu lui importait que les faits connus par le prévenu aient été prescrits ou non. Ici se trouve la principale difficulté de ce jugement : comment un délit d'entrave à la justice par non-information peut-il être constitué lorsque les faits suffisamment parvenus à la connaissance du prévenu sont eux-mêmes prescrits, ce qui entraîne l'impossibilité de l'action publique par extinction ?
Concernant l'élément moral ou intentionnel de l'infraction (la bonne foi ou non), il y a divergence entre le Tribunal et le Parquet.
La Cour d'appel tranchera ces questions en fait et en droit en son appréciation souveraine.

– Sur le plan de la constitution et de la prescription des faits de non-information:
Il est éclairant qu'aient été déclarées constituées des infractions d'entrave à la justice pour les seuls évêques, l'un d'entre eux ayant bénéficié de la prescription des faits. Le Tribunal n'a pas manqué de relever qu'une information donnée à temps aurait empêché l'extinction de l'action publique sur plusieurs faits d'agression par écoulement du temps. Ceci concerne l'ensemble des ayant eu connaissance, particulièrement deux évêques.

– Sur le plan du droit canonique particulier (CEF) :
Les normes approuvées le 30/09/2015 art.12 disposent : "Si au terme de cette enquête (l'enquête préalable du c.1717), l'évêque diocésain […] juge que les faits allégués sont vraisemblables et constate qu'il ne sont pas prescrits, il cherche à coopérer avec la justice étatique […]. Je pense que cet article n'honore pas la souveraineté et l'autonomie du droit étatique, seul habilité à constater une prescription ininterrompue des faits en droit pénal français. On peut penser, comme c'est mon cas, que l'Église catholique et l'État sont, chacun dans son ordre, des "sociétés parfaites", et pour cette raison, ne pas subordonner un droit à l'autre mais les honorer et les coordonner systématiquement l'un et l'autre. Ce qui est omis lorsqu'on n'informe pas la justice étatique de faits dûment recueillis et actés en droit canonique. Il faut faire les deux.

– Sur le plan du droit canonique universel et particulier :
Voir le c.1717 /CIC, les Normes CDF 2010 art.16 et les Normes CEF art.9. En matière de "délits très graves" l'évêque n'a pas le choix de déclencher une enquête préalable dûment actée par notaire prêtre (c.483§2). L'exercice du pouvoir de gouvernement de l'évêque diocésain est encadré par le droit canonique. L'évêque ne peut exercer hors-droit canonique, étant lui-même tenu d'urger l'observance de toutes les lois ecclésiastiques parce qu'il doit défendre l'unité de l'Eglise tout entière (c.392).
Enfin, l'enquête préalable obligatoire lui permet de satisfaire valablement à ses obligations ecclésiales et sociales, en transmettant le dossier à la CDF et en informant lui-même la justice étatique (qui peut se saisir du dossier canonique par voie de perquisition). Lorsqu'il est de bonne foi suffisamment informé, l'évêque doit informer la justice étatique, parce qu'il n'est pas un confident nécessaire ayant reçu des confidences spontanées (jurisprudence Pican de 2001).

– Sur le plan des normes du droit et de la raison :
Le droit impose et permet d'agir à temps. Ici, deux corpus de droit sont convoqués. Or, l'obligation canonique permet justement de satisfaire à l'exigence du droit étatique, car elle garantit une connaissance suffisamment précise et vraisemblable des faits, matière de l'information et de son obligation en droit français. Ainsi satisfaite, l'obligation canonique permet à un évêque de se comporter en Pasteur et en citoyen de bonne foi incontestable et incontestée, dans l'exercice d'une rationalité bien comprise et assumée. Le droit canonique pénal (dont les dispositions sont toujours réformables) est un instrument traditionnel et providentiel d'unité de l'Église et de son témoignage missionnaire en rectitude et en efficacité envers l'ensemble d'une société et envers des personnes humaines massacrées dans leur chair et dans leur foi. Pour des raisons de droit positif, dans ces cas très graves, il faut engager l'action criminelle ecclésiastique. Mais il faut faire cela en raison des finalités de cette action, telles que prévues au c.1341 : faire cesser le scandale, rétablir la justice, amender le coupable, le tout en vue du salut des âmes (c.1752). Prétendre en pratique faire de la "pastorale" en s'exonérant du droit rend illisible la nature sacramentelle et salvatrice de l'Eglise, au-dedans comme au-dehors dans le monde. Pour faire court, ça s'appelle se foutre de l'Église et du monde. Nous n'avons pas fini de payer un antijuridisme pénal intraecclésial et une inculture juridique crasse au sein de l'Église : ne nous étonnons pas que des personnes massacrées se tournent alors contre l'Eglise vers la justice française. Le sentiment de toute-puissance se signale et s'expose en s'exonérant du droit qui porte avec soi la notion de limite. Il faut au fond réformer le concept même de "pastorale" (une sauce mise à toutes les sauces), pour fonctionner ni en toute-puissance ni en panique ni en spiritualisme désincarné, mais en raison en vue de la justice et de la charité et de leur bon témoignage.

