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22/02/2019

Tremblez, GAFAM, l'Elysée va "prendre des actes"

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Emmanuel Macron fera-t-il réellement voter des lois incompatibles avec le néolibéralisme numérique ? Ce serait singulier. Et que dire de "l'exemple allemand" invoqué par M. Mahjoubi :


 

Emmanuel Macron s'y est engagé le 19 février à Quatzenheim : il va "prendre des actes" (curieuse formule) pour mettre hors d'état de nuire les individus haineux. Il l'a confirmé le 20 février au dîner du CRIF : dès le mois de mai, une loi numérique sera débattue "pour accélérer le retrait des propos antisémites et responsabiliser davantage les plateformes".

On est curieux de voir comment va s'y prendre le jeune président libéral, affronté ici au pilier (numérique) de la "nouvelle économie"... libérale.

En effet, de quoi parle-t-il ?  Des propos haineux qui prolifèrent sur la Toile. Où prolifèrent-ils ?  Sur certains sites extrêmes, mais principalement sur les réseaux "sociaux". Or : 1. profitant de la mondialité et de l'absence de régulation (dogmes économiques néolibéraux), les sites extrêmes sont domiciliés hors de France ;  2.  les géants numériques (Twitter, Facebook etc) font la sourde oreille, car

<< ...les entreprises américaines ont développé un concept spécieux qui semble se substituer aux dispositions pénales en matière de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Ce concept est dénommé : "termes du service" ou "standards de la communauté". Qui fixe la règle ? Les internautes ? Non, ce sont lesdites sociétés qui fixent la règle. D'autre part, les sociétés américaines ont en tête le premier amendement de la Constitution américaine. La logique est américaine. Faire bouger ces mastodontes, nés dans l’environnement juridique américain où la liberté de parole est moins encadrée, est chose compliquée... >>  (L'Arche, 15/01/2018)

"Faire bouger ces mastodontes" sera d'autant plus dur à M. Macron qu'il a déroulé le tapis rouge aux grandes entreprises étrangères, majoritairement américaines, à Versailles le 21 janvier lors de son raout Choose France.  Peut-on promettre toutes facilities  au business US (qui voudrait imposer partout la loi US)... mais en même temps "prendre des actes" en sens contraire ?

Il y a l'exemple allemand, nous dit Mounir Mahjoubi. Certes : la Netzwerkdurchsetzungsgesetz ("loi de mise en oeuvre du Net"), alias "NetDG", oblige les réseaux sociaux à retirer "dans les 24 h après le signalement" un contenu "manifestement haineux". Si le caractère illégal est moins évident, les réseaux disposent "d'une semaine" pour réagir. Le non-respect de ces délais expose les contrevenants à une amende "pouvant aller jusqu'à 50 millions d’euros"... La chose serait impressionnante si elle était appliquée, en grand et par les tribunaux du pays ; mais  elle se réduit pratiquement à déléguer aux géants du Web le pouvoir de trier les contenus. Ce qui revient à dire : "Article 1,  les plateformes sont sous surveillance ; article 2, l'application de l'article 1 est à la discrétion des plateformes".

Bon courage, Jupiter.

 

 

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Commentaires

LOIN

> Prendre des "actes"? s'il arrivait déjà à "prendre" des impôts, cela paraitrait plus sérieux, mais on en est loin.
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Écrit par : Pierre Huet / | 21/02/2019

LA BALANCE

> Evidemment, vu son comportement depuis son intronisation et les valeurs qu'il prône, on est assez dubitatif. Mais d'un autre côté, quelques millions récoltés pour le Trésor Public lors de chaque infraction, c'est tentant. De quel côté penchera la balance ?
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Écrit par : Bernadette / | 21/02/2019

