04/02/2019
La vraie nature du "populisme" de droite
Le parti-pris (révélateur) de Salvini en faveur du grand projet inutile de TGV Lyon-Turin montre les coulisses du populisme de droite... et divise en public la coalition gouvernementale italienne :
La coalition "populiste" italienne va-t-elle éclater à cause de la "TAV" – futur TGV Lyon-Turin – et son tunnel de 57 kilomètres ? On sait que ce grand projet inutile de 8,6 milliards d'euros : 1. coûtera plus cher qu'il ne rapportera (cf. le rapport commandé par le gouvernement), 2. ne profitera qu'à ses constructeurs, 3. entraînera des dégâts environnementaux irréversibles... Il soulève donc de violentes oppositions depuis plusieurs années dans la péninsule, comme nous l'avons relaté naguère : taper Lyon-Turin ici dans la fenêtre RECHERCHER.
Le parti M 5 S, deuxième pilier de la coalition "populiste" actuellement au pouvoir, combat le projet Lyon-Turin depuis l'origine. Hier, le vice-président du Conseil et leader du M 5 S, Luigi Di Maio, a réaffirmé : "Nos promesses électorales seront tenues, la TAV ne se fera pas. Tant que nous serons au gouvernement ce chantier ne s'ouvrira pas."
Mais l'avant-veille, l'autre vice-président du Conseil, Matteo Salvini, ministre de l'Intérieur et chef de la Ligue (ultra-droite), s'était rendu sur le site italien du chantier – le val de Suse – et avait proclamé à grand renfort de superlatifs dignes à la fois de Trump et du Duce : "Il faut mener à bien cet incroyable, exceptionnel ouvrage dont l'Italie devrait être fière dans le monde entier !" En effet le parti de Salvini, flambeau du "populisme" d'ultra-droite en Europe occidentale, est lié à certains des intérêts qui profitent du chantier TAV. Il est également lié aux intérêts gaziers dans le sud de l'Italie, et s'oppose sur tous ces sujets aux populistes du M 5 S. Depuis mars 2017, chaque fois que ceux-ci ont fait une concession à la Ligue dans ces domaines, cela s'est traduit par un recul du M 5 S dans les sondages...
Cette fois, à l'approche des élections européennes, Di Maio réagit contre la Ligue en tapant sur la table : "Si [Salvini] insiste tellement sur la question du TAV, dois-je en conclure que c'est pour rompre l'alliance gouvernementale ?"
S'agissant ce la coalition italienne que nos médias présentent comme le "laboratoire" (?) du populisme en Europe occidentale, l'affaire est symptomatique. Elle montre que le populisme de droite est un mensonge, contrairement à ce que veulent croire les naïfs.
Il y a mensonge quand on refuse de voir la vraie nature de la crise de société. Celle-ci vient de la domination de l'économie financière, qui rend absurde le vivre-ensemble en abolissant les dimensions humaines qui lui donnaient sens ; processus expliqué avec force par le pape François dans Laudato Si'. Refuser de voir cela (l'ensemble du problème), détourner l'attention du public sur certains effets dont on cache la cause, c'est la méthode des "populistes" de droite. Elle dissimule leur véritable fonction : ils sont liés aux milieux économiques ultralibéraux, comme on le voit en Italie avec la Ligue, en Hongrie avec les folies anti-salariés de Viktor Orban, etc. C'est une vieille habitude à droite : Dino Risi la satirisait en 1975 dans son film La Marche sur Rome où Gassmann et Tognazzi, chemises noires de base, constatent comment Mussolini bafoue point par point les prétentions sociales de son programme. Pour paraphraser Hegel : l'histoire se répète en farce – et ne fait pas rire.
11:59 Publié dans Ecologie intégrale, Idées | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : italie, populisme
Commentaires
POURVU
> Vous pourriez rajouter un point 4 (ou 1bis) : ce projet, comme tous les grands projets, dépassera le budget prévisionnel.