Sur la décision du pape François :
On ne connaît pas la qualification canonique actuelle du siège de Lyon, ni du retrait du Cardinal de ce siège. La figure du siège empêché qui est la plus proche ne correspond pas, parce qu'elle requiert l'impossibilité de correspondre par lettres (c.412). Je constate que dans les faits, la décision du Pape consiste à refuser la renonciation présentée pour laisser la décision au Cardinal. Il est par ailleurs étonnant qu'on n'ait pas disjoint le dossier judiciaire (avec la présomption d'innocence consécutive à l'exercice légitime du droit d'appel) de la question d'opportunité ecclésiale et sociale. C'est gravissime. A quoi bon s'accrocher à un siège en engageant toute l'Eglise (particulière et universelle) dans une illisibilité foncière, déclenchant jusqu'à la reprise de débaptisations qui, outre qu'elles finiront par s'imposer en jurisprudence malgré un coup d'arrêt en Cassation, publieront davantage la détestation de la foi et de l'Église ? Je suis foncièrement attaché au droit et au droit de la prescription, qui permet l'établissement valable de la preuve, s'écarte de thèses psychologiques généralisantes, et urge le déclenchement de l'action judiciaire par toute personne ayant une connaissance suffisamment précise des faits, sans escompter qu'une autre le fera à sa place.
Devant les Tribunaux, du point de vue de la précision juridique, je peux souhaiter que le Cardinal Barbarin soit relaxé. Et je peux souhaiter aussi que le procès en appel, puis éventuellement en Cassation établisse une doctrine jurisprudentielle solide concernant des thèmes graves, comme le délit de non-information, la prescription, le secret des ministres du culte, de manière à acquérir une compréhension précise de mes obligations juridiques. Mais je peux aussi souhaiter que les membres de l'Eglise soient de corrects acteurs du droit, aux côtés du droit (et non du côté des victimes au procès, ce qui est douteusement tardif et assurément transgressif), et aux côtés de la personne massacrée dans son enfance qui veut être écoutée et en cela sérieusement aimée. Être Pasteur de l'Église et dans ce monde, c'est se savoir comptable du témoignage de l'Église en référence à l'action et à l'inaction à l'égard d'autrui, et au Christ qui donne l'exemple du Bon Samaritain. Relaxé ou non, il y a des circonstances où la "pastorale" ne saurait cohabiter avec des rictus désinvoltes, en majesté se cramponnant au droit, un droit qu'on a par ailleurs tant ignoré. Saint Matthieu ch.23 est à revisiter dans son ensemble.

Père Christian
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Écrit par : Le point juridique et pastoral | 23/03/2019

JURISPRUDENCE FRANÇOIS

> https://www.nouvelobs.com/societe/20190323.OBS2298/pedophilie-le-pape-accepte-la-demission-du-cardinal-chilien-ezzati.html

> Confirmation aujourd'hui de la "jurisprudence François" : les démissions de prélats ne sont acceptées qu'après le prononcé d'une décision non susceptible de recours ou pour laquelle aucune des parties n'a exercé son droit de recours. C'est le cas du cardinal Ezzati, dont la culpabilité a été reconnue hier par une cour d'appel chilienne et dont la démission a été acceptée aujourd'hui même par le pape. Voilà qui clarifie les choses.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 23/03/2019

> On peut aussi méditer Saint Matthieu ch.7
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Écrit par : Michel de Guibert / | 23/03/2019

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