CYBER

> Le cyberharcèlement peut être extrêmement destructeur. Il y a deux ans, j'ai aidé un ami à préparer des lettres de mise en demeure à l'attention de Facebook qui refusait de retirer un faux profil créé par une jeune femme qui, éconduite par ce même ami, était en mal de vengeance. L'ami en question était épouvanté par les calomnies publiées, les photos détournées, l'appel à témoins auquel certains de ses collègues ont répondu, pour certains sous couvert d'anonymat ; il dut quitter son entreprise, ne supportant plus le regard des autres. Néanmoins, les démarches en ligne ne donnèrent rien, le faux profil "ne violant aucun des principes d'utilisation de Facebook". Sauf que la vie privée de cet ami y était exhibée sans son consentement ; les lettres recommandées n'eurent pas davantage raison de ce harcèlement. Nous recevions toujours le même message-type, sans doute généré par quelque algorithme : Facebook ne ferme pas ses comptes, même les plus manifestement diffamatoires, car ceux-ci participent à son chiffre d'affaires.
Pure logique libérale.
Qu'une vie privée soit exhibée, que des mensonges soient colportés, qu'une réputation soit anéantie, qu'une personne doive démissionner et subisse des insomnies à cause de tout ce stress, M. Zuckerberg, riche à milliards, n'en a que faire. Grâce soit rendue au Saint-Père qui prie souvent les matins à Sainte-Marthe pour toutes ces victimes de la médisance en ligne : vouloir détruire quelqu'un, c'est se faire le suppôt de Satan.

PV


[ PP à PV – Aviez-vous lu en son temps 'Le Cercle', roman redoutable de Dave Eggers (Gallimard 2013) ? Il y a une note de mon blog sur ce livre très pertinent. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Philippe de Visieux / | 22/02/2019

L'ARGENT

> Boaf ! que voulez-vous qu'il fasse ce brave Jupiter ?
quelques rodomontades devant les caméras, ça satisfait le gogo, et d'ici 15 jours ce sera oublié des électeurs !
Les promesses n'engagent que ceux qui y croient disait un politique....
Piquer de l'argent dans la poche des riches c'est trop difficile (et dangereux), alors autant le faire dans la poche des pauvres. C'est plus facile, et puis s'ils se délocalisent dans un paradis fiscal, ca ne fera pas une grosse perte !
Cdt,
______

Écrit par : bergil / | 22/02/2019

à Patrice :

> Oui, je l'ai lu, suite à la lecture de votre analyse en trois volets. Récit assez effrayant mais somme toute représentatif du tout-numérique vers lequel nous nous dirigeons : c'est Orwell en actes. On perçoit bien dans le livre d'Eggers combien l'apparence sympa et cool des réseaux dits sociaux et de leurs jeunes dirigeants n'est que le vernis d'un verrouillage des utilisateurs : en un clic, on peut faire chanter quelqu'un, on peut publier de fausses allégations lues par des milliers de personnes, etc.
'Le Cercle' annonce le net affaiblissement du concept de vie privée. La reconnaissance faciale sur voie publique relève d'une logique similaire : en Chine populaire, où elle est déjà largement employée, elle sert à pister les citoyens dont le comportement est ensuite évalué par les autorités : "bons" ou "mauvais", selon qu'ils ont été filmés faisant ceci ou cela... ou se sont rendus à telle église interdite par le régime. Le citoyen vivant dans la peur de déplaire voit son comportement conditionné : perdant vie privée et liberté effective, il devient un pantin.
Pour information, M. Estrosi vient d'autoriser la mise en place d'un tel système de reconnaissance dans sa ville de Nice, officiellement pour lutter contre le terrorisme, mais personne n'ignore que ces caméras ne seront pas sans autre usage... Restons vigilants devant ces évolutions.
______

Écrit par : Philippe de Visieux / | 23/02/2019

Lu à l'instant sur vaticannews.va :

> ”Le développement des algorithmes, capables de traiter une quantité de plus en plus importante de données, ne doit pas réduire la personne humaine à une logique purement mécanique. «La tentative d’expliquer toute la pensée, la sensibilité, le psychisme humain sur la base de la somme fonctionnelle de ses parties physiques et organiques, ne rend pas compte de l’émergence des phénomènes de l’expérience et de la conscience. Le phénomène humain dépasse le résultat de l’assemblage calculable des éléments seuls», a martelé François.”
Le pape craint avec raison "une technologisation de l’homme plutôt que d’une humanisation de la technologie".
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Écrit par : Philippe De Visieux / | 25/02/2019

Les commentaires sont fermés.