Pourvu qu'il ne se fasse jamais !
A ce propos, notre ministre de l'écologie devrait pourtant tirer le signal d'alarme, s'il était vraiment pour l'écologie. Enfin, je ne pense pas que quiconque se fasse encore beaucoup d'illusion à son sujet. Hélas !
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Écrit par : Bernadette / | 04/02/2019
LA VRAIE RAISON
> Savez vous pourquoi certains soutiennnent le projet ?
J’ai un jour échangé avec quelqu’un qui connaît bien le dossier et lui demande: pourquoi soutenir un projet ruineux et peu utile alors même que le réseau ferré en France souffre d’investissement très faible ce qui dégrade sa performance (vitesse fiabilité) sur des liaisons régionales ou il pourrait constituer une alternative à la voiture ?
Réponse : "si on ne fait pas ce projet alors les subventions européennes iront à un projet qui ne concerne pas la France (par exemple en Europe de l’est)".
Catastrophe de la subsidiarité telle que la conçoit l’UE ! Elle sert les intérêts des grands groupes par nature en privilégiant les GPI.
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Écrit par : Ludovic / | 04/02/2019
Mariage de la Carpe et du Lapin!
> Pas très surprenant: les gens de la Ligue du Nord, comme leurs semblables les séparatistes catalans, veulent se montrer mentalement proches de l'Europe du Nord, aussi entrent ils dans la logique du rapprochement par les moyens de transport les plus rapides.
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Écrit par : Pierre Huet / | 05/02/2019
PAS D'ACCORD
> Que le projet de train Lyon-Turin coûte un bras, je l'accorde, c'est sur c'est cher. Que des entreprises du BTP s'en mettent plein les poches (gros contrat avec gros chiffre d'affaire), c'est logique et lié (dans les 2 sens) avec l'affirmation précédente.
Mais que ce projet soit "inutile" je ne suis pas d'accord : on ne peut pas demander de faire passer encore plus de fret sur le rail en mettant des camions sur les trains, en mettant des conteneurs sur les wagons, et en se contentant des infrastructures actuelles.
Les voies ferrées existantes permettent de faire passer de la marchandise de France à Italie, la SNCF a prouvée son incompétence à faire circuler plus de fret alors que ce serait possible, certes, mais il est actuellement PHYSIQUEMENT IMPOSSIBLE de mettre des camions sur les trains, ou des conteneurs sur les wagons sur ces lignes existantes car les tunnels (il y en a beaucoup), ainsi que les courbes des voies en montagne ne permettent pas de faire passer ces wagons qui sont plus larges (le gabarit) que les wagons standard. Il faut se rappeler que cette voie (existante) a été créée il y a plus d'un siècles , à une époque où les wagons étaient plus petits et donc toute l'infrastructure est au format de l'époque. Une remise à l'échelle de l'infrastructure pour passer au gabarit "camion" ou "conteneur" (beaucoup plus large et haut), couterait un bras, et se heurterait aussi au problème de pente des voies (montée jusqu'au col de Modane) qui coute cher en énergie (traction du train) et le limite dans son tonnage (tant à la monté, qu'à la descente !).
Ce nouveau tracé, et ces infrastructures va certes modifier l'environnement de façon irrémédiable, comme pour toute infrastructure, mais je préfère cela à une autoroute ou un aéroport.
Nous ne pouvons continuer à exiger une politique schizophrénique de "transport vert" du fret (plus de train et de bateau), et refuser l'adaptation de nos infrastructures nécessaire à cette "croissance" du trafic (pour transvaser le routier vers le rail). Nous ne pouvons refuser le passage des camions par la vallée de la maurienne sur l'autoroute, et refuser de les mettre sur les trains (en refusant ce nouveau tracé ferré).
Je suis le premier à râler contre la bétonisation des sols, les parkings, le tout voiture et camion, mais là, j'aimerai savoir ce que les anti-TAV proposent de concret pour basculer le trafic routier vers le rail entre la France et l'Italie.
Mon beau-frère est un spécialiste du système ferré (et le premier à pester contre la SNCF), mais, nous en discutons régulièrement, selon lui, il n'y a pas d'alternative viable (économiquement et quantitativement), à cette nouvelle infrastructure. Ce qui n'exclut pas la possibilité de la repenser et réformer légèrement.
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Écrit par : Bergil / | 05/02/2019
BILAN
> Tout ceci me fait penser à la LGV Est-Européenne, décidée par M. Gayssot il y a vingt ans. Il fallait 2h40 pour faire Nancy-Paris à l'époque. Aujourd'hui, c'est 1h30 mais, en "Ouigo", il faut être embarqué une demi-heure avant, ce qui rallonge le trajet à 2 heures. Or, les retards sont beaucoup plus fréquents que sur la ligne classique, parfois 10 à 15 minutes. Des milliards engloutis, une campagne défigurée pour des gains de temps si minimes... Cela en valait-il la peine (sachant que les petites villes anciennement irriguées par les Corail ne le sont plus) ?
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 05/02/2019
ORBAN
> Sur un autre dossier, j'ai été quand même surpris de l'attitude de la Hongrie (malgré les liens avec Moscou) envers Maduro !
RR
[ PP à RR – Le soutien de la Russie à Maduro n'a rien d'idéologique : il ne s'agit que d'empêcher la chute du régime chaviste et son remplacement par un régime pro-US qui ne rembourserait pas l'énorme dette vénézuélienne à la Russie (et à la Chine).
Quant à Orban, c'est un signe de plus de son appartenance réelle au camp économique euro-libéral... (Ce qui se concilie très bien, au fond, avec des mesures autoritaires à usage interne. La France aussi risque d'en être un exemple si on laisse faire Macron). ]
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Écrit par : Raphaël R. / | 05/02/2019
@ Bergil
> Évidemment que la ligne Lyon Turin n’est pas totalement inutile.
Comme je le dis le vrai problème est une très mauvaise allocation de ressources.
C’est beaucoup trop cher par rapport à la plus-value (sans parler de l’impact écologique).
@ Ph de Visieux
> Le pire c’est le TGV Rhin-Rhône : j’avais un article de 'La Vie du rail' des années 90 qui disait qu’une chose était sûre : ce serait une folie de faire et le TGV Est, et le Rhin-Rhône.
Et bien on a fait les 2 !
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Écrit par : Ludovic / | 05/02/2019
à PP:
> Tout à fait d'accord avec vous. Néanmoins, j'aurais pensé qu'il se rangerait du côté des États-Unis, Israël, etc.
À noter que la "coalition populiste" italienne se "déchire" sur le cas vénézuélien aussi...
RR
[ PP à RR – La position des Européens pro-Guaido ne fait que reproduire, dix jours plus tard, celle de la Maison Blanche...)
réponse au commentaire
Écrit par : Raphaël R. / | 06/02/2019
à Bergil :
> A flux constants ou croissants, vous n'avez pas tort. Une autre question à se poser est celle de l'ampleur de ces flux : quelle est la proportion des transports de marchandises dont on pourrait se passer ? Je n'ai pas la réponse, mais je soupçonne qu'elle n'est pas négligeable
(*) Un collègue me parlait il y a peu d'un de ses amis, chauffeur routier, qui avait un temps transporté des pommes cueillies et emballées par barquettes de quatre en Touraine pour les acheminer en Italie où lesdites barquettes étaient étiquetées avant d'être réexpédiées… en Touraine. Tout cela, apparemment pour d'obscures raisons fiscales.
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Écrit par : Sven Laval / | 06/02/2019
PROJET FOU
> https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0600685619831-des-experts-italiens-enterrent-le-tunnel-lyon-turin-2244200.php
L'espoir de voir ce projet fou s'arrêter même si certains arguments font sourire ou pleurer...
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Écrit par : Ludovic / | 13/02/2019
Les commentaires sont fermés.